En 1989, la sonde Voyager 2 en survolant Neptune pour la première fois dans l'histoire de la noosphère révéla ce qui jusqu'à récemment se dérobait aux télescopes sur le sol terrestre : un analogue de la Grande Tache rouge de Jupiter. La Grande Tache sombre de Neptune est encore plus énigmatique mais elle est désormais à portée des instruments terrestres, ce qui devrait fournir de nouvelles données pour percer ses secrets.


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    La Grande Tache rouge de JupiterJupiter est connue de la noosphère depuis 1665, grâce aux observations de Jean-Dominique CassiniJean-Dominique Cassini, le premier directeur de l'Observatoire de Paris. Elle est étudiée depuis des siècles et même si depuis des décennies au moins on constate que sa taille diminue, sa stabilité est remarquable et on ne sait pas très bien ce qui la cause, même s'il existe un consensus parmi les planétologues sur la nature de la Grande Tache rouge, un analogue des tempêtestempêtes anticycloniques sur Terre.

    Les planétologues sont encore plus perplexes en ce qui concerne La Grande Tache sombre (GTS) de NeptuneNeptune. Elle a été découverte la première fois en 1989 à l'occasion du survolsurvol de la sonde Voyager 2 et c'est pourquoi on l'appelle aussi GDS-89 (GDS pour Great Dark Spot ou GTS en français). Elle a fait par la suite l'objet d'observations menées avec le télescope Hubble, observations qui ont montré qu'elle était instable, apparaissant et disparaissant au cours des années sans que l'on comprenne très bien aussi pourquoi.

    Une première observation depuis le sol terrestre

    Aujourd'hui, un communiqué de l'ESO fait savoir que des astronomesastronomes ayant utilisé les instruments de son Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) ont pour la première fois observé depuis le sol de la Terre la Grande Tache sombre de Neptune, ouvrant la voie à de nouvelles études de cette structure que l'on pense aussi anticyclonique.

    Cette image montre Neptune observée avec l'instrument Muse du <em>Very Large Telescope</em> de l'ESO. À chaque pixel de Neptune, Muse divise la lumière entrante en ses couleurs ou longueurs d'onde constitutives. Cela revient à obtenir des images à des milliers de longueurs d'onde différentes en une seule fois, ce qui fournit une mine d'informations précieuses aux astronomes. Cette image combine toutes les couleurs capturées par Muse en une vue « naturelle » de Neptune, où l'on peut voir une tache sombre en haut à droite. © ESO, P. Irwin et al.
    Cette image montre Neptune observée avec l'instrument Muse du Very Large Telescope de l'ESO. À chaque pixel de Neptune, Muse divise la lumière entrante en ses couleurs ou longueurs d'onde constitutives. Cela revient à obtenir des images à des milliers de longueurs d'onde différentes en une seule fois, ce qui fournit une mine d'informations précieuses aux astronomes. Cette image combine toutes les couleurs capturées par Muse en une vue « naturelle » de Neptune, où l'on peut voir une tache sombre en haut à droite. © ESO, P. Irwin et al.

    Dans le communiqué de l'ESO accompagnant un article publié dans Nature Astronomy Patrick Irwin, professeur à l'université d'Oxford (Royaume-Uni) et ayant mené l'étude aujourd'hui décrite, explique : « Depuis la première découverte d'une tache sombre, je me suis toujours demandé ce qu'étaient ces structures sombres éphémères et insaisissables... Je suis absolument ravi d'avoir pu non seulement détecter pour la première fois une tache sombre depuis le sol, mais aussi d'avoir enregistré pour la première fois un spectre de réflexion d'une telle tache. »

    Il s'agit d'une augmentation stupéfiante de la capacité de l'Humanité à observer le cosmos

    En bonus, son collègue Michael Wong, co-auteur de l'étude et chercheur à l'université de Californie à Berkeley, la fameuse université où Oppenheimer avait fondé l'école de physique théorique moderne aux États-Unis, explique de son côté que « nous avons découvert un type rare de nuagenuage profond et brillant qui n'avait jamais été identifié auparavant, même depuis l'espace ».

    Les données collectées avec le VLT indiquent qu'il s'agit d'un type de nuage totalement nouveau par rapport aux petits nuages de glace de méthane de haute altitude que l'on connaissait auparavant, ce qui fait dire à Michael Wong que pour lui et ses collègues planétologues, « il s'agit d'une augmentation stupéfiante de la capacité de l'Humanité à observer le cosmoscosmos. Au début, nous ne pouvions détecter ces taches qu'en y envoyant un vaisseau spatial, comme Voyager. Ensuite, nous avons acquis la capacité de les distinguer à distance grâce à Hubble. Enfin, la technologie a progressé pour nous permettre de le faire depuis le sol ».


    Grâce au Very Large Telescope (VLT) de l'ESO, des astronomes ont observé une grande tache sombre dans l'atmosphère de Neptune, ainsi qu'une petite tache brillante inattendue à côté. Cette courte vidéo résume leur découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO

    Les multiples visages spectraux de Neptune

    Le travail aujourd'hui publié avait été commencé en 2018 depuis le sol par Irwin et son équipe en réponse à la découverte par le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble de la NasaNasa et l'ESAESA de non plus une, comme du temps de Voyager 2Voyager 2, mais plusieurs taches sombres dans l'atmosphèreatmosphère de Neptune.

    Les données collectées avec l'instrument Muse (Multi Unit Spectroscopic Explorer) du VLT se sont révélées importantes. Il s'agissait de décomposer la lumièrelumière de Neptune dans plusieurs bandes de longueurs d'ondelongueurs d'onde et donc plusieurs bandes de couleurscouleurs.

    Ces bandes ne font pas que donner des informations sur la composition de l'atmosphère de Neptune, elles sondent des couches de profondeurs différentes, ce qui a conduit les planétologues à avancer une nouvelle explication concernant le caractère sombre de la tache étudiée.

    Le communiqué de l'ESO explique ainsi que « Irwin et son équipe ont utilisé les données du VLT de l'ESO pour écarter l'hypothèse selon laquelle les taches sombres seraient causées par une "éclaircie" dans les nuages. Les nouvelles observations indiquent plutôt que ces taches sont probablement le résultat de l'assombrissement de particules dans une couche située sous la principale couche de brumebrume visible, lorsque les glaces et les brumes se mélangent dans l'atmosphère de Neptune ».


    Cette animation montre Neptune observée avec l'instrument Muse du Very Large Telescope de l'ESO. À chaque pixel de Neptune, Muse divise la lumière entrante en ses couleurs ou longueurs d'onde constitutives. Cela revient à obtenir des images à des milliers de longueurs d'onde différentes en une seule fois, ce qui fournit une mine d'informations précieuses aux astronomes. Dans cette animation, nous parcourons toutes ces différentes longueurs d'onde, révélant des structures sombres et brillantes. En se basant sur les longueurs d'onde où ces caractéristiques sont les plus marquées, les astronomes peuvent en déterminer la cause et la profondeur de l'atmosphère de Neptune où elles se trouvent. © ESO/P. Irwin et al./L. Calçada