Les roues terrestres que nous utilisons ne sont absolument pas adaptées à l’environnement lunaire. Venturi Lab, associé à Venturi Astrolab, développe le rover lunaire Flex de deux tonnes destiné à parcourir plus d’un millier de kilomètres. Pour cela, il sera équipé de quatre roues hyperdéformables, uniques au monde. Ce système de roue révolutionnaire, qui a nécessité l'invention de matériaux, a été conçu et fabriqué chez Venturi Lab, en Suisse et à Monaco. On peut parler de technologie de rupture.


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    Dans le domaine de l'exploration robotiquerobotique avec des rovers, un des principaux soucis des ingénieurs qui les développent concerne les roues. Et l'histoire ne leur donne pas tort. Depuis le premier rover lunaire de l'URSS dans les années 1970 jusqu'aux rovers martiensrovers martiens de la Nasa, sans oublier le buggy lunaire d'ApolloApollo 15, la fiabilité des roues a toujours été un sujet de préoccupation. Sans roue qui tourne rond, pas de mission ! Or, si globalement la plupart des roues des différents rovers se sont bien comportées, certaines ont rencontré des problèmes techniques et structuraux, contraignant les responsables des missions à adapter leur fonctionnement afin d'éviter tout risque de panne fatale à la mission.

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    Où en sont les projets de rovers lunaires et martiens de Venturi Lab ?

    Le retour annoncé des humains sur la Lune s'accompagnera d'une myriade de rovers d'exploration dont certains s'apparenteront plus à des quads, quand d'autres seront habitables. Lors du 54e Salon du Bourget qui se tient actuellement, Venturi Lab a profité de cette vitrine internationale pour présenter une roue lunaire hyperdéformable et unique. Nous y étions et avons rencontré l'équipe technique et dirigeante, très enthousiaste.

    Cette roue équipera le rover Flex de Venturi Astrolab, un véhicule dédié au transport de charge utile, piloté par un astronaute. Il sera déposé sur la Lune, au pôle Sud, d'ici la fin de la décennie à bord du StarshipStarship de SpaceXSpaceX lors de la mission Artemis III.

    La structure inédite de la roue du futur rover lunaire de Venturi Astrolab. Cette roue sera testée et analysée par les équipes Nasa du <em>Glenn Research Center</em> (Cleveland) et du <em>Johnson Space Center</em> (Houston). © Venturi Lab
    La structure inédite de la roue du futur rover lunaire de Venturi Astrolab. Cette roue sera testée et analysée par les équipes Nasa du Glenn Research Center (Cleveland) et du Johnson Space Center (Houston). © Venturi Lab

    Une technologie de rupture

    Cette roue est une première mondiale, un « tournant dans l'histoire de l'industrie spatiale », n'hésite pas à écrire Venturi Lab dans son communiqué. L'entreprise a conçu une roue d'un diamètre de 930 millimètres à l'architecture plutôt surprenante. Sa structure est faite d'un système complexe de 192 câbles qui font office de rayons, d'une bande de roulement rendue flexible par l'invention d'un matériaumatériau ainsi que d'une couronne extérieure équipée de ressorts. Cette roue représente une avancée tout aussi majeure que celle qu'a été, au XIXe siècle, le bandagebandage en caoutchouccaoutchouc (puis le bandage pneumatiquepneumatique) autour des jantes.

    Cette roue est une première mondiale, un tournant dans l’histoire de l’industrie spatiale

    Cette roue a la capacité de se déformer très fortement tout en étant endurante et robuste. Pour comprendre ce choix architectural, il faut savoir que sur la Lune la gravitégravité est six fois moindre. Rouler sur la Lune est donc très différent que de rouler sur la Terre ou sur Mars en raison d'une surface qui peut être meuble, un peu comme de la farine. À ce problème de gravité s'en ajoutent d'autres comme les radiations, la poussière mais aussi, et cela peut surprendre, les températures. Flex évoluera dans un environnement extrême où les températures seront en permanence négatives, de -90 °C à -230 °C.

    Le rover Flex, à l’échelle, de Venturi Astrolab présenté lors du <em>Salon du Bourget</em> (juin 2023). © Rémy Decourt
    Le rover Flex, à l’échelle, de Venturi Astrolab présenté lors du Salon du Bourget (juin 2023). © Rémy Decourt

    Les roues terrestres ne sont pas utilisables sur la Lune

    Aujourd'hui, il n'existe pas de roue capable de s'affranchir de toutes ces contraintes. Si l'on devait utiliser des roues terrestres sur la Lune, celles-ci devraient être de très grandes dimensions pour ne pas s'enfoncer dans le sol et perdre en motricité. De plus, les terrains lunaires gelés les rendraient cassantes comme du verre ! D'où cette route inédite qui non seulement est conçue pour s'affranchir de ces contraintes mais aussi pour répondre aux besoins de la Nasa, qui souhaite des roues robustes capables de « tourner rond » pendant au moins un bon millier de kilomètres. Le buggy d'Apollo 15 avait une duréedurée de vie de seulement 80 kilomètres. Elle souhaite également que ces roues roulent dans des environnements à très basse température, à plus de -200 °C ! Il s'agit de régions plongées en permanence à l'ombre du SoleilSoleil, et donc d'un très grand intérêt scientifique.

    Des contraintes de fabrication très fortes en matièrematière de durabilitédurabilité donc, mais également de confort pour les astronautes à bord du rover. Les quatre roues supportant les deux tonnes de massemasse du véhicule (charge utile incluse) absorberont les irrégularités du sol en se déformant et ce, alors que Flex se déplacera à 20 km/h, contre seulement quelques mètres par heure, quand ce n'est par mois, sur Mars). Elles devront être aussi capables d'encaisser les chocs de la route.

    À noter que la Nasa a sélectionné Venturi Astrolab afin de tester et analyser la roue Venturi Lab au Nasa Glenn Research Center (Cleveland) et au Nasa Johnson Space Center (Houston).