En étudiant la signature d'un sursaut radio rapide provenant d'une galaxie voisine, les astronomes ont découvert que la Voie lactée contient beaucoup moins de matière qu'attendu.


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    Les sursauts radio rapides (FRB) sont des rafales d'ondes radio provenant de l'espace lointain qui ne durent que quelques millisecondes. Certains sursauts sont uniques tandis que d'autres se répètent aléatoirement ou périodiquement. La cause exacte de ces événements demeure inconnue, mais chaque sursaut enregistré nous rapproche d'une réponse. Le premier FRB détecté l'a été en 2007 et des centaines sont maintenant observées chaque année.

    Dans leur nouvelle étude, Vikram Ravi, professeur assistant d'astronomie à Caltech, et ses collègues ont examiné FRB 20220319D, un sursaut radio rapide détecté pour la première fois en mars 2022 par le Deep Synoptic Array (DSADSA), dans le haut désertdésert à l'Observatoire radioObservatoire radio d'Owens Valley, à l'est des montagnes californiennes de la Sierra Nevada.

    Le <em>Deep Synoptic Array</em> (DSA) à l'Observatoire radio d'Owens Valley (OVRO) de Caltech. © Caltech, Owens Valley Radio Observatory
    Le Deep Synoptic Array (DSA) à l'Observatoire radio d'Owens Valley (OVRO) de Caltech. © Caltech, Owens Valley Radio Observatory

    L'un des défis de l'étude des FRB réside dans l'identification de leur lieu d'origine, car cela aide les astronomesastronomes à déterminer ce qui peut les déclencher et permet de les utiliser pour étudier la répartition de la matière baryonique dans l'Univers. Sur les centaines de FRB découverts à ce jour, seuls 21 ont été localisés dans des galaxies connues. Le DSA, mis en service en février 2022, a déjà découvert et localisé 30 nouveaux FRB.

    Une Voie lactée moins massive qu'attendu

    FRB 20220319D provient de IRAS 02044+7048, une galaxie située à environ 163 millions d'années-lumière de nous. En connaissant la distance et la direction d'origine du sursaut radio, l'équipe a pu mesurer à quel point le signal s'était dispersé avant d'atteindre l'observatoire et ainsi déterminer la quantité de matière que les signaux radio avaient traversée au cours de leur voyage. C'est un peu comme allumer une lampe de poche dans le brouillardbrouillard pour déterminer son épaisseur : plus il y a de matière, plus la lumière se disperse.

    Ce faisant, les scientifiques ont pu calculer que la masse du milieu circumgalactique de la Voie lactéeVoie lactée, c'est-à-dire le halo de poussière et de gazgaz qui entoure notre Galaxie, est inférieure à 100 milliards de massesmasses solaires, bien moindre que prévu. En combinant cette masse à toute la matière ordinaire du reste de la galaxie, ils estiment que la masse totale de la Voie lactée est inférieure à 60 % de la moyenne des galaxies.

    Vikram Ravi, qui dirige l'équipe scientifique du DSA et qui a présenté ces résultats le 9 janvier lors de la 241e réunion de l'American Astronomical Society, explique que « ces résultats soutiennent fortement les scénarios prédits par les simulations de formation de galaxies où les processus de rétroactionrétroaction expulsent de la matière des halos des galaxies. C'est fondamental pour la formation des galaxies, où la matière est acheminée vers les galaxies et expulsée de celles-ci par cycles ». La matière serait projetée hors des galaxies par divers processus tels que les ventsvents stellaires, les supernovassupernovas et les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs qui accrètent de la matière.

    Vikram Ravi dirige l'équipe scientifique du DSA (<em>Deep Synoptic Array</em>). © Caltech 
    Vikram Ravi dirige l'équipe scientifique du DSA (Deep Synoptic Array). © Caltech 

    La cause des FRB toujours plus mystérieuse

    En plus de trouver moins de matière que prévu dans la Voie lactée, d'autres résultats du DSA ont conduit à de nouvelles questions sur le principal candidat à la cause des sursauts radio rapides. Des découvertes antérieures ont indiqué que les magnétars pourraient être la source de FRB. Par exemple, en 2020, plusieurs télescopestélescopes, dont le STARE2 (Survey for Transient Astronomical Radio Emission 2) de Caltech, ont attrapé un magnétar en flagrant délit alors qu'il lançait un FRB intense dans notre propre Galaxie. Cependant, de nouvelles observations du DSA montrent que les FRB proviennent d'un assortiment diversifié de galaxies, dont des galaxies plus anciennes au sein de riches amas de galaxiesamas de galaxies. Ces résultats suggèrent que, si les FRB sont émis par des magnétarsmagnétars, ils se forment par de multiples voies potentiellement inconnues. Vikram Ravi explique en effet que « les magnétars comme ceux de la Voie lactée se forment lors d'épisodes de formation intense d'étoilesétoiles », donc « trouver des FRB provenant de galaxies qui ont pour la plupart cessé de former des étoiles était surprenant ».

    Actuellement, seules 63 paraboles du DSA sont opérationnelles, mais 110 sont prévues en tout, ce qui promet de nous en apprendre encore plus sur ces sursauts. À plus long terme, un réseau encore plus grand est prévu : DSA-2000, un réseau de 2 000 paraboles radio qui serait alors le radiotélescoperadiotélescope le plus puissant jamais construit. Il devrait permettre de détecter un milliard de nouvelles sources radio, soit 100 fois plus que ce que nous connaissons aujourd'hui, dont 40 000 nouveaux FRB.