Certains lisent l’avenir dans les lignes d’une main ou dans les circonvolutions du marc de café. Hasardeux. D’autres lisent le passé dans les carottes de glace. Bien plus fiable. Et aujourd’hui, ils nous apprennent que nos activités ont commencé à avoir un impact sur le climat bien plus tôt qu’on ne l’avait imaginé jusqu’à présent.


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    Le noir de carbonecarbone. C'est une sorte de suie produite par les combustionscombustions. Par les feux de forêt. Par les bateaux qui se propulsent au fioulfioul lourd. Ou plus largement, par la combustion de n'importe quel combustiblecombustible fossile. Porté par les vents, le noir de carbone finit par se déposer notamment sur les glaces des pôles. Avec un effet non négligeable sur leur fontefonte et sur le réchauffement climatique. Car ces particules sombres réfléchissent moins bien la lumièrelumière du SoleilSoleil que la glace qu'elles recouvrent. Accélérant ainsi le réchauffement.

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    Réchauffement : la suie, un aérosol plus puissant qu’il y paraît

    Et c'est justement des traces importantes de noir de carbone qu'une collaboration internationale vient de découvrir dans les glaces de l’Antarctique. En elle-même, l'information est inquiétante. Mais là où elle devient plus étonnante, c'est que ces traces ont pu être datées. Elles persistent depuis... l'an 1300 !

    « Nous pensions qu'il suffirait de remonter deux ou trois centaines d'années dans le passé pour trouver un monde préindustriel, vierge de ces pollutions au carbone, raconte Joe McConnell, chercheur, dans un communiqué du Desert Research Institute (États-Unis). Mais il ressort de nos travaux que les humains ont potentiellement un impact sur l'environnement depuis au moins 700 ans ». Et les travaux en question révèlent même de quelle manière : par des pratiques du brûlage des terres en Nouvelle-Zélande.

    Remonter à la source du noir de carbone

    Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont dû mener l'enquête. Ils ont analysé des carottes de glacecarottes de glace prélevées pour les unes, sur l'île James RossRoss, au large de l'extrémité nord-est de la péninsulepéninsule AntarctiqueAntarctique, et pour les autres, sur l'Antarctique continental. Les premières montrent des niveaux de noir de carbone en augmentation à partir de 1300 et qui triplent au fil des siècles, culminant autour des XVIe et XVIIe siècles. Les secondes présentent des niveaux relativement stables.

    Des modèles atmosphériques de transport et de dépôt des particules de noir de carbone ont ensuite permis de remonter à trois origines probables. La Patagonie, la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande. Et ce sont finalement les enregistrements de paléoincendies qui ont permis de cibler la Nouvelle-Zélande. Dans la région, les incendies se sont multipliés à partir de 1300. L'époque à laquelle le peuple maori s'est installé là en brûlant au passage une grande partie des zones boisées.

    Le résultat est surprenant, car la Nouvelle-Zélande est relativement petite et située à une distance de quelque 6.500 kilomètres de la zone touchée en Antarctique. « Cet impact de la colonisation des Maoris sur le climatclimat, c'est vraiment incroyable », commente même Nathan Chellman, un chercheur impliqué dans l'étude.

    © Ici en rouge, les dépôts de noir de carbone mesurés dans les carottes de glace de Dronning Maud Land dans l’Antarctique continental et en noir, ceux de l’île James Ross à la pointe nord de la péninsule. La modélisation atmosphérique et les enregistrements de brûlage locaux indiquent que l’augmentation observée à partir de 1 300 est liée à l’établissement des Maoris en Nouvelle-Zélande à près de 6 500 kilomètres de là et à leur utilisation du feu pour le défrichement et la gestion des terres. <em>© Desert Research Institute</em>
    © Ici en rouge, les dépôts de noir de carbone mesurés dans les carottes de glace de Dronning Maud Land dans l’Antarctique continental et en noir, ceux de l’île James Ross à la pointe nord de la péninsule. La modélisation atmosphérique et les enregistrements de brûlage locaux indiquent que l’augmentation observée à partir de 1 300 est liée à l’établissement des Maoris en Nouvelle-Zélande à près de 6 500 kilomètres de là et à leur utilisation du feu pour le défrichement et la gestion des terres. © Desert Research Institute

    Des informations précieuses cachées dans les carottes de glace

    Ces travaux pourraient apporter un éclairage nouveau sur la compréhension que nous avons de notre atmosphèreatmosphère et de notre climat. Car il faut savoir que nos modèles climatiques s'appuient sur les climats passés pour proposer leurs projections pour l'avenir. Notamment concernant les émissionsémissions et les concentrations en noir de carbone, importante lorsqu'il est question de bilan radiatif de la Terrebilan radiatif de la Terre. Jusqu'alors, l'impact des activités humaines avant l'ère industrielle était considéré comme négligeable. Or cette étude montre bien que les activités humaines ont pu avoir un impact, sur l'atmosphère au moins, bien plus tôt et à des échelles bien plus grandes que l'avaient imaginé les chercheurs.

    Des traces des activités humaines avant l’ère industrielle

    « Cela vient surtout confirmer ce que d'autres travaux réalisés par le passé, sur la pollution au plombplomb vieille de 2.000 ans dans l'ArctiqueArctique, par exemple, avaient suggéré, conclut Joe McConnell. Les enregistrements de carottes de glace sont très précieux pour en savoir plus sur les impacts humains passés sur l'environnement. Même les parties les plus reculées de la Terre n'étaient pas nécessairement vierges à l'époque préindustrielle ».