Le cinquième volet de la saga Indiana Jones met en scène le célèbre aventurier dans une nouvelle chasse au trésor, avec pour objectif de retrouver un artefact ancien aux mystérieux pouvoirs, construit par le mathématicien Archimède durant l'Antiquité. Mais le Cadran de la Destinée est-il basé sur un objet réel ? 


au sommaire


    Le célèbre archéologue au Fedora revient sur nos écrans dans une nouvelle aventure depuis le 28 juin dernier. Dans cette nouvelle itération, l'increvable mais vieillissant Indiana Jones se lance à la poursuite du « Cadran de la Destinée », affrontant sur son chemin nazis et agents gouvernementaux particulièrement pugnaces.

    Le long métrage introduit rapidement l'objet de toutes les convoitises : le Cadran d'ArchimèdeArchimède, ou Antikythera. Comme dans tout bon film de la saga, ce cinquième opus d'Indiana Jones prête à cet artefact d'étranges pouvoirs. L'Antikythera est capable de détecter des fissures temporelles permettant de voyager dans le temps grâce à de savants calculs mathématiques. À l'instar de l'Arche d'Alliance et autres coupes du Graal, on pourrait penser que le scénario se base sur une légende. Loin s'en faut, car le Cadran de la Destinée se calque sur une découverte archéologique tangible.

    Voir aussi

    Vieille de 2.000 ans, la machine d'Anticythère dévoile ses secrets aux scientifiques

    L'Antikythera, ou machine d'Anticythère, est un instrument astronomique d'une grande précision capable de suivre le mouvement des plusieurs astres de la voûte céleste, découverte par pur hasard au cours du siècle dernier. Étudié depuis plusieurs décennies, cet assemblage complexe de rouages dissimule un mécanisme bien rodé et extrêmement précis, qui continue à susciter l'admiration des historienshistoriens et hellénistes. 

    Un mécanisme fragmenté

    C'est en 1900, au large des côtes de l'île grecque d'Anticythère, que des plongeurs à la recherche d'éponges de mer découvrent accidentellement une épave au fond de l'eau. Ils ignorent encore qu'ils viennent de découvrir une galère romaine datant d'environ 80 avant J.-C. Le butin semble fabuleux : des bijoux ou encore des statues de marbremarbre et de bronze gisent là depuis presque 2000 ans. Au cours des mois suivants, le gouvernement grec s'accapare le monopole des fouilles sous-marines à proximité d'Anticythère et la majorité des vestiges sont récupérés par l'État.

    Mais une trouvaille plus curieuse que des statues antiques attend les explorateurs, celle d'un mécanisme à engrenage fragmenté en plusieurs dizaines de morceaux. Les pièces de ce qui apparaît être un assemblage sophistiqué s'avèrent fortement corrodées. Les archéologues et historiens ne constatent pleinement la complexité du mécanisme, nommé Machine d'Anticyhère, qu'à partir de 1902. De gros morceaux de métauxmétaux se brisent et permettent d'admirer les rouages de l'instrument, dont l'utilité est encore inconnue.

    Reproduction fonctionnelle de l'Antikythera, d'après une étude publiée en 2021. © Freeth, Higgon <em>and al.</em>
    Reproduction fonctionnelle de l'Antikythera, d'après une étude publiée en 2021. © Freeth, Higgon and al.

    L'Antikythera est composé de 82 pièces distinctes, les chercheurs estimant que seulement un tiers de l'appareil d'origine a survécu à l'épreuve du temps, le mécanisme pouvant être antérieur à 100 avant J.-C. Une étude publiée le 12 mars 2021 dans Scientific Reports explique que la machine est une forme de modélisation du cosmoscosmos tel qu'il était imaginé durant l'Antiquité.

    Pour décrypter l'Antikythera, les scientifiques ont utilisé une technique radiologique appelée tomographietomographie, permettant de restituer le volume d'un objet grâce à des mesures extérieures. Grâce aux rayons-X, plusieurs inscriptions ont été découvertes sur les faces de l'Antikythera, chacune décrivant les mouvements de corps célestes, qui étaient alors connus et documentés par les astronomes de la Grèce antique. Rapidement, la précision des données rapportées sur l'appareil surprend les experts, qui ne manquent pas de qualifier le mécanisme de véritablement « génial ».

    Le premier « ordinateur » de l’histoire ?

    L'Antikythera est un instrument unique en son genre, comparable à la fois à une horloge et à un astrolabe. Le mécanisme fonctionne en se basant sur les théories astronomiques de savants grecs, des savoirs mathématiques dispensés au sein l'Académie de Platon, tout en reprenant des notions d'astronomie babylonienne. Les chercheurs ont réalisé plusieurs reproductions et modélisations 3D de l'Antikythera, selon les informations obtenues avec la tomographie et les rayons-X.

    En utilisant la machine d'Anticythère, celle-ci est capable de calculer avec exactitude le mouvement du SoleilSoleil, de la LuneLune, de VénusVénus ou encore de SaturneSaturne. Si l'étude relayée par Scientific Reports se consacre principalement à l'examen des mouvements de planètes nommées ci-dessus, le mécanisme est capable de déterminer le mouvement des constellationsconstellations et des étoilesétoiles observables, voire même d'éclipseséclipses, tel que le détaille la conclusion de l'étude. Cette machine complexe illustre parfaitement l'importance qu'accordaient les Grecs à l'astronomie.

    Voir aussi

    L'antique mécanisme d'Anticythère prédisait les éclipses... et les JO

    Le mouvement des astres pouvait ainsi aider à déterminer la date d'évènements tels que les Jeux Olympiques, ou avoir une hypothétique influence sur la santé physiquephysique des êtres vivants. L'Antikythera est l'un des premiers exemples de l'histoire de mécanisation des mathématiques et de données scientifiques : on peut vulgairement assimiler cet assemblage de rouages à un ordinateurordinateur antique, bien avant l'émergenceémergence des inférences bayésiennes et autres analyses statistiques.

    Fragment original de la Machine d'Anticythère, telle que retrouvée après 2000 ans sous l'eau. © <em>Wikimedia Commons</em>, Musée National d'Athènes
    Fragment original de la Machine d'Anticythère, telle que retrouvée après 2000 ans sous l'eau. © Wikimedia Commons, Musée National d'Athènes

    Les études menées sur la Machine d'Anticythère ces dernières années ont permis de comprendre substantiellement son utilité, mais son origine reste cependant vaguevague. En 51 avant J.-C., le politicien romain CicéronCicéron indique dans son ouvrage De Republica que deux mécanismes similaires ont été observés jusqu'alors. Le premier aurait été créé par le mathématicienmathématicien Archimède, savant à qui l'on attribue la notion de poussée d'Archimèdepoussée d'Archimède, né en 287 avant J.-C. et mort en 212 avant J.-C. à Syracuse, en Sicile. Un autre Antikythera aurait été construit par un contemporain de Cicéron, Posidonios. Ce dernier, né en 135 avant J.-C., est notamment l'auteur d'ouvrages de physique et de travaux en astronomie.

    Cependant, aucune preuve formelle ne permet d'attester de la parenté de l'Antikythera à l'un des deux savants précédemment mentionnés. Bon nombre de questions continuent d'alimenter les recherches autour de la Machine d'Anticythère, qui n'a sûrement pas fini de révéler tous ses secrets. Malgré son rôle central dans les dernières péripéties d'Indiana Jones, l'instrument n'a pas permis de prévoir ni de trouver de brèches dans l’espace-temps... Pour l'instant.