Le médecin-explorateur et aventurier Jean-Louis Étienne donne des détails sur la prochaine expédition de son invention, le Polar Pod. Un vaisseau vertical sera en orbite dans l'Océan Austral pendant trois ans, en quête de données inédites, parmi des vagues de 20 mètres et à la recherche du calmar colossal...
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Jean-Louis ÉtienneJean-Louis Étienne interviendra au cours de l'événement Maddy Keynote au sujet du Polar Pod le 14 septembre, entre 13 h 30 et 13 h 50.
Tout d'abord, comment vous avez eu l’idée de cette expédition ?
Jean-Louis Étienne : Ce qui fait l'originalité de ce projet, et qui m'en a donné l'idée, c'est que les publications sur cet océan se terminent par la même phrase : « On a besoin de mesures in situ de longue duréedurée ». Il y a un manque de connaissance de cet océan. Le défi est : comment rester sur cet océan de tempêtes dans de bonnes conditions de sécurité et de confort ? Je suis autant intéressé par la technologie que par la science, je suis un bâtisseur et, avec le bureau d’architecture navale Ship ST de Lorient, nous avons conçu le Polar Pod.
Vous faudra-t-il une préparation physique particulière pour embarquer à bord du Polar Pod ? Les conditions météo sur l'océan Austral sont souvent très éprouvantes.
Jean-Louis Étienne : Pas vraiment, c'est un vaisseau beaucoup plus confortable qu'un bateau ! Grâce aux 80 mètres de tirant d'eau, on sera pris dans des eaux profondes, stables. À la surface, on a un treillistreillis, ça n'a pas la surface d'un bateau et les vagues passent à travers.
Participerez-vous à l'expédition ?
Jean-Louis Étienne : Bien sûr, surtout au début sur l'Indien pour regarder comment ça marche car cela fait longtemps que j'y réfléchis. Je suis l'inventeur de l'histoire, je suis l'entrepreneur qui la rend possible et j'assume la logistique. J'aimerais faire deux mois sur chaque océan (le courant circumpolairecircumpolaire Antarctique relie les eaux des océans Atlantique, Indien et Pacifique, ndlrndlr).
Pouvez-vous rappeler quels sont les quatre axes de recherche de l'expédition ?
Jean-Louis Étienne : Cette campagne océanographique est une rare opportunité pour faire un large éventail d'observations, de prélèvements, de mesures au long courslong cours sur un océan encore mal connu. Le premier axe concerne les échanges entre l'atmosphère et l'océan car l'océan Austral est le principal puits de carbone océanique de la Planète, il absorbe la moitié du CO2 absorbé par l'ensemble des océans car ses eaux sont froides et agitées.
On ne connaît pourtant pas bien sa performance et avec le Polar PodPod, nous allons la mesurer précisément en continu pendant trois ans, c'est-à-dire pendant les deux tours de l'Antarctique. Le deuxième axe concerne l'inventaire de la faunefaune par acoustique, active et passive, notamment les mammifèresmammifères marins, les bancs de krill.
“L'océan Austral est le principal puits de carbone océanique de la Planète”
Il y a une interrogation, est-ce que les manchots ont une signature sonore ? Certains disent qu'ils ont réussi à capter des manchots et nous allons essayer de le vérifier. Sur la durée, on pourra certainement entendre des sons qu'on ne connaît pas. Le troisième axe de recherche concerne la calibration et la validation des mesures satellite sur les paramètres météométéo comme les directions et force du vent et des vagues et aussi la couleurcouleur de l'océan en lien avec les espècesespèces phytoplanctoniques. Le quatrième axe permettra de mesurer l'impact anthropique par l'analyse des microplastiquesmicroplastiques, des composés organochlorés et des métauxmétaux lourds dans d'eau de mer.
Qu'en sera-t-il de la recherche du calmar colossal ?
