MaForêt accompagne la gestion des forêts françaises qui souffrent du dérèglement climatique et qui pourtant représentent le meilleur moyen de capter le CO2 et d’agir en faveur de la biodiversité.


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    Étendue sur 31 % du territoire français, la forêt constitue à la fois un réservoir de biodiversitébiodiversité, un puits de carbonepuits de carbone, un filtre pour l'eau, un rempart contre les risques naturels, une ressource économique et une source de bien-être pour les populations. À condition bien entendu de savoir la préserver comme le propose MaForêt. La bien nommée Sarah Forest, cofondatrice de cette plateforme, répond à nos questions.

    Futura : Quelle est votre solution ?

    Sarah Forest : MaForêt est une plateforme disponible sur PC et appli mobilemobile avec un panel d'outils numériques pour les propriétaires et les gestionnaires de forêts : cartographie, description de peuplement mais aussi planification et suivi de gestion. Elle est actuellement utilisée par 12 000 usagers et couvre 75 000 hectares de forêts. Elle permet à la fois de mieux connaître la forêt, de simplifier les relations entre les gestionnaires de forêts et les propriétaires, de donner accès à des financements notamment via le label bas-carbone et de faciliter le regroupement des propriétaires d'un même massif forestier. L'une de nos forces par rapport à la concurrence repose sur notre réseau d'une cinquantaine de forestiers gestionnaires partenaires sur toute la France.

    Portrait de Sarah Forest, cofondatrice de MaForêt. © Pierre Forest
    Portrait de Sarah Forest, cofondatrice de MaForêt. © Pierre Forest

    Futura : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce label bas-carbone ?

    Sarah Forest : Concevoir des outils numériques de gestion forestière performants n'a pas été suffisant pour amener les propriétaires à s'investir dans leur forêt : la plupart du temps, ils n'ont pas la trésorerie pour payer les travaux souvent nécessaires à la préservation ou la réhabilitation de leur forêt. Nous avons donc travaillé sur des pistes de financement, notamment dans le cadre du label bas-carbone, lancé par le ministère de la Transition écologique et solidaire en avril 2019. Il permet de certifier des projets locaux de réduction des émissionsémissions de gaz à effet de serre ou de séquestration du carbone, en vue de leur financement par des entreprises engagées en faveur du climatclimat et de la biodiversité. Il fixe un cadre minimal intéressant, mais nous allons un cran plus loin en développant des projets avec des garanties de qualité et d'intégrité environnementale optimales, au-delà de la seule prise en compte du carbone. Nous exigeons une gestion forestière accompagnée et procédons à des vérifications sur le terrain tous les cinq ans. Notre approche est de privilégier une sylviculturesylviculture douce « à forêt continue », donc sans coupe rase avec des récoltes légères et fréquentes, tous les cinq à huit ans en moyenne, qui consistent à prélever un volumevolume de boisbois correspondant à la croissance des arbres depuis la précédente récolte. Nos projets sont accompagnés pendant 30 ans par des forestiers professionnels qui vont chercher à améliorer le peuplement afin notamment d'obtenir du bois de la meilleure qualité possible. Celui-ci continuera à stocker le carbone tant qu'il ne sera pas détruit.

    Futura : Pourquoi votre start-up va changer le monde ?

    Sarah Forest : 15 % des émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre de la France sont captées chaque année par les forêts, qui abritent en plus 72 % de la flore métropolitaine, 120 espècesespèces d'oiseaux, et 73 espèces de mammifèresmammifères. Leur préservation est donc indispensable pour relever les défis de l'adaptation au changement climatiquechangement climatique et de la protection de la biodiversité. D'autant que d'après la Stratégie nationale bas-carbone, la neutralité carboneneutralité carbone de la France en 2050 devrait être assurée à 70  % par la forêt. Malheureusement, la forêt française se dégrade, notamment à cause des sécheressessécheresses successives, et les forestiers n'ont pas les moyens de la protéger. Il faut savoir que la forêt française est privée à 75 % et 70 % de ces quelque 3,5 millions de propriétaires qui en ont hérité. C'est un peu comme le tableau de grand-mère que l'on conserve au grenier, on n'en fait pas grand-chose, encore moins si ça coûte de l'argentargent... d'autant que la surface moyenne des forêts françaises étant de 3,2 hectares, leur gestion est le plus souvent déficitaire. Notre rôle est de soutenir ces forestiers qui s'engagent dans une gestion optimisant les fonctions environnementales de leur forêt. Nous sommes un lien de confiance entre cet écosystèmeécosystème forestier et les entreprises qui contribuent financièrement à ces actions parce qu'elles bénéficient à la planète.

