Il y a 200 millions d’années, nos océans ont perdu de l’oxygène. Et cela a participé à l’extinction de masse dite du Trias-Jurassique. Alors même que les niveaux de désoxygénation ne dépassaient pas ceux que nous connaissons aujourd’hui. Devons-nous nous attendre à ce que la vie disparaisse de nos océans ?


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    Avec le réchauffement climatique anthropique, ce ne sont pas seulement les températures de l'airair qui grimpent. Celles des océans aussi. C'est désormais bien connu. Mais cela a un effet peut-être un peu moins connu encore. Entre 1960 et 2010, les niveaux d'oxygène dans nos mers ont chuté de plus de 2 %. Et les scientifiques estiment qu'ils pourraient encore baisser de 7 % sous leur niveau de 1960 d'ici la fin de notre siècle.

    On imagine assez bien que la situation est inconfortable pour la biodiversité. La question qui se pose, toutefois, c'est : à quel point ? Des travaux publiés dans la revue Science Advances il y a un an avaient déjà suggéré que la désoxygénation des océans avait joué un rôle majeur dans la première extinction de masse qu'a connu notre Planète. C'était il y a environ 440 millions d'années.

    Lorsque l’oxygène manque dans les océans, la biodiversité disparaît

    Aujourd'hui, des chercheurs du Trinity College Dublin (Irlande) apportent quelques précisions dans la revue Nature Geosciences. Ils ont, quant à eux, exploré l'époque de l'extinction de masse du Trias-Jurassique, il y a quelque 200 millions d'années, grâce à des carottes de forage récupérées en Irlande du Nord et en Allemagne.

    Ils ont d'abord découvert que les pics de désoxygénation - qu'ils qualifient d'anoxie - dans les environnements marins peu profonds, le long du continent européen, coïncident directement avec des niveaux d'extinction accrus dans ces régions. Plus important encore, ils ont observé que le phénomène se produisait malgré une étendue mondiale de zones touchées par une désoxygénation extrême - celle que les spécialistes appellent l'euxinisme - plutôt limitée. Et assez similaire à celle que connaissent aujourd'hui nos océans.

    Un échantillon de carottes de sédiments vieux d’environ 200 millions d’années issu du bassin de Larne (Irlande du Nord). On y observe la coquille d’un animal qui vivait sur le fond marin peu après l’extinction massive du Trias-Jurassique. © Trinity College Dublin
    Un échantillon de carottes de sédiments vieux d’environ 200 millions d’années issu du bassin de Larne (Irlande du Nord). On y observe la coquille d’un animal qui vivait sur le fond marin peu après l’extinction massive du Trias-Jurassique. © Trinity College Dublin

    Avec le réchauffement climatique, le niveau d’oxygène baisse

    Avant d'aller plus loin, précisons que la baisse des niveaux d’oxygène dans le contexte de réchauffement climatiqueréchauffement climatique anthropique est due à trois facteurs - et il pourrait s'y ajouter un lien avec la pollution plastiqueplastique. Il y a d'abord cette loi de la physiquephysique qui veut qu'une eau chaude ne puisse pas contenir autant de gazgaz dissous qu'une eau plus froide. Le phénomène compte pour la moitié de la perte d'oxygène dans les 1 000 premiers mètres des océans. Plus bas, ce sont les courants et les mélanges avec les eaux de surface qui jouent sur les niveaux d'oxygène. Or la fontefonte des glaces et l'eau douceeau douce qu'elle amène aux océans font baisser le taux de mélange. Notamment dans des régions clés. La différence marquée de réchauffement entre les pôles et l'équateuréquateur ralentit quant à elle les courants océaniques. Enfin, le long des côtes, le ruissellement des engrais fait proliférer les alguesalgues. Elles alimentent de plus en plus de bactériesbactéries qui, elles, consomment beaucoup d'oxygène.

    Voir aussi

    L'oxygène disparaît à vitesse grand V des océans et la biodiversité se transforme

    « Nos résultats montrent que même lorsque l'étendue mondiale de la désoxygénation est similaire à celle d'aujourd'hui, le développement local de conditions anoxiquesanoxiques et l'augmentation locale des taux d'extinction qui en résultent peuvent entraîner un effondrementeffondrement et des extinctions généralisés ou mondiaux de l'écosystèmeécosystème, même dans les zones où la désoxygénation ne s'est pas produite », commente Micha Ruhl, professeur à la Trinity's School of Natural Sciences, dans un communiqué.

    Ainsi, même lorsque la perturbation des environnements se limite à des régions proches des continents, les écosystèmes marins semblent devenir vulnérables partout dans le monde. Reste à comprendre par quels processus, pour mieux nous préparer à ce qui nous attend dans le contexte de réchauffement climatique anthropique.