Malgré le succès de la sonde New Horizons, une mission destinée à ramener sur Terre des échantillons de roches d'un corps céleste de la ceinture de Kuiper relève encore de la Science-fiction. De façon surprenante, il est possible que nous en étudions déjà grâce aux fragments de la météorite du lac Tagish, au Canada.

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    La météorite canadienne du lac Tagish refait parler d'elle. Tombée sur Terre le 18 janvier 2000 sous forme d'une boule de feu exceptionnellement longue et brillante observée par plusieurs témoins, de nombreux fragments en furent retrouvés. Ils ont permis de découvrir qu'elle ne faisait pas partie des chondrites carbonées habituelles mais qu'elle constituait à elle seule une nouvelle sous-classe, datant d'une période très primitive dans l'histoire de la formation du Système solaire. On l'appelle désormais la classe C2 des chondrites.

    Après en avoir analysé quelques échantillons, Christopher Herd, professeur au département des sciences de la Terre et de l'atmosphèreatmosphère de l'Université de l'Alberta, n'avait pas hésité à dire que cette météorite pourrait bien être « la roche la plus importante qui ait jamais été trouvée sur Terre ! ». En effet, sa composition particulière avait le potentiel de nous éclairer sur l'origine de la vie.


    Une vidéo de présentation de la découverte de la météorite du lac Tagish. © Royal Ontario Museum

    Mais un groupe de chercheurs du Southwest Research Institute à Boulder dans le Colorado (USA) vient de publier un article dans The Astronomical Journal qui la présente sous un jour nouveau et tout aussi fascinant. Selon eux, le bloc rocheux d'environ cinq mètres, qui devait peser 200 tonnes, entré dans l'atmosphère de la Terre au-dessus du Canada, sous l'œilœil des satellites américains du Département de la défense, se serait formé dans la ceinture de Kuiper, donc au-delà de NeptuneNeptune. Les éléments orbitaux déduits de sa trajectoire laissaient bien penser qu'il provenait de la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes entre Mars et JupiterJupiter comme beaucoup de météorites trouvées sur Terre. Mais sa composition atypique suggère bel et bien que la matièrematière le constituant s'est formée bien au-delà.

    Des astéroïdes éjectés de la ceinture de Kuiper

    L'explication du paradoxe serait la suivante : les migrations planétaires. On sait que selon le fameux modèle de Nicemodèle de Nice, les planètes géantesplanètes géantes du Système solaire ont migré il y a environ quatre milliards d'années. Une cinquième planète de ce type existait peut-être plus tôt encore et elle aurait donc migré bien au-delà de PlutonPluton, voire aurait été éjectée du Système solaire. Dans tous les cas de figure, les perturbations gravitationnelles résultantes peuvent très bien avoir conduit des corps de la ceinture de Kuiper à se retrouver finalement dans la ceinture d'astéroïdes.

    On pense que c'est précisément l'origine des curieux astéroïdes de type D dans la ceinture principale, avec par exemple (152) Atala et (944) Hidalgo ainsi que celle de la plupart des astéroïdes troyens de Jupiter. La météorite du lac Tagish serait donc probablement un fragment d'un de ces astéroïdes éjecté lors d'une collision dans la ceinture entre Mars et Jupiter.

    Si tel est bien le cas, on reste songeur devant l'opportunité que nous a donnée la Nature d'avoir accès à une partie d'un corps céleste transneptunien, et même à le toucher, alors qu'il a été si difficile de se rendre au voisinage de Pluton pour simplement l'observer de loin avec la sonde New Horizons.