Les astrophysiciens cherchent à déterminer si les lois de la physique ne changeraient pas dans le temps et dans l'espace. La théorie de la relativité générale, bien vérifiée avec des champs de gravitation faibles, pourrait ne pas être valide non seulement lorsque les champs sont forts, comme avec un trou noir supposé être tel, ou simplement dans le passé du cosmos ou encore à des milliers voire des milliards d'années-lumière du Soleil. Les membres de l'ESO ont donc fait passer un test à la théorie de la gravitation d'Einstein avec le trou noir central de la Voie lactée, comme l'explique cette vidéo. Le test a été réussi !


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    La théorie d’Einstein de la relativité générale est plus que centenaire. Pour le moment, elle résiste à tous les tests expérimentaux, aussi bien ceux faits dans le Système solaire de nos jours qu'en observant des astres lointains et dans des temps anciens. 

    Comme prévu, au mois de mai 2018, l'une des étoiles les plus fameuses en orbite autour du trou noir central de la Voie lactéeVoie lactée s'est retrouvée à passer au périastrepériastre, c'est-à-dire au point le plus proche de Sgr A*Sgr A* sur cette orbite. Baptisée S2, elle s'est approchée à seulement 16 heures-lumièrelumière environ (soit 120 fois la distance Terre-SoleilSoleil ou encore quatre fois la distance Soleil-NeptuneNeptune) du trou noir supermassiftrou noir supermassif de quatre millions de massesmasses solaires, que l'on pense être vers le centre de notre GalaxieGalaxie. Cela correspond aussi à une distance équivalente à presque 1.500 rayons de Schwarzschildrayons de Schwarzschild de ce trou noir. S2 se retrouve à ce périastre tous les 16 ans environ et, à ce moment-là, elle parcourt une portion de son orbite elliptique à presque 2,7 % de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière, soit 8.000 km/s.

    Sagittarius A*, le trou noir supermassif laboratoire

    Les astrophysiciensastrophysiciens relativistes attendaient impatiemment cet évènement. On pouvait espérer voir des effets du champ de gravitationgravitation du trou noir Sagittarius A* - qui ne soient pas décrits par la théorie de NewtonNewton de la gravitation, et peut-être même aussi pas complètement par la théorie d'EinsteinEinstein - ouvrant une fenêtrefenêtre sur une nouvelle physiquephysique.

    L'occasion ne pouvait pas être manquée de sonder également le champ de gravitation d'un trou noir dans un régime, où il est intense. C'est pourquoi de nombreux chercheurs et ingénieurs l'avaient saisie dans le cadre du consortium Gravity dirigé par l'Institut allemand Max PlanckMax Planck pour la physique extraterrestre (MPE) et impliquant le CNRS, l'Observatoire de Paris - PSL, l'Université Grenoble-Alpes et plusieurs autres universités françaises (ainsi que l'université de Cologne et le Centre portugais d'astrophysiqueastrophysique et de la gravitation). Il s'agissait de pouvoir combiner, par une méthode d'interférométrieinterférométrie, des observations dans l'infrarougeinfrarouge faites par plusieurs des télescopestélescopes du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'ESOESO pour faire l'équivalent d'un télescope de plus de 100 mètres de diamètre, tout en analysant la lumière à l'aide de trois instruments, Naco, Sinfoni et Gravity. Le challenge était de pouvoir observer et mesurer les mouvementsmouvements heure par heure de S2, avec une précision de 50 microsecondes d'angle, ce qui revient à observer depuis la Terre une balle de tennis posée sur la LuneLune.

    La première mesure de l'effet de décalage spectral d'un trou noir

    L'ESO a finalement annoncé - via une conférence de presse qu'accompagne la mise en ligne sur arXiv d'un article expliquant les résultats scientifiques - qu'un point d'orgue de 26 années d'observation des étoiles autour de Sgr A* avec ses télescopes avait été atteint. En effet, la théorie de la relativité généralerelativité générale implique que le champ de gravitation d'un astre produit un décalage vers le rougedécalage vers le rouge de lumière qu'il peut émettre, d'autant plus important que celui-ci est massif ou dense, et ce, selon une loi précise.

    C'est bel et bien ce qui a été observé avec S2, et tout comme ce fut le cas il y a bientôt un siècle avec la déviation des rayons lumineux d'étoiles par le Soleil (observée et mesurée lors de la fameuse éclipseéclipse de 1919), les effets mesurés ne peuvent pas s'expliquer avec la théorie de Newton de la gravitation. Mais ils sont au contraire en plein accord, à la précision des mesures atteintes, avec la théorie d'Einstein.

    C'est la première fois que cet effet de décalage est mesuré pour le champ gravitationnel d'un trou noir. On le connaissait auparavant, notamment avec des naines blanchesnaines blanches (la première détection solidesolide date de 1954 avec 40 Eridani B), et on pouvait le mesurer dans le champ beaucoup plus faible de la Terre via la fameuse expérience de Pound et Rebka.

    Ce nouveau succès de la théorie de la relativité générale devrait bientôt être suivi d'un autre, très probable. En effet, les observations en cours devraient permettre d'observer la composante relativiste de la précessionprécession du périastre de S2, l'équivalent de la fameuse précession relativiste du périhéliepérihélie de MercureMercure. Il y a 16 ans, bien que nous ne disposions pas d'instruments aussi performants qu'aujourd'hui, un précédent passage au périastre de S2 avait été observé, permettant donc une comparaison en cours avec celui de 2018.

    Voir aussi

    Les astronomes chassent la cinquième force autour de notre trou noir galactique

    © ESO