Jean-Louis Étienne : C'est un aspect sur lequel je vais me pencher personnellement. Il est inféodé aux eaux froides et profondes autour de l'Antarctique, à 2.000-2.500 mètres. L'idée est de descendre une fibre optique avec une LEDLED et une micro-caméra au bout. L'image remontera en passerellepasserelle et peut-être qu'à un moment donné on apercevra la bête, ce serait génial ! D'après les études génétiquesgénétiques qui ont été faites sur ce que les pêcheurs ont trouvé, des morceaux de tentacules, on se rend compte que ce calmarcalmar colossal n'est pas tout à fait le même que le calmar géant mais, d'après la taille des tentacules, il devrait mesurer entre 12 et 15 mètres de long, comme le calmar géant.
Des tests de stabilité ont été faits avec des maquettes du Polar Pod dans un bassin à vagues. Quelle était la taille des vagues par rapport à sa partie émergée, qui sera d'environ 20 mètres ?
Jean-Louis Étienne : On a fait plusieurs maquettes, dont une pour affronter la vague cinquantennale, qui est la plus grosse vague dans une période de 50 ans. Ce n'est pas une vague qui a réellement existé, c'est le résultat d'une modélisationmodélisation : elle fait 38 mètres, de creux à crête et elle passe toutes les 18 secondes pendant un ouraganouragan de 3 heures. Quand la vague touche la nacelle du Polar Pod, celui-ci se couche, puis se remet à la verticale : il fait un culbuto grâce à son lest de 150 tonnes. Ce qui est sûr, c'est qu'on aura des vagues de 20 mètres mais on les verra arriver et on pourra s'y préparer.
L'expédition devrait normalement durer trois ans, y aura-t-il des relèves d’équipage ?
Jean-Louis Étienne : Oui, elles se feront dans les « cinquantièmes » tous les deux mois avec un navire avitailleur spécialement construit. L'embarquement sur le Polar Pod dépendra de la météo. On peut faire varier le tirant d'eau, c'est-à-dire la hauteur entre le bas de la nacelle et le niveau de la mer car on peut ballaster. Par exemple, si on fait une relève d'équipage quand la mer est plate, ça peut arriver, on ballastera, donc le Polar Pod descendra et l'on pourra faire du boat landing, c'est-à-dire que le zodiac se mettra contre le Pod et hop ! on montera à l'échelle. Sinon, si la mer est plus agitée, on fera monter le Polar Pod par déballastagedéballastage et les équipiers seront relevés par un treuil placé au bout d'une aile.
Que peut-il se passer sans motorisation ?
Jean-Louis Étienne : Le courant circumpolaire Antarctique n'est pas homogène. On peut peut-être être amené dans un gyregyre, ce serait très intéressant car ces tourbillonstourbillons sont des sortes de siphonssiphons entre le fond et la surface qui permettent des échanges de nutrimentsnutriments et d'énergieénergie. D'ailleurs, les éléphants de mer de Kerguelen qui partent se nourrir en mer sont souvent à la marge des gyres. La force de Coriolisforce de Coriolis devrait aussi nous repousser vers le nord et il faudra certainement se remettre dans le courant. C'est un pilotage que l'on fera avec CLS et Mercator. On sera manœuvrant avec des voiles installées sur les ailes qui permettront aussi de s'éloigner des icebergs.
Comment le grand public pourra-t-il s'impliquer dans le projet ?
Jean-Louis Étienne : On fera du partage en temps réel comme pour une exploration océanographique classique, on racontera la vie à bord, les éléments météo, ce qu'on aura trouvé, les mesures que l'on fera et on enverra des images. On pourra faire une visio depuis le Polar Pod avec un amphi qui réunit des élèves !
Que voudriez-vous finalement dire à nos lecteurs et lectrices de Futura ?
Jean-Louis Étienne : Soyez les explorateurs engagés de votre temps pour être les acteurs du monde de demain !
Le Polar Pod, le bateau vertical de Jean-Louis Étienne, va s'enfoncer dans le courant circumpolaire antarctique
Destiné à l'étude de l'environnement dans l'océan Austral, le projet Polar Pod porté par Jean-Louis Étienne est officiellement lancé. Ce « navire vertical » devrait démarrer sa première expédition dès fin 2023. Sans coque et sans moteur, avec un lest de 150 tonnes et un tirant d'eau de 80 mètres, Polar Pop est un laboratoire révolutionnaire à bord duquel des opérateurs scientifiques et des marins se relaieront. Il dérivera dans les eaux du puissant courant circumpolaire antarctique.
