Sur Terre, l’activité géologique, et la formation de continents qui en résulte, est suspectée d’avoir joué un rôle crucial dans l’apparition et l’évolution de la vie. Selon ce principe, si une exoplanète présente des continents, son potentiel d’habitabilité se voit augmenter. Une récente étude révèle que certaines exoplanètes dans notre Voie lactée pourraient avoir formé des continents plus de 2 milliards d’années avant notre Terre… et la vie aurait pu en profiter pour s’y développer.


au sommaire


    Les continents sur Terre se sont formés grâce aux mouvements des plaques tectoniques, permis par l'évacuation de la chaleur interne de la planète. Les scientifiques ne considèrent pas l'existence d'une tectonique des plaquestectonique des plaques comme strictement nécessaire à l'apparition de la vie : l'activité tectonique sur Terre était encore limitée lorsque les premiers organismes vivants y ont émergé. La tectonique des plaques semble en revanche avoir un rôle de régulateur sur le climatclimat et les températures terrestres. Elle offre de plus des échanges de matière entre le manteaumanteau et l'atmosphèreatmosphère, et l'évacuation de la chaleur interne de notre Planète permet au passage la mise en place d'une magnétosphère, qui nous protège des rayonnements cosmiques nocifs pour la vie. Si elle n'est pas nécessaire à l'apparition de la vie, la tectonique des plaques apparaît cruciale pour son développement sur le long terme, et peut fournir un argument supplémentaire pour caractériser l’habitabilité d’une exoplanète et le développement éventuel d'une biosphèrebiosphère complexe.

    Simulation du mouvement des plaques tectoniques à la surface de la Terre au cours du dernier milliard d'années. © Merdith et al., 2020, EarthByte

    La radioactivité comme moteur de l’activité tectonique

    Sur Terre, les plaques tectoniquesplaques tectoniques bougent les unes par rapport aux autres en « glissant » sur le manteau, plus ductileductile. Les mouvements dans le manteau sont principalement issus de la chaleur interne de notre Planète, causée par la désintégration d'éléments radioactifs dans le noyau, comme l'uranium-238 ou le thoriumthorium-232. Ces éléments, très lourds, ne peuvent se former que lors d'évènements cosmiques très énergétiques, comme lors d'une collision entre deux étoilesétoiles à neutronneutron, ou des supernovae. La Terre a ainsi emmagasiné ces éléments lors de sa formation, lesquels continuent aujourd'hui encore à se désintégrer en d'autres éléments plus légers, émettant de la chaleur.

    Depuis des siècles, l'humanité se questionne sur l'existence de la vie ailleurs que sur Terre. Mais ce n'est qu'à partir du XXe siècle que l'enquête a pu vraiment commencer. © Futura

    Si on sait d'où viennent l'activité tectonique terrestre et la formation de continents sur notre Planète, observer ces phénomènes sur des exoplanètesexoplanètes rocheuses reste aujourd'hui irréalisable ; mais la présence d'éléments radioactifs dans leurs noyaux peut en revanche permettre de prouver qu'une activité tectonique y est possible. C'est le défi que s'est proposé de relever Jane Greaves, une astronomeastronome américaine : selon elle, en sachant que les planètes et leur étoile hôte se forment à partir du même nuagenuage pré-stellaire, les abondances en éléments radioactifs au sein de l'étoile reflètent la composition chimique des planètes qui orbitent autour. En analysant à partir de précédentes études les abondances en uranium et en potassiumpotassium d'étoiles voisines, ainsi que les âges de ces étoiles mesurés par le satellite Gaiasatellite Gaia, elle est capable de fournir une estimation de l'époque à partir de laquelle d'hypothétiques planètes rocheusesplanètes rocheuses autour des étoiles étudiées pourraient être devenues assez chaudes pour qu'une tectonique des plaques y émerge. Elle présente ses résultats dans le journal Research Notes of the American Astronomical Society.

    À la recherche d’éléments radioactifs dans la Voie lactée

    Dans ses travaux, l'astronome Jane Greaves étudie 29 étoiles situées relativement proches de notre Système solaireSystème solaire, et les divise en deux groupes : d'un côté, les étoiles les plus jeunes et les plus riches en métauxmétaux (on parle de métallicité, une grandeur qui mesure la massemasse d'éléments autres que l'hydrogènehydrogène ou l'héliumhélium, les plus abondants dans l'UniversUnivers) localisées dans le « disque mince » de la Voie lactéeVoie lactée ; de l'autre, les étoiles les plus âgées et les plus pauvres en métaux, localisées dans le « disque épais » de notre GalaxieGalaxie. En analysant la métallicitémétallicité des étoiles ainsi que leur âge, elle parvient à estimer depuis quand une hypothétique planète rocheuse en orbiteorbite autour d'elles pourrait présenter une activité tectonique.

    Sur Terre, la tectonique des plaques telle qu'on la connaît a débuté il y a environ 3 milliards d'années ; mais selon les résultats de son étude, l'astronome semble avoir identifié dans son échantillon de jeunes étoiles riches en métaux d'hypothétiques planètes rocheuses où des continents auraient pu émerger plus de 2 milliards d'années plus tôt. L'âge de l'apparition de la tectonique des plaques terrestres semble être médian, comparé aux systèmes stellairessystèmes stellaires voisins.

    À gauche, âge de la première apparition de continents en fonction de l'âge de l'étoile étudiée. Les points gris représentent des étoiles de types F, G ou K (estimées dans l'étude assez similaires pour être représentées au sein du même groupe) ; le point orange représente le Soleil ; les points roses représentent des étoiles du disque galactique épais. La ligne jaune marque la limite entre une tectonique des plaques plus rapide (en bas) ou plus lente (en haut) que sur Terre. À droite, les mêmes populations représentées en fonction de la métallicité des étoiles étudiées. © Greaves, 2023
    À gauche, âge de la première apparition de continents en fonction de l'âge de l'étoile étudiée. Les points gris représentent des étoiles de types F, G ou K (estimées dans l'étude assez similaires pour être représentées au sein du même groupe) ; le point orange représente le Soleil ; les points roses représentent des étoiles du disque galactique épais. La ligne jaune marque la limite entre une tectonique des plaques plus rapide (en bas) ou plus lente (en haut) que sur Terre. À droite, les mêmes populations représentées en fonction de la métallicité des étoiles étudiées. © Greaves, 2023

    Deux étoiles se détachent cependant du lot, situées respectivement à 70 à 110 années-lumièreannées-lumière de nous, qui auraient pu former des continents jusqu'à 5 milliards d'années plus tôt que sur Terre. Ces étoiles présentent une faible métallicité, bien en deçà de celle de notre SoleilSoleil. Ainsi, selon l'astronome, les systèmes avec des étoiles présentant une métallicité plus faible que notre Soleil pourraient être de bons candidats pour rechercher des planètes où la vie pourrait avoir évolué, voire être plus avancée que sur Terre. Au sein de son échantillon de seulement 29 étoiles, elle estime que deux de ces systèmes pouvant abriter des planètes présentant une tectonique des plaques sont assez proches pour être observables par des futurs télescopestélescopes, comme le Habitable Worlds Observatory de la NasaNasa