Dans la quête des origines de la vie sur Terre, une équipe de scientifiques a étudié les brumes organiques qui existaient sur Terre durant ses 500 premiers millions d’années d’histoire ; selon eux, elles auraient pu contenir les éléments nécessaires à la vie, y compris les nucléobases et les acides aminés. Cette étude pourrait non seulement aider les scientifiques à mieux comprendre les conditions qui régnaient sur la Terre primitive, mais aussi à savoir si ces mêmes conditions pourraient également produire les blocs de construction de la vie sur Titan, la plus grande lune de Saturne.


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    Il y a environ 4,5 milliards d'années, la Terre se forme par accrétion progressive de matière dans le disque protoplanétaire qui entoure le jeune Soleil. Notre Planète est alors bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui : très chaude, sa surface est fondue, essentiellement recouverte d'un océan de magma. Les éléments chimiques commencent à s'organiser, avec les plus lourds, comme le ferfer, tendant à se concentrer vers le centre et formant progressivement le noyau terrestrenoyau terrestre. Sur ses premiers 500 millions d'années d'existence, la Terre se refroidit progressivement, alors que se forme une première croûte terrestrecroûte terrestre solidesolide de faible épaisseur et qu'une atmosphèreatmosphère primitive apparaît, composée de gazgaz émis par les couches inférieures de la Terre, encore liquidesliquides. Cet intervalle de temps marque ce que les géologuesgéologues appellent l’Hadéen - la plus ancienne division des temps géologiques.

    Un environnement inhospitalier ?

    De ce que l'on sait actuellement, la Terre était plutôt inhospitalière durant l'HadéenHadéen : avec des températures très élevées, son atmosphère était essentiellement composée d'hydrogènehydrogène, d'azoteazote, de dioxyde de carbonedioxyde de carbone, de méthane et de vapeur d'eau. Si cette dernière s'est progressivement condensée avec le refroidissement de la Terre pour former les premiers océans d'eau liquide, les conditions qu'offrait alors la Terre n'étaient pas vraiment propices au développement de la vie. C'est pourtant à cette époque que les ingrédients de base nécessaires à la vie (nucléobases, acides aminésacides aminés, etc.) sont apparus sur Terre : les premières formes de vie seraient apparues il y a entre 4 et 3,5 milliards d'années. De nombreux scientifiques cherchent à identifier la source de ces biomolécules, certains penchant pour une origine extraterrestre (impacts météoritiques, poussière interplanétaire...), d'autres privilégiant plutôt une origine endogèneendogène : elles pourraient en effet s'être formées directement sur Terre, à partir des éléments organiques de son atmosphère primitive.

    Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? Ce qu'en dit un expert de la Nasa. © Nasa

    Cette hypothèse est d'ailleurs étudiée depuis longtemps : en 1953, le chimiste américain Stanley Miller réalisa une série d’expériences décisives pour les partisans d'une origine endogène aux biomolécules. En simulant l'atmosphère primitive de la Terre, il parvint ainsi à obtenir des moléculesmolécules organiques, dont de l'urée et certains acides aminés : autrement dit, des briques du vivant synthétisées à partir de matière inanimée. Si l'ensemble de ces réactions nécessitait des gammes de température et de pH très étroites - les rendant peu probables dans l'atmosphère primitive -, ces expériences marquèrent pourtant une étape importante dans les sciences des origines de la vie : il est possible de créer de la matière organique à partir de gaz inanimés...

    Les blocs de base de la vie… mais pas la vie en elle-même

    S'il semble possible de créer des blocs de base de la vie à partir de la soupe prébiotiqueprébiotique de l'atmosphère primitive, on ne sait pas encore comment sont apparues les premières molécules porteuses d'informations, comme les acides ribonucléiquesacides ribonucléiques (ARN). Dans une nouvelle étude publiée dans la revue The Planetary Science Journal, une équipe de scientifiques rapporte une série d'expériences visant à simuler de nouveau l'atmosphère primitive de la Terre. Ils ont ainsi recréé en laboratoire des brumesbrumes organiques dans des conditions atmosphériques contenant entre 0,5 % et 5 % de méthane dans de petites flaques d'eau, avant de les analyser à la recherche de traces d'acides aminés et de nucléobases. Ils ont de plus chauffé certains échantillons jusqu'à 200 °C afin de simuler une surface inhabitable.

    Vue d'artiste de la Terre primitive. © Silicon Worlds, ESA
    Vue d'artiste de la Terre primitive. © Silicon Worlds, ESA

    Et selon les scientifiques, ces brumes organiques pourraient bel et bien expliquer l'origine des premiers éléments organiques complexes : les concentrations en molécules organiques atteignaient des seuils suffisants pour qu'elles puissent réagir entre elles, et former des structures plus complexes. Ils indiquent de plus que de précédentes expériences, indépendantes de celles-ci, avaient quant à elles montré que d'autres sources (comme les impacts météoritiques précédemment cités) ne parvenaient pas à atteindre ce seuil minimum. L'équipe a ainsi montré que des nucléobases pouvaient exister dans des petits étangs chauds sur Terre pendant l'Hadéen, concluant que les brumes organiques pouvaient produire les éléments de base de la vie dans une atmosphère primitive riche en méthane. Si leurs résultats ont d'importantes retombées sur les origines des blocs de base de la vie, ils produisent également un fort intérêt pour les exobiologistes : l'atmosphère de TitanTitan, lunelune de SaturneSaturne, a une composition très proche de celle de la Terre primitive. Peut-être que Dragonfly, dont le lancement est prévu pour 2028, pourra y détecter des blocs de base de la vie.