Cet animal mignon avec ses longues oreilles et son petit museau est loin de mériter sa réputation de lapin crétin. En témoigne sa capacité à s'adapter à tous les coins du monde où il a été introduit. Mieux encore, on a découvert qu'il aimait se détendre en écoutant de la musique ! Retranscription d'un épisode du podcast family-friendly Bêtes de Science, cet article s'adresse aux petits comme aux grands. Que vous souhaitiez lire l’histoire ou l’écouter, découvrez l’épisode ci-dessous.


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    Découvrez le podcast à l'origine de cette retranscription dans Bêtes de Science.

    Durant le mois d'avril, on le mange en chocolat avec la tentation de commencer par croquer... ses oreilles ! Eh oui, avec les cloches et les cocottes, le lapin est l'une des stars de Pâques. Mais pas seulement ! Il peuple contes et légendes de sa petite silhouette poilue. On le retrouve même sur le grand écran, une carotte toujours à la main dans les Looney Tunes ; très pressé en compagnie d'Alice arpentant le Pays des merveilles ; et s'adonnant à toutes sortes de facéties dans les aventures des Lapins Crétins. Si ce mammifère herbivore est si souvent mis en scène par les humains, c'est parce qu'avec son cousin, le lièvre, il les côtoie un peu partout sur la planète depuis fort longtemps. On a retrouvé des traces datant d'il y a 2 000 ans, lors de fouilles archéologiques à Teotihuacán, une grande ville du Mexique, témoignant de son importance dans la vie quotidienne des humains vivant à cette époque. De l'autre côté de l'océan, les Romains mettaient en place toutes sortes de stratégies pour chasser le lapin. Et le lièvre avait quant à lui son propre hiéroglyphe, c'est-à-dire son propre symbole utilisé pour l'écriture, à l'époque de l'Égypte antique.

    Mais on a beau les admirer et les côtoyer depuis longtemps, il faut bien avouer que cela ne nous empêche pas de les confondre ! Eh oui, ces petites bêtes sont toutes deux des lagomorphes et appartiennent à la même famille, la famille des léporidés. Mais un lièvre et un lapin, ça n'est pas tout à fait la même chose. Voici une astuce pour les différencier : le lièvre est plus grand, plus élancé que le lapin, doté de longues pattes arrière et si tu l'observes attentivement, tu remarqueras qu'il a des taches noires au bout de ses grandes oreilles ! Autre différence moins facile à observer cependant, les petits du lapin, que l'on appelle les lapereaux, naissent nus et aveugles dans une rabouillère, une galerie souterraine creusée spécialement par leur mère lapine pour leur donner naissance. Car, et c'est là une activité dont le lièvre n'est pas friand, le lapin creuse des terriers !

    Si tu te demandes comment il fait pour arpenter ces grandes galeries sans électricité, sache qu'il n'a aucun souci pour voir dans l'obscurité ! Et cela tombe bien, car le lapin est un animal nocturne. Ses grands yeux, placés de chaque côté de sa tête lui permettent de voir à 360 degrés, c'est-à-dire d'observer en un coup d'œilœil tout ce qu'il se passe autour de lui. Impressionnant non ? Tu imagines si tu pouvais regarder dans ton dosdos sans tourner ta tête ? En revanche (personne n'est infaillible !) il ne voit pas de près. Mais le léporidé a, là aussi, une parade : ses moustachesmoustaches, que l'on nomme vibrisses, prennent le relai et lui permettent de se repérer dans l'espace. Tout comme le font nos amis les chats ! Si ces longs poils frottent un peu trop les parois d'un tunnel où il s'est engagé, il sait que le reste de son corps ne passera pas, et n'a alors plus qu'à faire demi-tour. Ses grandes oreilles, sont quant à elles bien plus qu'une simple mignonnerie. Les vaisseaux sanguins qui les irriguent permettent au lapin d'évacuer la chaleurchaleur de son corps en cas de fortes températures. Et il a de plus une excellente ouïe ! 

    Toujours en quête de quelque chose à se mettre sous la dent, notre petite boule de poils explore volontiers des terrains qui lui sont inconnus et mange sans rechigner les végétaux qu'il trouve. En effet, le lapin est folivore, c'est-à-dire qu'il se délecte d'une grande variété de feuilles et de tiges. Et tu savais peut-être déjà qu'il dispose pour cela d'une arme précieuse : ses longues dents qui n'en finissent jamais de pousser ! Mais savais-tu qu'il a une double digestiondigestion ? Eh oui, cela peut sembler un peu répugnant, mais afin d'absorber tous les nutrimentsnutriments dont il n'a pas pu profiter la première fois, le lapin mange ses excréments. On dit qu'il est caecotrophe !

