Lorsqu’un trou noir supermassif met une étoile à son menu, il la met en charpie avant de la dévorer. Et dans la moitié des cas, nous apprennent aujourd’hui des chercheurs, une partie au moins de la matière stellaire lui reste un peu sur l’estomac. Le poussant à roter jusqu’à plusieurs années plus tard !
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Un événement de rupture par effet de marée -- tidaltidal disruption event ou TDE, pour les anglophones --, c'est ce qui se produit lorsqu'une étoile passe un peu trop près d'un trou noir supermassif. Lorsque les forces de marée exercées par ce dernier deviennent tellement importantes qu'elles finissent par littéralement déchiqueter l'étoile en question. Par la « spaghettifier », disent les astronomesastronomes, pour donner une image du phénomène. Quelques heures suffisent pour cela. Et il se produit alors un puissant flashflash lumineux que les chercheurs peuvent détecter.
Aujourd'hui, des astronomes -- non encore relus par leurs pairs -- du Harvard-Smithonian Center for Astrophysics (États-Unis) nous apprennent quelque chose de surprenant à propos de ces événements de rupture par effet de marée et de ces trous noirs mangeurs d'étoiles. Ils ont observé un phénomène inattendu sur environ 40 % des 24 TDE qu'ils ont étudié parfois jusqu'à 3 200 jours après le flash initial. Un nouveau flash des années plus tard. Mais d'ondes radio, cette fois. Ainsi près de la moitié des trous noirs mangeurs d'étoiles, donc, renverraient de la matièrematière stellaire entre deux et six années après le TDE. Dans une sorte de rot à l'origine de l'émissionémission d'un signal radio caractéristique.
Un premier rot tardif de trou noir détecté il y a quelques mois
Il y a environ un an (voir l'article plus bas), la même équipe avait rapporté en détail la découverte faite sur un trou noir en particulier. Un trou noir baptisé AT2018hyz. Quelque chose que « personne n'avait jamais vu auparavant ». Une émission radio intense qui s'était produite environ trois années après un événement de rupture par effet de marée.
Rappelons que les trous noirs sont coutumiers du fait de renvoyer de la matière vers l'espace lorsqu'ils engloutissent une étoile. Mais le phénomène avait toujours jusqu'ici été observé juste après un TDE. Des renvois continus et modestes sur quelques semaines, voire quelques mois. Ici, il est bien question de rots puissants qui se produisent des années plus tard. Et les astronomes en ignorent encore le mécanisme.
Encore des inconnues dans le comportement des trous noirs
Selon les chercheurs, le matériaumatériau révélé par ces émissions radio pourrait provenir d'un disque d’accrétion qui ne se serait finalement formé que des années après le TDE. Il pourrait aussi avoir été stocké plus près du trou noir supremassif. Il pourrait simplement s'échapper ou être littéralement éjecté. La seule chose dont ils se disent sûrs à ce stade, c'est que bon nombre de trous noirs se nourrissent définitivement un peu comme des gorets.
Ce sont désormais les modèles informatiques utilisés pour décrire le comportement de ces trous noirs et les événements de rupture par effet de marée qu'ils produisent qui vont devoir être mis à jour. Car les versions actuelles prennent généralement fin quelques semaines seulement après le TDE. Alors que les astronomes du Harvard-Smithonian Center for Astrophysics ont bel et bien observé des rots plusieurs années plus tard. Pour deux des trous noirs qu'ils ont étudiés, ils ont même enregistré un second rot après un premier survenu assez rapidement après l'événement de rupture par effet de marée.
Le rot puissant d’un trou noir 3 ans après son dernier repas : « Personne n’avait jamais rien vu de tel auparavant » !
Au menu des trous noirs, les étoiles ne sont pas si rares. Un peu plus rare, tout de même, le fait qu'un trou noir ait quelques renvois à la fin de son repas. De la matière non digérée qu'il éjecte alors aux alentours. Mais cette fois, c'est bel et bien quelque chose d'unique -- jusqu'ici -- que des astronomes ont observé.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 14/11/2022
Une étoile déchiquetée puis engloutie par un trou noir. C'est de l'ordre du quotidien de la vie d'un astronome qui s'intéresse aux mœurs de ces monstres de l'espace. Ou presque. Alors quand des chercheurs ont raconté l'histoire de ce trou noir qui avait englouti une banale étoile dans une galaxiegalaxie située à quelque 665 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Terre, cela n'a réellement attiré l'attention de personne. C'était en octobre 2018.
Mais aujourd'hui, le trou noir en question refait parler de lui. Illuminant de nouveau le ciel. Alors même qu'il n'a rien avalé de nouveau depuis plus de trois ans. Un peu comme si après un copieux repas pris en 2018, le trou noir venait... de roter ! « Nous avons été surpris. Personne n'avait jamais rien vu de tel auparavant », explique Yvette Cendes, chercheur au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (États-Unis), dans un communiqué.
Précisons avant de poursuivre que lorsqu'une étoile se frotte d'un peu trop près à un trou noir, les forces de gravitégravité exercées par le monstre commencent à l'étirer. En tournant autour du trou noir, l'étoile, transformée en spaghetti, se réchauffe et il se produit finalement ce que les astronomes appellent un événement de rupture par effet de marée (TDE). Il se signale par un flash de lumière que les chercheurs peuvent observer à des millions d'années-lumière de distance. Celui qu'ils ont déniché en 2018 a été baptisé AT2018hyz. Il a émis dans le visible pendant plusieurs mois avant de disparaître.
D’autres événements similaires ?
C'est en parcourant les données radio du VLA (Very Large Array)) que les astronomes ont découvert que ce trou noir avait mystérieusement été comme réanimé en juin 2021. Dans l'urgence face à cet événement inédit, ils ont demandé du temps d'observation sur plusieurs télescopes. « Toutes nos demandes ont immédiatement été acceptées », rapporte Yvette Cendes.
Avec Alma, le Grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama (Chili), l'observatoire MeerKAT (Afrique du Sud), l'Australian Telescope Compact Array ou encore les télescopestélescopes spatiaux ChandraChandra et SwiftSwift. L'objet a été scruté à différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde. Mais les observations radio se sont révélées les plus marquantes.
AT2018hyz a bien émis un signal radio pendant trois ans. Comme les autres TDE observés depuis une dizaine d'années. Mais soudain, le signal a gagné en puissance. Aujourd'hui, AT2018hyz apparait comme l'événement de rupture par effet de marée le plus lumineux dans le domaine radio jamais observé. Les astronomes savent que parfois, les matériaux spaghettifiés sont renvoyés dans l'espace. Dans une forme de rot. Un peu comme si le trou noir ne parvenait pas à avaler tout ce qu'il essaie de dévorer. Mais cela se produit généralement rapidement après le TDE. Pas trois ans plus tard. Et pas à la vitessevitesse à laquelle se produit l'événement observé cette fois : quelque 50 % de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière contre 10 % à peine pour les autres événements de rupture par effet de marée.
Reste désormais à déterminer si ce trou noir fait réellement exception ou si les astronomes n'avaient jusqu'alors tout simplement... pas observé les TDE assez tard dans leur évolution !