Article Insu, publié le 21 mars 2021
Ce projet peut sembler un peu fou ! Le projet Polar Pod prévoit la constructionconstruction d'une sorte de navire vertical qui effectuera dès fin 2023 deux tours du monde dans les eaux du courant circumpolaire Antarctique, le courant le plus puissant de l'océan mondial. Portée par les courants, sans coque, mais plantée dans les massesmasses d'eau profondes grâce à un lest, cette structure innovante est conçue pour être stable même par forte houlehoule, sans moteur et peu perturbant pour le milieu. Parce qu'il permet de rester sur zone toute l'année, cet outil ouvre la voie à des recherches inédites !
Après des années de préparation, ce projet hors normes, qui a mobilisé des équipes scientifiques aux côtés d'architectesarchitectes et d'ingénieurs navals, est entré dans une étape opérationnelle avec le lancement de l'appel d'offres pour la construction du navire. Une conférence de presse, organisée ce mardi 16 mars, a permis de rassembler les partenaires privés engagés sur le financement des années de dérive à venir et d'annoncer le calendrier. Cette étape clé lance le passage en phase opérationnelle du programme scientifique et de médiation associée. L'expédition est portée par le Dr. Jean-Louis Étienne ainsi qu'un groupe de scientifiques, sous la coordination d'un comité directeur associant le CNRS, le Cnes et l'Ifremer.
Le Polar Pod étudiera l'environnement dans l'océan Austral
L'océan Austral présente de nombreuses particularités qui en font un terrain d'étude et de recherche d'intérêt majeur. C'est en effet le seul océan dont les eaux effectuent le tour du globe sans rencontrer de masse continentale. Il est le siège d'intenses échanges avec l'atmosphère qui engendrent des phénomènes physiquesphysiques, chimiques et biologiques spécifiques, à différentes échelles spatiales et temporelles.
“L'océan Austral joue un rôle essentiel dans la régulation du climat”
Région clé pour le stockage océanique de l'excédent de chaleur, à la fois puits et source de CO2, l'océan Austral joue un rôle essentiel dans la régulation du climatclimat. Par sa capacité à exporter massivement des matièresmatières nutritives vers d'autres latitudeslatitudes, il impacte les écosystèmesécosystèmes de l'océan mondial. Enfin, il représente un réservoir de biodiversité marine encore très largement méconnu. C'est pour cet ensemble de raisons que la perspective du projet Polar Pod mobilise fortement la communauté scientifique internationale.
Bien sûr, plusieurs outils sont déjà à la disposition des scientifiques pour mener à bien des recherches dans l'océan Austral. Flotteurs-profileurs dérivant librement et animaux marins équipés de capteurscapteurs délivrent des données qui ont déjà permis des découvertes essentielles. Des missions océanographiques pluridisciplinaires de grande ampleur y sont également menées régulièrement depuis de nombreuses années (telle la mission Swings qui vient de rentrer), mais elles se font sur des zones et lors de périodes ciblées pour leurs intérêts spécifiques (en particulier, lors de l'été austral). Enfin, des capteurs embarqués à bord de satellites permettent le suivi de certaines caractéristiques de la surface de l'océan. Cependant, l'acquisition de données est limitée notamment en raison de l'importance de la couverture nuageuse qui engendre de nombreux biais et limite les mesures de calibration.
Un navire vertical sans coque
Dans ce contexte, la station à vocation océanographique Polar Pod constitue un outil exceptionnel au service de la recherche. L'outil a en effet été conçu pour répondre aux attentes des scientifiques de plusieurs disciplines. Porté par les courants, sans coque qui interagirait avec la surface (ce qui limite la précision de certaines mesures, surtout en conditions de mer fortes), il est conçu pour être stable par forte houle, sans moteur et peu perturbant pour le milieu.
“Polar Pod est conçu pour être stable par forte houle, sans moteur et peu perturbant pour le milieu”
Le concept se base sur l'expérience du FLIP, navire vertical de la SCRIPP (US), qui a montré le potentiel d'une telle structure. De plus, Polar Pod est proche du « zéro émissionémission », ce qui en fait un prototype dont les enseignements seront utiles pour une adaptation des navires du futur aux contraintes environnementales. Enfin, son autonomieautonomie énergétique va faciliter la programmation de missions longues lors de périodes peu ou pas accessibles jusqu'ici comme l'hiverhiver austral.