    Ces capacités extraordinaires permettent au lapin de vivre un peu partout ! Le lapin de Gapp a par exemple élu domicile dans les forêts tropicales d'Amérique, le lapin des volcans bondit dans les montagnes du Mexique et le lapin des Amami est endémiqueendémique des îles du sud-ouest du Japon, c'est-à-dire qu'on le trouve uniquement sur ces îles, et nulle part ailleurs. Le lapin peuple même l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les Européens l'ont en effet ramené avec eux dans leurs bagages au gré de leurs expéditions. Et quel lapin ! Le lapin de Garenne, originaire d'Espagne et du Sud de la France et qui porteporte le doux nom scientifique Oryctolagus cuniculus. Tu l'as peut-être déjà aperçu lors d'une promenade en campagne. Sans véritable prédateur sur le sol australien, le lapin s’est multiplié, dévorant tout sur son passage, et menace aujourd'hui l'équilibre de la faune et de la flore locales.

    Mais le lapin n'est pas forcément condamné à jouer le rôle d'espèce envahissanteespèce envahissante. Dans les écosystèmesécosystèmes dont il est originaire, il occupe même une place écologique importante. Il participe à la régulation de la flore, enrichit les sols de ses excréments et représente une proie essentielle pour certains animaux en danger d'extinction, comme le majestueux lynx pardelle qui vit en Espagne. Pourtant, dans de nombreux endroits du globe, le lapin est menacé par les activités humaines qui mettent en péril son habitat. Et ce alors même que, depuis 1 500 ans, ce lapin a été progressivement domestiqué. Oui oui, tout comme le cheval, le chienchien ou encore le chat, il est passé d'une espèce sauvage à une espèce apprivoisée par l'Homme. Du fait de sa proximité biologique avec nous, il a aussi rapidement fait partie des animaux les plus étudiés et utilisés en laboratoire. Et c'est à un lapin qu'en 1881, un certain Louis PasteurLouis Pasteur inocula le virus de la ragerage pour en affaiblir la virulence, car les lapins ont un excellent système immunitairesystème immunitaire. Il put ainsi récupérer une version amoindrie du virus qu'il injecta à Joseph Meister, un petit garçon mordu par un chien enragé. L'opération fut un succès : le vaccinvaccin contre la rage venait d'être inventé, et Joseph Meister devenait le premier humain à être vacciné. Et les pouvoirs de cette petite boule de poils ne s'arrêtent pas là, car comme tu vas le découvrir, il est loin de mériter sa réputation de lapin crétin. Au contraire, ses grands yeux et son mignon petit neznez cachent un cerveaucerveau plus futé qu'on ne le croit. Ouvre grand les oreilles, nous partons à la découverte de son intelligenceintelligence !

    Le comportement des lapins

    La hiérarchie chez le lapin, c'est important, tout comme la notion de territoire, qu'il défend jalousement. Les éthologues, ces scientifiques qui étudient les animaux, ont ainsi observé que lorsqu'ils vivent en colonies, nos lagomorphes se divisent en plusieurs rôles sociaux bien distincts. Par exemple, les individus dominants contrôlent le centre du territoire, tandis que les autres vivent à sa périphérie. Ce n'est d'ailleurs pas valable seulement dans la nature, car les scientifiques ont aussi observé la création de hiérarchies structurées en laboratoire ! Autre chose surprenante : les lapins créent des liens forts avec certains individus de leur choix, qu'ils préfèrent aux autres. Un peu comme toi, lorsque tu noues des amitiés. Ces relations, une fois mises en place, peuvent perdurer sur de longues années. En voilà une organisation sociale complexe ! Et pour faire la différence entre un voisin aventureux et un lapin étranger, le léporidé peut compter sur son odoratodorat très développé.

