Thomas Pesquet, l'astronaute français à bord de la Station spatiale internationale (ISS), a capturé un drôle de phénomène dans le ciel de notre Planète il y a quelques semaines. Ce que les scientifiques appellent un "phénomène lumineux transitoire". Il l'a partagé récemment sur Twitter. 


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    Vous l'avez peut-être vu passer, ce tweet de Thomas Pesquet, posté dans la soirée de jeudi dernier. Il montrait une étrange lueur bleue juste au-dessus de l'Europe.

    « Un événement lumineux transitoire », nous apprenait l'astronaute français. Un phénomène, les chercheurs l'ont désormais compris, ce qui se produit lorsque des éclairséclairs font leur apparition dans la haute atmosphère terrestre.

    <em>« Photo extraite d’une série réalisée lors d’un timelapse au-dessus de l’Europe. Coup de chance, elle montre un éclair et des sprites dans la haute atmosphère ! Ces phénomènes lumineux sont rares et très courts, ce qui les rend difficiles à photographier et à étudier. La Station spatiale internationale est équipée d’un instrument dédié à leur observation. Il est situé à l’extérieur du module Columbus (c’est mieux pour observer l’atmosphère). L’ISS est particulièrement adaptée pour ces observations car elle survole plusieurs fois par jour l’équateur où on trouve le plus d’orages. Un truc fascinant à propos de ces éclairs, c’est qu’ils sont restés à l’état de légende pendant des décennies, racontées par des pilotes, et les scientifiques n’étaient pas convaincus de leur existence. On sait maintenant que les sprites, les elfes et autres jets bleus ou géants existent réellement et qu’ils pourraient avoir une influence sur le climat.» </em>Photo prise le 9 septembre 2021. On reconnaît au premier plan, la botte de l'Italie et son maillage urbain. © ESA, Nasa, T. Pesquet
    « Photo extraite d’une série réalisée lors d’un timelapse au-dessus de l’Europe. Coup de chance, elle montre un éclair et des sprites dans la haute atmosphère ! Ces phénomènes lumineux sont rares et très courts, ce qui les rend difficiles à photographier et à étudier. La Station spatiale internationale est équipée d’un instrument dédié à leur observation. Il est situé à l’extérieur du module Columbus (c’est mieux pour observer l’atmosphère). L’ISS est particulièrement adaptée pour ces observations car elle survole plusieurs fois par jour l’équateur où on trouve le plus d’orages. Un truc fascinant à propos de ces éclairs, c’est qu’ils sont restés à l’état de légende pendant des décennies, racontées par des pilotes, et les scientifiques n’étaient pas convaincus de leur existence. On sait maintenant que les sprites, les elfes et autres jets bleus ou géants existent réellement et qu’ils pourraient avoir une influence sur le climat.» Photo prise le 9 septembre 2021. On reconnaît au premier plan, la botte de l'Italie et son maillage urbain. © ESA, Nasa, T. Pesquet

    Aujourd'hui encore, les scientifiques aiment parler de sylphes ou d'elfes lorsqu'ils évoquent ces phénomènes brefs et rares. Jusqu'à il y a relativement peu de temps, seuls quelques pilotes d'avion en avaient été les témoins. Et les chercheurs se demandaient même s'ils n'étaient pas simplement le fait d'hallucinationshallucinations ou d'effets d’optique.

    Mais aujourd'hui, l'observatoire européen de surveillance des interactions atmosphèreatmosphère-espace (Asim), embarqué à bord de la Station spatiale internationale (ISS), permet de garder un œilœil sur ces phénomènes. Et d'espérer enfin faire réellement toute la lumière sur leur origine.


    Un intense jet bleu observé depuis l'espace

    Les oragesorages sont des phénomènes mystérieux. Les chercheurs peinent à en démêler les secrets. Mais grâce à des instruments installés à bord de la Station spatiale internationale (ISS), ils ont récemment pu observer comme jamais auparavant un phénomène lumineux transitoire de jet bleu produit par un orage déclenché au-dessus du Pacifique.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru 24/01/2021

    Les sylphes rouges, les elfes et les jets bleus. Ce sont quelques-uns des noms que les scientifiques donnent à des phénomènes lumineux transitoires qui accompagnent parfois les orages. Leur point commun : ils sont difficiles à observer depuis la terre ferme. Mais depuis 2018, ils sont scrutés par le chasseur d'orages de l'observatoire européen de surveillance des interactions atmosphère-espace (Asim) embarqué à bord de la Station spatiale internationale (ISS).

    Des caméras optiques, des photomètres, un détecteur de rayons X et gamma. Le tout pour étudier les conditions météorologiques orageuses qui s'étendent parfois dans la haute atmosphère. Et les chercheurs décrivent aujourd'hui justement cinq éclairs bleu intense qu'ils ont observés au-dessus des nuagesnuages. L'un d'entre eux générant un jet bleu de 10 microsecondes. Une forme d'éclair qui peut atteindre jusqu'à 50 kilomètres dans la stratosphèrestratosphère.

    Les phénomènes lumineux transitoires observés depuis la Station spatiale internationale (ISS). © Daniel Schmelling, DTU Space, Mount Visual

    Une influence sur les gaz à effet de serre ?

    Le jet bleu a, à son tour, généré des elfes - pour Emission of light and very low-frequency perturbations from electomagnetic pulse sources. Des anneaux d'émissions optiques et ultraviolettes en expansion rapide à la base de l'ionosphèreionosphère. Le résultat de l'interaction entre les électronsélectrons, les ondes radio et l'atmosphère.

