Peut-être va-t-il falloir réviser les manuels de biologie. Car ce ne seraient pas cinq grandes extinctions de masse qui auraient affecté l’évolution de la vie terrestre, mais six, sans compter celle en cours. Jusqu’à présent débattue, l’existence d’une toute première crise biologique majeure il y a 550 millions d’années, à la fin de l’Édiacarien, est en effet supportée par une nouvelle étude.


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    Nous avons l'habitude de dire que l'histoire de la vie terrestre est jalonnée de cinq grandes extinctions de masses et que nous sommes en train de vivre la 6e. Cette dernière se démarque cependant des autres par le fait qu'elle est provoquée par les actions de l'Homme sur son environnement.

    Mais le compte ne serait peut-être pas tout à fait bon. Actuellement sont comptabilisées les extinctions de l’Ordovicien-Silurien (450 millions d'années), du Dévonien (375 millions d'années), du Permien-Trias (250 millions d'années), du Trias-Jurassique (200 millions d'années) et, dernière officielle en date, du Crétacé-PaléogènePaléogène (66 millions d'années) qui a vu disparaître les dinosauresdinosaures. Dans un article publié en novembre dernier, des scientifiques montrent qu'il faudrait cependant en ajouter une. Il s'agirait d'ailleurs de la toute première extinction de masseextinction de masse de l'histoire de la vie terrestre. Elle serait survenue il y a environ 550 millions d'années, durant la période nommée Édiacarien.

    L'histoire de la vie terrestre est jalonnée de cinq grandes extinctions de masse. © PaleoFactory, Sapienza Université de Rome
    L'histoire de la vie terrestre est jalonnée de cinq grandes extinctions de masse. © PaleoFactory, Sapienza Université de Rome

    Biais de préservation ou véritable extinction ?

    À cette époque, la vie était exclusivement marine et encore très primitive. La faunefaune est alors composée d'organismes multicellulaires à corps mous, possédant des formes étranges, comme des disques ou des sacs. La difficulté à fossiliser ce type d'organismes fait qu'il nous est parvenu peu de témoignages de cette époque lointaine où la vie en était encore à ses balbutiements.

    Certains enregistrements fossilesfossiles laissaient toutefois supposer l'existence d'une extinction de masse à la fin de l'Édiacarien, vers 550 millions d'années. Les formations géologiques de cet âge montrent en effet une soudaine disparition de la faune typique à corps mou de l'Édiacarien mais également d'organismes possédant un squelette calcifié. Cependant, cette hypothèse est longtemps restée débattue. Pour de nombreux scientifiques, la disparition de la faune de l'Édiacarienfaune de l'Édiacarien des enregistrements fossiles n'aurait été qu'apparente, et liée principalement à un biais de préservation.

    Fossile de Dickinsonia (vendozoaire), sorte de coussin mou ne possédant aucun organe interne et se nourrissant certainement par osmose. © Verisimilus, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Fossile de Dickinsonia (vendozoaire), sorte de coussin mou ne possédant aucun organe interne et se nourrissant certainement par osmose. © Verisimilus, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    La nouvelle étude publiée dans PNAS apporte cependant les preuves qu'une crise biologique majeure s'est bien produite à la fin de l'Édiacarien.

    80 % des espèces disparaissent sans être remplacées

    Les scientifiques montrent en effet que la première partie de l'Édiacarien, de 575 à 550 millions d'années, est marquée par une augmentation de la biodiversité. L'analyse des fossiles révèle une diversification dans le mode d'alimentation, des habitudes de vie et de la taille des organismes entre le début et le milieu de cette période géologique. Alors qu'au début, les organismes semblent plutôt statiques, de petits animaux mobiles commencent à faire leur apparition sur le tapis microbien tapissant alors le fond des océans. Mais cette évolution et diversification s'arrêtent soudainement sur la deuxième partie de l'Édiacarien, entre 550 et 539 millions d'années. Pire, durant cet étage nommé géologique Nama, près de 80 % des espècesespèces semblent disparaître !

    Pour Scott Evans et ses collègues, auteurs de l'étude, il ne s'agirait cependant en rien d'un biais de fossilisationfossilisation. Pour les scientifiques, la preuve en est que toutes les niches écologiques semblent affectées de la même manière, quels que soient le mode d'alimentation ou la zone d'habitat. Sur les 70 groupes observés durant les étages précédents, seuls 14 sont encore présents à la fin de l'Édiacarien, sans qu'il y ait remplacement des espèces disparues. Ce déclin de diversité est tel qu'il serait à mettre sur le même compte que les autres cinq grandes extinctions de masse.

    Un océan pauvre en oxygène

    Les scientifiques notent que la plupart des animaux ayant survécu à cette extinction sont de grande taille, avec une forme de fronde présentant une large surface par rapport à leur volumevolume. Cette observation suggère une réduction drastique des taux d'oxygène dans l'eau. En effet, en présentant une proportion maximale de cellules en contact direct avec l'eau de mer, ces organismes auraient été mieux adaptés pour survivre dans ce type d'environnement anoxiqueanoxique. Cette donnée est supportée par des études géochimiques qui montrent un environnement très appauvri en oxygène à la fin de l'Édiacarien.