Des chercheurs de Microsoft ont créé des « étiquettes moléculaires » à partir de brins d’ADN présynthétisés et déshydratés. Un marquage peu coûteux, infalsifiable et pouvant être intégré à n’importe quel support de manière invisible. De quoi remiser aux oubliettes le sacro-saint code-barres ?


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    Une série de barres noires et blanches agrémentée d'un numéro à 10 chiffres : le code-barres, inventé dans les années 1970, a révolutionné le commerce. Les années 2000 ont vu l'avènement du QR codeQR code (pour Quick Response code, en anglais), inspiré par le design du jeu de Go. Les années 2020 pourraient être celles du code « porc-épic », tel que l'ont surnommé les chercheurs de l'université de Washington et de MicrosoftMicrosoft Research. Leur idée, décrite dans Nature Communications, n'est pas entièrement nouvelle : il s'agit de coder des informations sous forme d’ADN, où les bits informatiques 0 et 1 sont remplacés par les nucléotidesnucléotides A, C, G et T. Cette technique permet théoriquement de stocker beaucoup plus d'informations sur un espace réduit et de les conserver extrêmement longtemps (pendant plusieurs millions d'années).

    Le système <em>Porcupine</em> expliqué. Les bits informatiques sont convertis en « <em>molbits</em> », des bits moléculaires, sur des brins d’ADN présynthétisés. Ces molbits sont mélangés pour créer une étiquette unique sous forme d’ADN déshydraté, qui peut être apposée sur un objet. Une fois réhydratée, la séquence ADN est lue en quelques secondes <em>via</em> un appareil portable à nanopores. © <i>d’après Kathryn Doroschak et al, Nature Communications, 2020</i>
    Le système Porcupine expliqué. Les bits informatiques sont convertis en « molbits », des bits moléculaires, sur des brins d’ADN présynthétisés. Ces molbits sont mélangés pour créer une étiquette unique sous forme d’ADN déshydraté, qui peut être apposée sur un objet. Une fois réhydratée, la séquence ADN est lue en quelques secondes via un appareil portable à nanopores. © d’après Kathryn Doroschak et al, Nature Communications, 2020

    Des « molbits » moléculaires pour remplacer les bits informatiques

    Le problème, c'est que le cryptage et le décryptage de l’ADN sont longs et coûteux. « Les méthodes existantes sont encore compliquées et nécessitent l'accès à un laboratoire, ce qui exclut de nombreuses applicationsapplications dans le monde réel », témoigne Kathryn Doroschak, bio-informaticienne à l'université de Washington et auteure principale de l'étude. Pour simplifier le process, le système « Porcupine » (porc-épic, en français) se base sur des fragments d'ADNADN prédéfinis encodés sur 96 « molbits », des bits moléculaires. Ces molbits peuvent ensuite être mélangés arbitrairement pour créer de nouveaux marqueurs moléculaires. « À partir des 96 codes-barres initiaux, Porcupine peut produire environ 4,2 milliards d'étiquettes uniques sans compromettre la fiabilité de la lecture », détaille Karin Strauss, coauteure de l'étude et chercheuse chez Microsoft Research. Ces brins présynthétisés permettent de réduire notoirement les coûts, ce qui rend le système accessible pour des applications grand public. Un dispositif portable à nanopores est ensuite utilisé pour programmer et décoder ces étiquettes en quelques secondes.

    Voir aussi

    Microsoft : une machine qui transforme les bits informatiques en ADN

    Des étiquettes invisibles et infalsifiables

    Un tel marquage ADN présente de nombreux avantages. La déshydratationdéshydratation des brins après l'assemblage initial de l'étiquette permet de prolonger la duréedurée de vie de l'étiquette et d'éviter la contaminationcontamination par d'autres ADN présents dans l'environnement. De plus, comme les molbits ne mesurent que quelques centaines de nanomètresnanomètres de long, « un milliard d'étiquettes peuvent tenir dans un seul millimètre carré », rapporte Jeff Nivala, de l'université de Washington. On peut ainsi les intégrer sur des surfaces minuscules ou flexibles, sur lesquelles il serait impossible de coller une étiquette (par exemple intégrer une étiquette de prix directement dans un vêtement). Comme elles sont invisibles, ces étiquettes « porc-épic » ne peuvent être détectées ni trafiquées. « Elles sont donc idéales pour suivre des articles de valeur et protéger les marchandises contre les contrefaçons, poursuit Jeff Nivala. On pourrait aussi utiliser un tel marquage moléculaire pour suivre les bulletins de vote des électeurs et empêcher toute falsification lors de futures élections. » De quoi empêcher Donald Trump de crier à la fraude ?


