Une prédiction d'Erwin Schrödinger, vieille de 80 ans, vient d’être vérifiée par un groupe de spécialistes de l’optique quantique à l'aide de pièges à ions. Il s’agit d’un mouvement de « tremblement », Zitterbewegung en allemand, des particules quantiques décrit par l’équation de Dirac.

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    Erwin Schrödinger, l'un des fondateurs de la mécanique quantique. Crédit : th.physik.uni-frankfurt

    Erwin Schrödinger, l'un des fondateurs de la mécanique quantique. Crédit : th.physik.uni-frankfurt

    Erwin Schrödinger est universellement connu pour sa découverte de l'équation gouvernant l'évolution non relativiste des ondes de matière. Cette équation a été généralisée de plusieurs manières par un seul et même physicienphysicien, Paul DiracPaul Dirac. Celui-ci a d'abord donné la forme, aujourd'hui enseignée dans tous les cours de physique quantique, de l'équation d'évolution d'un système quantique quelconque et pas seulement pour des ondes de matière. On ne parle alors plus de fonction d'onde mais de vecteur d'état d'un système arbitraire décrit par n'importe quelle variable physique pourvu que l'on puisse associer une énergie à ce système. C'est à cette équation que l'on donne aujourd'hui le nom, un peu abusivement, d'équation de Schrödinger.

    L'autre généralisation des travaux de Schrödinger donnée par Dirac est la découverte de l'équation relativiste correcte des ondes de matière associées aux électronsélectrons, mais aussi aux quarksquarks et aux leptonsleptons, la fameuse équation de Dirac.

    Le mariage de la mécanique quantiquemécanique quantique et de la relativité restreinterelativité restreinte dans le cas des électrons allait se révéler surprenant pour son auteur lui-même, qui n'hésitait pas à dire en parlant de son équation : « elle est plus savante que moi ». En effet, en plus de donner la structure fine des raies spectralesraies spectrales de l'atomeatome d'hydrogènehydrogène, elle expliquait l'existence du spinspin de l'électron que Wolfgang PauliWolfgang Pauli, le Mozart de la relativité, avait introduit plus ou moins à la main dans la forme non relativiste des équations quantiques d'un électron dans un atome.

    Le plus surprenant était l'existence de solutions à énergie négatives exigées par l'équation de Dirac. Convaincu de la justesse de son équation par sa beauté mathématique même, Dirac, dans un élanélan platonicien que l'histoire justifiera, en déduisit vers 1928 qu'il devait exister des particules d'antimatièreantimatière. Toutefois, refusant de multiplier sans nécessité le nombre de particules de l'UniversUnivers et malgré le fait que l'on savait que le protonproton était presque 2.000 fois plus massif qu'un électron, il identifia les anti-électrons ainsi découverts aux protons.

    Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Wolfgang Pauli et Paul Dirac vers 1938. Les deux hommes sont à l'origine de la mécanique quantique relativiste. Crédit : Cern
    Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Wolfgang Pauli et Paul Dirac vers 1938. Les deux hommes sont à l'origine de la mécanique quantique relativiste. Crédit : Cern

    En 1930, Erwin SchrödingerErwin Schrödinger était occupé à explorer les conséquences de l'équation de Dirac quand il découvrit que l'exigence de l'existence d'états à énergies négatives pour un électron avait d'autres conséquences surprenantes. Ainsi, lorsque l'on considérait un paquetpaquet d'ondes pour représenter le mouvementmouvement libre d'une particule sur une trajectoire plus ou moins localisée, comme celles que l'on pouvait observer à l'époque dans une chambre à brouillardbrouillard ou que l'on obtient aujourd'hui dans les détecteurs du LHC, un mouvement oscillatoire frénétique à très haute fréquencefréquence s'ajoutait à celui du mouvement moyen de déplacement de la particule. Une séries d'observations aurait montré un mouvement en zig-zag chaotique autour d'une trajectoire apparaissant comme bien régulière à plus basse résolutionrésolution.

    Ce mouvement de « tremblement », baptisé Zitterbewegung par Schrödinger (de langue allemande) résultait de l'interférenceinterférence des ondes de probabilités décrivant les états d'énergies positives et négatives de l'équation relativiste des ondes de matière pour un électron. Comme le montre cette simulation, le Zitterbewegung se manifeste par une ondulation de l'enveloppe du paquet d'ondes de probabilité de présence pour un électron libre. Malheureusement, même si la découverte de l'existence du positronpositron en 1932 par Anderson accrédita les idées de Dirac, que bien peu prenaient au sérieux, le phénomène prédit par Schrödinger était trop rapide (1021 HzHz) et trop localisé dans l'espace (10-13 m) pour qu'on puisse l'observer.

    Les choses devaient en rester là pendant des dizaines d'années jusqu'à ce qu'on réalise que le mouvement non relativiste des ionsions calciumcalcium dans un piège à ions sous l'action d'un faisceau laserlaser aboutissait à des équations de mouvement mathématiquement identiques à celles relativistes prédites par l'équation de Dirac. Pouvait-on se servir de cette coïncidence pour tester la prédiction de Schrödinger en simulant le comportement relativiste d'un électron ?

    La réponse vient d'être donnée par Christian Roos, de l'Université d'Innsbruck, et ses colègues du Groupe de spectroscopie et d'optique quantique de l'Université d'Innsbruck. C'est oui. Ils ont effectivement observé ce Zitterbewegung en mesurant près de 50 fois par seconde l'état interne de l'ion calcium et en reconstituant le mouvement de l'ion possédant une massemasse effective qu'il était possible de contrôler. Ils ont aussi vérifié que selon les limites formellement relativistes ou non relativistes de l'équation du mouvement des ions, le phénomène de Schrödinger était ou non présent.

    Cette expérience ouvre de vastes perspectives, comme par exemple la simulation du comportement des électrons dans un supraconducteursupraconducteur à hautes températures et même peut-être le rayonnement des trous noirstrous noirs. Des états d'énergies négatives interviennent dans l'effet Hawking et dans celui de superadiance des trous noirs en rotation.