La Nasa finance à coup de millions de dollars l'étude d'un projet futuriste qui permettrait d'utiliser le champ de gravitation du Soleil pour imager la surface d'exoterres à moins de 100 années-lumière du Système solaire. Explications.


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    Ce 29 juillet 2022, le célèbre site de l'Encyclopédie des planètes extrasolaires mentionne que la noosphère a découvert 5.121 exoplanètes depuis 51 Pegasi B, découverte alors faite grâce aux prix Nobel de Physique Michel Mayor et Didier Queloz. Futura a récemment fait l'interview du créateur de ce site désormais mondialement connu, l'astronomeastronome français Jean Schneider.

    La connaissance de l'existence de ces exoplanètes est une avancée extraordinaire dans l'Histoire d'Homo sapiensHomo sapiens mais elle reste encore très partielle car, pour l'essentiel, nous n'avons que des estimations de masses et de distances pour ces exoplanètes, et quelques rares spectres donnant un embryonembryon de composition d'atmosphèresatmosphères pour faire court.

    Bien évidemment, nous aimerions au moins avoir des images des détails de ces exoplanètes, surtout si elles sont des exoterres potentielles. Dans l'idéal, nous aimerions même y découvrir des biosignatures et même des technosignatures.

    La NasaNasa a récemment alloué de nouveaux fonds pour l'étude d'un projet spectaculaire qui pourrait être réalisé au cours du XXIe siècle dans ce but. Le projet lui-même est juste dans les cartons et il n'est pas encore question de l'entreprendre physiquement. Il s'agit d'un avataravatar d'un concept proposé en 1979 par un chercheur de l'Université de Stanford, V. R. Eshleman :  la lentillelentille solaire gravitationnelle.

    Le saviez-vous ?

    Lorsqu'un corps céleste passe devant une source de lumière, son champ gravitationnel courbe les rayons qui en sont issus, à la façon d'une lentille. On savait déjà que la gravitation pouvait dévier des rayons lumineux comme les observations d'Eddington l'avaient montré en 1919, lors de la célèbre éclipse qui servit de test à la relativité générale. Mais il avait fallu plus de quinze années avant qu’un amateur, Rudi Mandl, ne déduise la conséquence naturelle de cette observation et suggère à Albert Einstein qu'il puisse exister dans l'espace de véritables lentilles gravitationnelles. Ce dernier publia donc une petite note en 1936 avec des calculs simples, en concluant : « Bien sûr, il n'y a aucun espoir d'observer directement ce phénomène ».

    L'idée que des distributions de masses pouvaient agir sur des rayons lumineux à la façon d'une loupe remonterait, en fait, à 1924 dans un article de Orest Danilovich Khvolson, un physicien russe. L'effet de lentille gravitationnelle et son extension au cas des galaxies et des amas de galaxies fut considéré en 1937 par le physicien d'origine suisse, Fritz Zwicky. Il fallut attendre 1979 pour que l'effet soit enfin observé avec le désormais célèbre Quasar Jumeau situé dans la constellation de la Grande Ourse à une distance de 8,7 milliards d'année-lumière, alors que la galaxie lentille est, elle, à 3,7 milliards d'année-lumière.

    Concrètement, il s'agit de mettre à profit le fait que le champ de gravitationgravitation d'un corps céleste dévie les rayons lumineux comme le ferait une lentille et donc permet d'obtenir un facteur de grossissement pour former des images. En se plaçant à une certaine distance du SoleilSoleil, il est donc possible de l'utiliser comme lentille gravitationnellelentille gravitationnelle pour former l'image d'une exoplanète avec une résolutionrésolution record, comme si l'on disposait d'un télescope géanttélescope géant bien plus grand que ceux que l'on peut construire sur Terre en raison de la gravitégravité qui déforme un miroirmiroir sous son propre poids.

    Des chercheurs comme Slava G. Turyshev du Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory ainsi que Alexander Madurowicz et Bruce Macintosh de Stanford ont donc publié sur arXiv et dans un article de The Astrophysical Journal depuis déjà quelques années où ils développent le concept.

    Un schéma illustrant le concept d'une mission avec plusieurs sondes équipées d'instruments pour étudier l'anneau d'Einstein de l'image d'une exoplanète autour de son étoile hôte avec une lentille gravitationnelle solaire. Une AU est la distance de la Terre au Soleil, c'est à dire l'Unité Astronomique. © <em>The Aerospace Corporation</em>
    Un schéma illustrant le concept d'une mission avec plusieurs sondes équipées d'instruments pour étudier l'anneau d'Einstein de l'image d'une exoplanète autour de son étoile hôte avec une lentille gravitationnelle solaire. Une AU est la distance de la Terre au Soleil, c'est à dire l'Unité Astronomique. © The Aerospace Corporation

    Un essaim de télescopes propulsé par des voiles solaires

    Actuellement, les idées générales à ce propos sont les suivantes :

    En utilisant directement, comme avec un télescope, une lentille gravitationnelle pour former des images d'une exoplanète, on aurait cependant des résultats assez flous. Le mieux est d'avoir plusieurs instruments volant en essaim et observant chacun une portion de l'équivalent d'un anneau d'EinsteinEinstein pour la lentille solaire, c'est-à-dire une déformation de l'image de l'exoplanète formant un anneau, comme dans le cas de certaines observations de quasarsquasars à l'aide d'une lentille gravitationnelle forte produite par un amas de galaxiesamas de galaxies.

    Concrètement, il faudrait pour cela envoyer cet essaim à des distances comprises entre 548 et 900 fois la distance de la Terre au Soleil, ce qui permettrait de former des images d'exoplanètes jusqu'à environ 100 années-lumièreannées-lumière du Soleil. Pas de problème en théorie donc pour observer les exoplanètes autour de Proxima Centauri et Trappist 1, par exemple.

    Avec un seul instrument dont le miroir aurait environ un mètre de diamètre, on pourrait obtenir des images de la surface de ces exoplanètes avec une résolution de l'ordre de quelques dizaines de kilomètres.

    Il y a quand même plusieurs difficultés avec cette idée. Avec la technologie de propulsion actuelle, il faudrait environ un siècle pour envoyer les instruments à bonne distance. On pourrait au mieux raccourcir le délai à environ 25-30 ans, ce qui est raisonnable pour la duréedurée de vie d'une personne impliquée dans ce projet, en utilisant des voiles solaires. La technologie de ces voiles n'est pas encore au point, bien que raisonnablement à portée de main.


    Des explications sur le dernier concept d'un mission pour exploiter la lentille gravitationnelle solaire pour imager des exoplanètes. © The Aerospace Corporation