Le chat de Schrödinger est l'un des paradoxes bien connus de la mécanique quantique. Ces dernières années, les progrès expérimentaux et la théorie de la décohérence ont jeté une vive lueur sur ce problème. Une nouvelle expérience à l’Université de Santa Barbara vient de compliquer quelque peu ce dernier.

au sommaire


    Erwin Schrödinger. Crédit : th.physik.uni-frankfurt

    Erwin Schrödinger. Crédit : th.physik.uni-frankfurt

    En mécanique quantique, le monde est ordinairement représenté dans une superposition d’états. Ainsi, si l'on considère un électron enfermé dans une boîte pouvant à volonté se scinder en deux boîtes tout aussi hermétiquement closes, un paradoxe connu sous le nom de « paradoxe de De Broglie » est facile à dériver de la théorie.

    Prenons l'une des boîtes et transportons là à Pékin, alors que la première est laissée à Paris. Selon la mécanique quantique, en l'absence d'observation pour vérifier dans quelle boîte se trouve l'électron, il n'est pas possible de dire qu'il se trouve soit dans la boîte restée à Paris, soit dans celle de Pékin tant qu'on n'a pas ouverte l'une d'entre elles.

    Si on le fait, on prédit d'autres résultats d'expériences que la réalité ne vérifie pas comme le montre par exemple celles avec les photons intriqués (expérience EPR). Il faut imaginer que l'électron est dans une sorte de superposition de deux états de position, décrits par un vecteur à deux composantes dans un plan avec des axes perpendiculaires. Les carrés de ces composantes donnent la probabilité de trouver ce dernier dans l'une des boîtes.

    Lors d'une expérience, le vecteur d'état « s'effondre » alors pour coïncider avec l'un des axes sur lequel il est projeté. La probabilité de trouver l'électron dans une des boîtes lors d'une seconde mesure est alors certaine.

    Aussi étrange que cela paraisse, il faut imaginer que l'électron est simultanément en deux endroits à la fois avant une mesure et c'est en cela que consiste le paradoxe de De Broglie.

    Mais, si l'on n'imagine que sa masse, et donc son énergie, est répartie d'une certaine façon en deux fragments dans chaque boîte, alors, lors d'une mesure, il faudrait en déduire que de l'énergie a circulé plus vite que la lumièrelumière pour donner un seul électron entier à Paris ou à Pékin.

    La relativité restreinterelativité restreinte interdit cela et il faut donc en conclure que les objets classiques dans l'espace et le temps n'existent pas vraiment et que seule une observation fait passer les objets du monde quantique flou et étrange à la réalité bien tangible et localisée dans l'espace et le temps de la mécanique classique. Une situation que le grand John Wheeler exprimait par la phrase suivante : « Aucun phénomène n'est un phénomène réel (entendez par là au sens classique) tant qu'il n'est pas observé » et qui est au coeur de l'interprétation de Copenhagueinterprétation de Copenhague de la mécanique quantique.

    Le  prix Nobel Louis de Broglie.
    Le  prix Nobel Louis de Broglie.

    La mesure joue donc un rôle particulier en mécanique quantique. La situation la plus bizarre qui en découle est celle du paradoxe du chat de Schrödingerchat de Schrödinger où un chat enfermé dans une boîte avec un atomeatome radioactif, capable de déclencher par sa désintégration la libération d'un gazgaz mortel, est à la fois mort et vivant tant que l'on n'a pas ouvert la boîte, parfaitement isolée du reste de l'UniversUnivers, pour vérifier si l'atome s'était désintégré ou pas. En effet, à cause de l'intrication quantiqueintrication quantique, l'atome et le chat forment un seul objet décrit quantiquement. On n'observe jamais une telle superposition quantique et l'on est donc conduit à un paradoxe, à moins de rejeter les lois de la mécanique quantique.

    La résolutionrésolution de ce paradoxe, partiel d'une certaine façon, est de faire remarquer que, malgré tout, rien dans l'Univers n'est complètement isolable de toute interaction et qu'une faible interaction de l'atome avec son environnement existe quand même, qui va provoquer ou non sa désintégration, et forcer l'état du système à se projeter en un temps assez bref pour un objet macroscopique dans le monde réel. Voilà pourquoi on n'observe jamais de chat à la fois mort et vivant. C'est ce que dit la théorie de la décohérence et les expériences le vérifient.

    Toutefois, selon une interprétation de la mesure en mécanique quantique proposée il y a quelques années par Yakir Aharonov, il existerait des mesures dites faibles où l'effondrementeffondrement du vecteur d'état n'est pas vraiment complet. Un chat de Schrödinger  « mort » pourrait donc être d'une certaine façon ressuscité dans un état à la fois mort et vivant si l'on s'y prend bien.

    Cette théorie viendrait d'être testée avec des qubits par Nadav Katz de l'Université de Santa Barbara et elle semble effectivement être correcte. Les résultats des expériences ont été publiés sur arXivarXiv et la communauté des physiciensphysiciens va devoir maintenant se pencher sur ces derniers. Ce résultat surprenant, montrant une fois de plus le caractère très étrange et défiant notre intuition du monde quantique, sera donc peut-être confirmé, ou infirmé, dans les mois ou les années à venir. A suivre donc !