Son dimensionnement (place, énergie...)) a été pensé en fonction des besoins de l'équipe scientifique. L'outil dispose donc d'une grande capacité d'accueil de capteurs océanographiques et atmosphériques performants. Ces derniers (une quarantaine prévue à ce jour) ont été choisis pour fonctionner sur de longues périodes avec peu de personnels embarqués : sept personnes, trois marins et quatre opérateurs scientifiques qui pourront toutefois intervenir en temps réel. L'équipe à bord sera accompagnée à tout moment par une cellule à TerreTerre, constituée de spécialistes des différents sujets, qui se relaieront. Alimentés par plusieurs éoliennes et batteries litium-ionion, les instruments fourniront des observations qu'il sera possible de partager en temps quasi réel avec l'équipe à Terre. Les relèves d'équipage, opérées tous les deux mois environ, seront également l'occasion de rapporter sur les continents les échantillons qui seront prélevés.
Un intérêt majeur d'envergure internationale
En raison des avantages offerts par le Polar Pod, la communauté scientifique internationale a manifesté un intérêt fort, ce qui a permis de proposer un programme scientifique organisé en cinq axes :
- Échanges atmosphère-océan
L'océan Austral et un acteur essentiel du système climatique en raison de l'importance des échanges entre l'océan et l'atmosphère qui y ont lieu (énergie, flux de CO2CO2...). Ces processus sont contrôlés par différents phénomènes comme les conditions météorologiques, la dynamique océanique à différentes échelles, les vagues, les bulles et les aérosolsaérosols. Cependant, il existe encore de nombreux challenges à franchir pour être en mesure de simuler avec précision ces échanges entre l'océan et l'atmosphère. Ce sera l'objectif premier de cet axe : étudier l'amplitude et la variabilité spatiale et temporelle de ces échanges pour mieux comprendre les phénomènes et les représenter dans les modèles du futur.
- Développement du potentiel des observations à distance (satellite, acoustique)
La diversité des observations viendra considérablement enrichir les bases de donnéesbases de données utilisées dans le monde pour la calibration et la validation des observations spatiales dans cet océan (situations de ventsvents et vagues fortes, qualité du phytoplanctonphytoplancton, salinitésalinité...).
Par ailleurs, des hydrophones fonctionneront en continu, à plus de 75 mètres de profondeur, avec l'objectif de réaliser un inventaire sonore sous-marinsous-marin et de développer des outils de détection des situations environnantes : impact sonore de la météo de surface, des tremblements de terretremblements de terre, craquements d’icebergs...
- Recensement de la biodiversitébiodiversité
Virus, bactériesbactéries, phyto et zooplanctonzooplancton jusqu'aux prédateurs supérieurs : la diversité des écosystèmes marins pourra être documentée pour la première fois à cette échelle et en toutes saisonssaisons. Siège d'adaptations spécifique à des conditions extrêmes, cette région représente une occasion inédite de mieux comprendre l'évolution de la diversité marine en fonction des conditions environnementales et donc en réponse aux changements climatiques. Le Polar Pod va permettre d'étendre considérablement les capacités d'échantillonnageéchantillonnage en dérivant dans le courant qui circule autour de l'antarctique d'ouest en est sans rencontrer de continent, isolant ainsi les écosystèmes marins de l'océan subtropical.
À proximité des îles, il sera également possible d'étudier l'impact des nutriments arrachés à la terre, qui fertilisent l'océan. Le Polar POD dérivera avec le courant dans un mouvementmouvement quasi lagrangienlagrangien et sera équipé des tout derniers équipements automatisés imageurs du planctonplancton, ce qui permettra de suivre en temps réel les communautés observées. Les capteurs acoustiques, radars et caméras permettront d'étudier les prédateurs tels que les cétacés et les oiseaux marins. L'ensemble de ces données sera intégré dans un modèle reliant la structure des écosystèmes, les cycles biogéochimiques et les conditions environnementales afin de mieux comprendre le présent et l'avenir de l'océan Austral et de ses ressources marines.
