Cette ferme d’un nouveau genre, qui ouvrira dans quelques mois dans le port de Rotterdam, confirme le succès grandissant de l’agriculture urbaine et de l’économie circulaire. Elle produira sa propre énergie, ses fourrages pour nourrir les vaches et fabriquera sur place des yaourts et des fromages.

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    Au mois d'août, une drôle de plateforme a fait son apparition dans le port de Rotterdam aux Pays-Bas. Au milieu des conteneurs et des cargos, la première ferme flottante du monde s'apprête à voir le jour d'ici la fin de l'année. Imaginée par l'entreprise immobilière néerlandaise Beladon, elle accueillera 40 vaches laitières de race Montbéliarde qui produiront 800 litres de lait par jour.

    Peter van Wingerden, un ingénieur de Beladon, a eu l'idée de ce concept lors d'un séjour à New York en 2012, après le passage de l'ouragan Sandy. « Les transports étaient complètement bloqués par les inondations et, au bout de deux jours, on ne trouvait plus aucun produit frais dans les magasins », rapporte l'ingénieur. « Je me suis dit : pourquoi ne pas produire la nourriture directement sur place sur une plateforme flottante résiliente aux aléas climatiques ? »

    Les vaches profiteront du premier étage de la ferme flottante, entourées de végétation et nourries par de l’herbe cultivée sur place. © Beladon

    Les vaches profiteront du premier étage de la ferme flottante, entourées de végétation et nourries par de l’herbe cultivée sur place. © Beladon

    L’agriculture pénètre en ville

    L'agriculture urbaine est une idée dans l'airair du temps. En 2050, 70 % de la population mondiale vivra en ville, contre 55 % aujourd'hui. Les municipalités tentent donc de rapprocher les lieux de production du consommateur afin de réduire le transport et la pollution. La Haye, aux Pays-Bas, dispose déjà de la plus grande ferme urbaine d'Europe, avec ses 1.200 m² de concombres, tomates ou auberginesaubergines et son bassin de 370 m² de poissonspoissons.

    Elle sera bientôt dépassée par le projet de la start-upstart-up Cultivate, qui ouvrira en 2019 une ferme urbaine de 7.000 m² dans  le 18e arrondissement de Paris. La start-up Agricool, basée à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) expérimente, elle, la culture de fraisesfraises en conteneur. À Bruxelles, la Région ambitionne de produire localement 30 % des fruits et légumes consommés par ses habitants d'ici à 2035 ; la FAOFAO encourage officiellement ce mode de production.

    Mais voilà, les villes manquent de plus en plus de place pour ces projets qui mobilisent des surfaces relativement importantes. D'autre part, l'élevage d'animaux en pleine ville se heurte aux résistancesrésistances des riverains qui craignent les nuisancesnuisances sonores et olfactives. En 2009, un projet d'élevage de 400 porcs au centre-ville de La Haye avait ainsi été retoqué devant l'opposition des habitants. La municipalité de Rotterdam a finalement été convaincue par les garanties de Beladon en terme d'écologieécologie

    La race Montbéliarde est réputée pour sa productivité et sa résistance aux maladies, un point essentiel pour réduire au maximum l’usage de produits vétérinaires. © Sylvain Citerne, Flickr

    La race Montbéliarde est réputée pour sa productivité et sa résistance aux maladies, un point essentiel pour réduire au maximum l’usage de produits vétérinaires. © Sylvain Citerne, Flickr

    Recyclage du fumier et de l’eau de pluie

    La ferme s'inscrira pleinement dans l'économie circulaireéconomie circulaire et locale. « 80 % de la nourriture des vaches proviendra de déchetsdéchets industriels de la ville », assure Albert Boersen, le futur directeur de la ferme. Les animaux seront notamment alimentés avec la pelouse tondue des stades et des terrains de golf, les pelures de pommes de terrepommes de terre des restaurants environnants ou les sous-produits des brasseries locales. Le reste de la nourriture sera produit sur place dans une serre high-tech au premier niveau. On y fera notamment pousser des lentilleslentilles d'eau, à croissance rapide et riches en protéinesprotéines, ainsi que d'autres fourrages (trèfles, herbe et luzerne). En face, un atelier se chargera du conditionnement et de la transformation du lait : la ferme fabriquera ainsi ses propres yaourtsyaourts et fromages qui seront vendus dans les commerces du quartier.

    La ferme flottante vise également l'autonomieautonomie énergétique. Une unité de production d'hydrogènehydrogène par électrolyseélectrolyse sera alimentée par des panneaux solaires tout autour du toittoit. Le fumier des vaches sera recyclé comme fertilisant et l'eau de pluie récupérée. Tout ou presque sera automatisé : des miniwagons apporteront la nourriture aux vaches, dont la traite sera assurée par des robotsrobots. À peine trois personnes seront nécessaires pour gérer l'ensemble.

    On peut quand même se demander si les vaches apprécieront cet environnement inhabituel. Outre les mouvementsmouvements de la plateforme, elles ne verront jamais le moindre brin d'herbe d'une véritable prairie et pas sûr que la vue sur la baie et l'arrivée des cargos suffisent à leur bien-être. Beladon est, lui, confiant dans son concept. Après les vaches, il compte lancer une basse-cour flottante pour l'élevage de poulets.


    La ferme flottante fonctionne en économie circulaire, où le fumier sera réutilisé comme fertilisant pour les cultures. © Eline Wieland, Viméo