    D'autres études scientifiques menées sur les lapins sauvages ont découvert que le lapin était encore plus malin. Forcé de cohabiter avec les humains, il a appris à se nourrir directement dans les champs de céréalescéréales ou encore à se méfier du poison que les humains disposent près de leurs cultures pour les protéger. Ce mammifèremammifère tout terrain emprunte même les voies ferrées et les routes pour se déplacer. Le lapin est décidément bien astucieux ! En laboratoire, cette petite boule de poils a démontré ses capacités à résoudre des problèmes, à se repérer dans un labyrinthe ou à trouver une friandise soigneusement cachée. Eh oui, animal aux relations sociales complexes, capable de tirer parti de sa cohabitation avec les humains, le lapin n'est par ailleurs pas dénué d'intelligence cognitive ! Et il y a plus étonnant encore...

    Nous voici à Indianapolis, une ville américaine au sud des Grands Lacs qui chevauchent la frontière entre les Etats-Unis et le Canada. Jessica Peveler et Debra Hickman, deux chercheuses de l'université d'Indianapolis s'intéressent à quelques lapins qui vivent isolés dans une des pièces de leur laboratoire. Les vieux lapins ont l'airair de s’y ennuyer sérieusement. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les pensionnaires à grandes oreilles ne sont pas prêts de quitter leurs cages en plastiqueplastique pour un bon bout de temps. Ils participent en effet à une étude sur les conséquences que peut avoir l'alimentation sur la duréedurée de la vie. Et, mis à part leur demi-heure d'exercice par semaine et les quelques jeux mis à leur disposition, les lapins ne font pas grand-chose et sont connus dans l'équipe pour n'aimer ni le changement ni les inconnus. Et il ne faut pas croire, Jessica et Debra ne sont pas insensibles au bien-être de ces petites bêtes. Elles se demandent comment elles pourraient améliorer leur quotidien, lorsqu'un jour, une idée leur vient... Eh oui, tu l'auras peut-être deviné, les chercheuses ont décidé de leur faire écouter de la musique toute la journée. De nombreuses études ont en effet démontré qu'une petite mélodie pouvait avoir de grands effets sur le bien-être des chevaux, des chiens, des chats ou encore des cochons. Juste avant de procéder à l'expérience, les deux scientifiques réalisent donc des prises de sang afin de mesurer le taux de cortisolcortisol des petites bêtes. Le cortisol, c'est ce que l'on appelle l'hormone du stress. C'est une substance que l'on retrouve dans le sang et qui est produite par deux glandesglandes qui se trouvent juste au-dessus des reinsreins : les glandes surrénalesglandes surrénales. Lorsque le corps est en alerte, le cerveau envoie un signal aux glandes surrénales qui se mettent à produire du cortisol. Conclusion, lorsque tes mains deviennent moites, que ton cœur bat la chamade, que tu as soudain une boule dans le ventre ; bref, quand tu es stressé, c'est la quantité de cortisol dans ton sang qui augmente. Les chercheurs mesurent souvent cette quantité car elle les renseigne sur le bien-être d'un animal. Ils peuvent ainsi savoir s'il est stressé ou détendu par exemple. Et c'est ce qui nous intéresse ici.

    Pendant six mois, Jessica et Debra font donc écouter de la musique aux lapins, entre 8h et 16h à un volumevolume ni trop fort, ni trop bas. Au bout de six mois, rebelote, elles effectuent une nouvelle prise de sang pour mesurer le fameux taux de cortisol. Et là, surprise : celui-ci a baissé, signifiant que les lapins sont devenus, tu l'auras compris, plus détendus. Pour être bien certaines que la musique est à l'origine de ce phénomène, elles cessent d'en diffuser dans la salle où se trouvent les lapins, et ce, pendant encore 6 mois. À la fin de ces six mois, une seule façon de vérifier leur hypothèse : la mesure du cortisol sanguin ! Et ça ne raterate pas : à nouveau, le cortisol est remonté pour rejoindre sa valeur d'avant le début de l'expérience. Les petites bêtes poilues sont à nouveau stressées. Il faut dire qu'être enfermé dans une cage, souvent seul et être manipulé par des humains en blouse blanche, ça ne doit pas être toujours facile. Et on se pose beaucoup de questions pour savoir si les médicaments qu'on arrive à développer grâce aux lapins valent la peine qu'on en oblige certains à vivre dans ces conditions. C'est un petit mal pour un grand bien, disent beaucoup, mais qui sait, les choses pourront peut-être changer dans le futur, grâce à de nouvelles méthodes d'expérimentation. En tous les cas, nos scientifiques ont su démontrer que même si les lapins doivent rester enfermés, il n'y a pas de raison pour qu'ils ne profitent pas d'un petit morceau de musique.