    Des forestiers en action. © Sarah Forest
    Des forestiers en action. © Sarah Forest

    Futura : Comment a grandi le projet ?

    Sarah Forest : OlivierOlivier Forsans a lancé ce projet en 2015, après une carrière sur des sujets d'innovation numérique dans des groupes de communication. Sa femme ayant hérité d'une forêt de trois hectares en Bourgogne, il a pris conscience de l'enjeu de ces espaces de vie face à l'urgence climatique et des difficultés des propriétaires privés à en assurer la gestion. Il a alors décidé de mettre ses compétences numériques au service d'une meilleure gestion forestière. Il a levé des fonds auprès de forestiers, de business angels de la filière forêt bois et du numérique. Pour ma part, j'ai mené une grande partie de ma carrière à la direction juridique d'Universal Music. J'ai rejoint Olivier en 2019 sur ce projet qui nourrit ma passion pour les enjeux environnementaux. Mes compétences juridiques me sont utiles pour encadrer les engagements des propriétaires dans les projets respectueux de l'environnement, et pour répondre aux attentes des entreprises quant à l'impact de leur financement.

    Futura : Quelle est la suite de l’histoire ?

    Sarah Forest : L'équipe va continuer de grandir fortement pour augmenter son expertise dans deux domaines clés sur lesquels nous nous appuyons pour développer les projets : la foresterie écologique et les technologies numériques. Notre objectif est de diffuser aussi largement que possible l'utilisation de ces technologies pour rendre la compréhension et le pilotage d'un écosystème forestier accessibles au plus grand nombre. C'est pourquoi nous allons continuer à fournir aux forestiers des outils gratuits et performants. Le développement de notre expertise en foresterie va prendre forme dans la mise en œuvre de projets plus techniques, tels que des itinéraires d'adaptation des forêts en maintenant le couvert forestier. Ceux-ci permettent d'augmenter la capacité de séquestration du carbone des forêts tout en redynamisant la biodiversité. Ils nécessitent des protocoles de mesures très sophistiqués et des compétences spécifiques. Nous souhaitons également dès cette année collaborer plus étroitement avec des spécialistes du génie écologique sur des projets de réhabilitation de forêts. Croiser le plus souvent possible les compétences des forestiers et des écologuesécologues nous semble être essentiel.

    Futura : Si vous étiez Première ministre, quelle mesure phare mettriez-vous en place ?

    Sarah Forest : Il faut que l'État soit plus présent avec des aides publiques plus ciblées, un meilleur contrôle de la mise en œuvre des projets, mais aussi un durcissement des contraintes sur les coupes. Les entreprises devraient par ailleurs être imposées sur la pressionpression qu'elles exercent sur les ressources naturelles. Cela passe aussi par une plus grande sensibilisation du grand public sur tous les enjeux environnementaux.

    Futura : À quoi va ressembler le monde en 2050 ?

    Sarah Forest : Question difficile... Je reste convaincue que la prise de conscience de la nécessaire préservation des forêts deviendra de plus en plus partagée par la société. J'espère que le monde de 2050 aura réussi à enrayer le déclin du vivant grâce à une transformation des relations entre les humains et la nature.

    Futura : Quel sujet d'actualité de Futura vous a passionnée ?

    Sarah Forest : Je suis fascinée par les découvertes scientifiques telles que celle illustrée dans l'article « La dernière ère glaciaire n'était pas comme on l'imagine, selon les vers de terre », qui montre comment des vers de terre peuvent nous aider à étudier le climat du passé.