    De l'ADN en code-barres

    Article de Claire Peltier publié le 25/07/2010

    ne nouvelle technique d'identification génétiquegénétique a été développée dans des laboratoires suédois et danois. Notre génomegénome pourrait donc être cartographié par nanofluidiquenanofluidique sous la forme de 46 codes-barres, autant que de chromosomeschromosomes.

    L'ADN est un outil précieux dans plusieurs domaines : la médecine, pour le dépistagedépistage de maladies génétiquesmaladies génétiques ou d'agents infectieux, mais aussi en justice puisqu'il peut permettre de confondre irréfutablement les auteurs de crimes.

    Depuis la découverte de l’ADN, les méthodes d'identification des séquences sont passées de l'artisanat, avec le séquençage de seulement quelques centaines de nucléotides par jour (méthode de Maxam-Gilbert), à des méthodes industrielles automatiques où les machines peuvent traiter 600 millions de paires de bases (pyroséquençage 454).

    Une nouvelle technologie vient de naître, rapide et peu coûteuse, qui pourrait permettre d'accélérer l'obtention d'informations génétiques. De plus, la technique est précise, puisqu'elle s'attaque à une moléculemolécule unique d'ADN, et non plus à un ensemble de molécules comme c'est actuellement le cas.

    La technique, développée par nanofluidique à l'Université de Lund en Suède, permet d'obtenir une image de l'ADN sous forme de code-barres, spécifique de la composition nucléotidique de l'ADN. Elle débute par le dépliage de chacun des chromosomes contenus dans une cellule, dans un nanotunnel dessiné sur une puce. Ensuite, elle repose sur les propriétés physiques de l'ADN.

    Les quatre nucléotides (les bases de l'ADN : l'adénineadénine, la thyminethymine, la cytosinecytosine et la guanineguanine), forment des paires de bases qui relient les deux brins de l'ADN. L'adénine s'apparie à la thymine dans une liaison plus labile que celle formée par la cytosine et la guanine. Ces différences mènent à une cassure des liaisons A-T à une température plus basse que les liaisons G-C. En fonction de la température appliquée à la molécule d'ADN, les deux brins de l'ADN sont alors plus ou moins appariés, à l'image d'une fermeture à glissièrefermeture à glissière cassée, qui est ouverte ou fermée en différents endroits.

    Visualisation, à plus ou moins grande échelle (agrandissement de A à C), des différences d'intensité de fluorescence en fonction du positionnement sur le chromosome 12 humain. A. Profile de fusion du chromosome entier. B. Profile de fusion de la position 79.500.000 à la position 85.500.000. C. Agrandissement du profile de fusion de 500 kilopaires de bases. La courbe bleue superposée correspond à une partie de chromosome 12 clonée. © Université de Lund / PNAS
    Visualisation, à plus ou moins grande échelle (agrandissement de A à C), des différences d'intensité de fluorescence en fonction du positionnement sur le chromosome 12 humain. A. Profile de fusion du chromosome entier. B. Profile de fusion de la position 79.500.000 à la position 85.500.000. C. Agrandissement du profile de fusion de 500 kilopaires de bases. La courbe bleue superposée correspond à une partie de chromosome 12 clonée. © Université de Lund / PNAS

    De nombreuses applications possibles

    Pour distinguer les zones appariées des zones ouvertes, une molécule fluorescente particulière a été utilisée : elle est séquestrée dans les zones doubles-brins de l'ADN. La fluorescence est donc plus forte aux endroits où les deux brins sont appariés. Ce sont les différences de fluorescence sur toute la longueur de la molécule d'ADN qui dessinent le code-barres.

    La technique, publiée dans le journal PNAS, semble très au point, puisque les chercheurs ont comparé les codes-barres obtenus expérimentalement à ceux calculés de manière théorique : la superposition est quasi-parfaite. Toutefois, seule une image globale de l'ADN est obtenue : il n'est pas possible de déterminer la séquence nucléotidique exacte.

    Ses applications potentielles sont néanmoins nombreuses : des bases de données pourraient contenir tous les ADN connus sous la forme de code-barres, afin de faciliter l'identification de virus ou de bactériesbactéries présents chez un patient. Elle pourrait aussi aider à déterminer des anomalies chromosomiquesanomalies chromosomiques, souvent causes de maladies génétiques, en comparant le code-barres d'un chromosome sain à celui d'un patient.

    La technique, qui permet de visualiser individuellement chaque chromosome d'une seule cellule, peut aussi déterminer des différences génétiques entre deux cellules au sein même d'une population cellulaire, chose irréalisable avec les autres technologies de séquençageséquençage. C'est par exemple important pour comprendre la résistancerésistance au traitement de cellules cancéreuses, dont l'hétérogénéité génétique pourrait être en cause.