- Impacts anthropiques
Si loin de la civilisation, les eaux du grand Sud sont-elles contaminées par les activités humaines ? Quelle est l'ampleur de la pollution chimiquepollution chimique, plastiqueplastique ou encore sonore ?
Le Polar Pod devrait nous en dire plus sur ces différentes pollutions de l'eau et de l'airair (chimique, plastiques, aérosols...) sur l'ensemble du courant circumpolaire antarctique et en toutes saisons. Cette base de données constituera une référence pour les études à venir.
- Médiation
Aventure humaine et scientifique, cette exploration constitue un formidable vecteur de partage des sciences. Un programme de médiation de grande ampleur et un programme pédagogique sont prévus pour aller à la rencontre du plus grand nombre. Des films et des expositions immersives, accompagnés dès 2022 d'évènements particuliers (minibus aménagés, concours de mini Polar Pod, Arts et Sciences...) permettront une diffusiondiffusion large des enjeux de la recherche océanographique et environnementale dans leur ensemble.
Ainsi, cette aventure scientifique sera tout à la fois un bel exemple de coopération de la recherche internationale, et un vecteur de découvertes, d'innovation et de partage des sciences.
Jean-Louis Étienne prépare l'étonnant bateau vertical Polar Pod pour une odyssée antarctique
Planté dans l'eau, ce pylône flottant de cent mètres de hauteur abritera six personnes qui affronteront les pires mers du monde : les cinquantièmes hurlants, autour de l'Antarctique. Le Polar Pod, imaginé par Jean-Louis Étienne, explorateur et parrain de Futura, ne naviguera pas vraiment. Il se laissera dériver durant plus d'un an. Ce projet un peu fou est devenu une opération internationale à laquelle participent de grands instituts de recherche. Découvrez-le dans cet entretien exclusif.
Article publié le 14 octobre 2017, par Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet
Depuis plusieurs années, Jean-Louis Étienne prépare un voyage qui n'a encore jamais été fait : une dérive dans l'océan Austral autour du continent Antarctique. Son navire, baptisé Polar Pod, est des plus originaux : il est vertical, planté dans la mer comme une bouée flottante. Nous suivons ce projet depuis ses débuts et vous trouverez au bas de cet article les explications ainsi qu'une vidéo sur cet engin sans équivalent ; il restait alors à l'inventer et à le mettre au point. Ce qui a été fait.
En dérivant avec les masses d'eau durant plus d'un an, l'équipage à bord, de sept personnes, pourra effectuer de très nombreuses analyses afin de mieux comprendre les échanges océan-atmosphère. Ces mesures serviront notamment à valider les données obtenues par les satellites ; les opérateurs de ces derniers sont toujours friands de telles validations, d'où la présence du Cnes parmi les partenaires du projet. Les observations sous-marines permettront aussi des mesures, rares sur cette échelle d'espace et de temps, des courants, du plancton, des productions sonores des cétacés, etc.
Vous pouvez aussi (re)lire nos dernières conversations avec Jean-Louis Étienne :
Aujourd'hui, Jean-Louis Étienne nous parle de l'avancement du projet, qui se concrétise sérieusement.
Où en est votre mission Polar Pod ?
Jean-Louis Étienne : Elle est en bonne voie ! C'est devenu un grand projet international. Il regroupe aujourd'hui 52 institutions de 12 pays. C'est l'Ifremer [Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, NDLR] qui en est le maître d'œuvremaître d'œuvre. Après mon expédition, c'est lui qui l'exploitera, comme un autre navire océanographique. Je ne vais pas tous les citer mais il y a le CNRS, le Cnes, le MIT [Massachusetts Institute of Technology, NDLR], le Scripps [Scripps institution of oceanography, NDLR], d'autres encore et des contributeurs privés.
“« Soyez grands ! »”
Pourquoi ce vaisseau dérivant intéresse-t-il ces organismes de recherche ?