    Sur cette infographie, les différents phénomènes guettés par l’observatoire européen de surveillance des interactions atmosphère-espace (Asim) embarqué à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Au plus haut, les anneaux concentriques des elfes, puis les flashs rouges des farfadets — ou sylphes rouges —, les jets bleus et enfin, les émissions de rayons gamma. © ESA
    Sur cette infographie, les différents phénomènes guettés par l’observatoire européen de surveillance des interactions atmosphère-espace (Asim) embarqué à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Au plus haut, les anneaux concentriques des elfes, puis les flashs rouges des farfadets — ou sylphes rouges —, les jets bleus et enfin, les émissions de rayons gamma. © ESA

    Les données recueillies par les instruments ultra-sensibles de la mission Asim devraient permettre aux chercheurs de mieux comprendre, par exemple, la formation de la foudre dans les nuages. Mais aussi, imaginent-ils, l'influence que ces phénomènes peuvent avoir sur les concentrations de gaz à effet de serregaz à effet de serre dans notre atmosphère.


    D'étranges jets bleus observés depuis l'ISS

    Dans le cadre de l'expérience Thor, Andreas Mogensen avait filmé pour la première fois un curieux phénomène atmosphérique depuis la Station spatiale internationale : les jets bleus. Comme les farfadets et les sylphes rouges, ils apparaissent fugitivement au-dessus des orages. Ils n'avaient jamais pu être observés ainsi. Des images étonnantes et exceptionnelles.

    Article de l'ESAESA paru le 13/02/2017

    Jets bleus photographiés de l’espace par Andreas Mogensen en 2015. © ESA, Nasa
    Jets bleus photographiés de l’espace par Andreas Mogensen en 2015. © ESA, Nasa

    La question de l'existence de phénomènes fugaces a fait l'objet de débats durant de nombreuses années : d'insaisissables décharges électriques dans la haute atmosphère, nommées sylphes rouges, jets bleus, farfadets ou elfes. Faisant l'objet de rapports anecdotiques par des pilotes d'avions, ces phénomènes se sont toujours révélés difficiles à étudier car ils se produisent au-dessus des orages.

    Proposée par l'Institut spatial national du Danemark, l'expérience Thor, qui s'était déroulée en septembre 2015 pendant la mission IrissIriss de 10 jours de l'astronaute de l'ESA Andreas Mogensen à bord de la Station spatiale internationale (ISS), avait pour objet d'étudier les orages vus d'en haut. Une liste d'endroits où ils étaient prévus par la météométéo avait été communiquée à Andreas, qui a alors pris des photos avec l'appareil le plus sensible à bord pour capturer ce que l'on appelle les phénomènes lumineux transitoires.


    Jets bleus filmés de la Station spatiale par Andreas Mogensen en 2015. © ESA, Nasa, DTU

    90 flashes de jets bleus en une minute

    Après analyse, l'équipe à l'origine de l'expérience a publié dans The Geophysical Research Letter un article qui confirme la présence de nombreux jets bleus d'une envergure de l'ordre du kilomètre autour de 18 km d'altitude, et même d'un jet bleu à impulsions atteignant 40 km d'altitude. Dans la vidéo présentée ici, enregistrée par l'astronaute au-dessus du golfe du Bengale, on peut voir clairement le phénomène électrique - le premier du genre.

    Des satellites avaient déjà étudié le phénomène mais leur angle de vue n'est pas idéal pour rassembler des données sur l'échelle des jets bleus et des décharges bleues, qui sont de plus petite taille. La Station spatiale, placée sur une orbiteorbite relativement basse (à environ 400 km), est en revanche idéalement située pour prendre des photos des sylphes et des jets.

    Dans le cadre de Thor, Andreas avait pour consigne de viser les tourelles orageuses (des colonnes nuageuses qui s'étirent jusqu'à la haute atmosphère), et l'astronaute a filmé une vidéo de 160 secondes montrant 245 flashes de jets bleus, soit environ 90 par minute, émanant du haut d'une tourelle nuageuse qui s'écartait de l'orage au-dessus du golfe du Bengale.

    Les décharges et les jets bleus font partie des zones d'ombre dans nos connaissances du climatclimat, alors qu'ils revêtent une réelle importance. En effet, comme les orages électriques atteignent la stratosphère, ils jouent un rôle dans la manière dont notre atmosphère nous protège des radiations cosmiques.

    Tourelle orageuse photographiée de la Station spatiale internationale. © Nasa
    Tourelle orageuse photographiée de la Station spatiale internationale. © Nasa

    Bientôt une observation permanente des orages depuis l'espace

    Cette expérience a confirmé que la Station spatiale est une plateforme utile à l'observation de ces phénomènes. Un instrument nommé Asim (Atmosphere-Space Interactions Monitor), actuellement en cours de préparation pour son lancement prévu d'ici la fin de l'année, sera installé à l'extérieur du laboratoire spatial européen ColumbusColumbus.

    Une fois en place, il observera de manière continue les orages pour collecter plus d'informations sur les phénomènes lumineux transitoires.

    « Ce n'est pas tous les jours que l'on filme un nouveau phénomène météorologique... Je suis donc très satisfait du résultat, mais encore plus satisfait à l'idée que les scientifiques auront bientôt l'opportunité d'étudier ces curieux orages plus en détail » conclut l'astronaute.