Jean-Louis Étienne : Il y a beaucoup d'attentes pour ce genre de mission. D'abord, pour la région. L'océan est très mal connu autour de l'Antarctique, encerclé par les « quarantièmes rugissants ». Au-delà, se jouent des échanges entre la mer et l'atmosphère qui sont des éléments clés pour la compréhension du climat. C'est le plus grand puits de CO2 de la planète. Ensuite, pour la durée de la mission. Les navires océanographiques ne réalisent pas ce genre d'étude. C'est un projet magnifique pour la France ; il est ambitieux techniquement et aussi scientifiquement.
Un calendrier ?
Jean-Louis Étienne : Le navire sera prêt en 2018. L'expédition pourra se dérouler de 2020 à 2022. Nous en sommes actuellement aux essais en bassins, à Brest et à Nantes. Il s'agissait de voir si le Polar Pod résistera bien aux vagues les plus grosses. Ces études-là sont à peu près terminées. Donc cela avance bien.
Vous avez l'habitude de travailler avec des écoles. Leur parlez-vous de Polar Pod ?
Jean-Louis Étienne : Oui, je fais des conférences en milieu scolaire. Il y a parfois un certain manque d'intérêt ; leur formation est très orientée vers la culture générale. Et c'est vrai qu'on leur parle beaucoup de chômage. Je leur dis « soyez grands », « ne vous mettez pas de limites ! ».
Un mot sur les expéditions Tara Océans, qui sont réalisées sur votre bateau Antarctica, que vous aviez imaginé ?
Jean-Louis Étienne : Ce qu'ils font avec Tara est magnifique. Ils continuent à faire ce que j'avais entamé. C'est de la science utile, mais aussi de la vulgarisation. Ces aventures sont une passerelle attractive pour le public.
En vidéo : le Polar Pod, future station dérivante de Jean-Louis Étienne
Article de Jean-Luc Goudet publié le 29 mai 2013
Découvrez le Polar Pod, un vaisseau destiné à étudier l'océan Austral. Cet étonnant navire vertical dérivant, imaginé par Jean-Louis Étienne, est difficile à décrire, mais il se comprend très bien en images. Les voici...
Avec le Polar Pod, Jean-Louis Étienne propose aux océanographes un moyen d'étudier l'océan Austral comme on ne l'a jamais fait : en dérivant tout autour de l'Antarctique, au sein même du courant circumpolaire. Dans cet océan Austral, par 50° sud, les « cinquantièmes hurlants » des navigateursnavigateurs, les conditions sont telles que peu de navires s'y aventurent à la mauvaise saison. La région est aujourd'hui l'une des moins connues du monde.
Jean-Louis Étienne explique le Polar Pod, sa structure originale et ses missions futures autour de l'Antarctique. © Jean-Louis Étienne
Pourtant, l'importance de cette zone est grande à plus d'un titre. Les trois océans - Pacifique, Atlantique et Indien - s'y rejoignent et y reçoivent de l'eau froide profonde. En refroidissant l'air qui circule au-dessus de lui, l'océan Austral influe sur le climat de la planète. Sur le plan océanographique, il reste des études à mener et les biologistes ne savent pas tout des écosystèmes qu'il abrite.
Une station dérivante pour les mers australes
Pour rester longuement - plus d'une année - dans cet environnement hostile, Jean-Louis Étienne a imaginé un vaisseau dérivant de 720 tonnes, le Polar Pod. Tracté à l'horizontal, l'engin de 125 m de long (hors-tout) emplit ses ballasts une fois parvenu à destination. Ces 150 tonnes supplémentaires font alors basculer le navire de 90°. Le voilà vertical, avec un tirant d'air de 50 m (hors-tout). Grâce à son lourd ballast, le Polar Pod ne devrait pas gîter de plus de 5°, même dans la mer redoutable de l'hiver austral. L'idée du basculement n'est pas nouvelle puisque le célèbre Flip (pour FLoating Instrument Platform, plateforme flottante instrumentée) l'a déjà concrétisée. Lancé en 1962 par le Scripps (un institut océanographique des États-Unis), ce bateau est toujours opérationnel.
Le vaisseau a été dessiné à Lorient, chez Ship Studio, et attend le bouclage du financement et des partenariats pour que commence la construction. L'expédition Polar Pod devrait prendre la mer en 2015.
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