Le disque de matière autour de la toute jeune étoile 49 Ceti contient bien trop de gaz, 40 millions d'années après sa naissance d'après les observations d'Alma. Un tel résultat questionne les modèles de la formation des planètes qui sont incapables d'en rendre compte.


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    Les théories cosmogoniques visionnaires de Descartes, et surtout Kant et Laplace, de la formation du Système solaire, étaient rudimentaires. Mais, dans la seconde moitié du XXe siècle, les modèles analytiques et numériquesnumériques de la formation des planètes issus de la théorie de l'accrétion construits initialement par des astronomesastronomes, comme le Russe Viktor Safronov et l'États-unien George Wetherill, ont spectaculairement développé les idées de ces pionniers. On peut se faire une idée du chemin parcouru en regardant les explications de grands chercheurs dans le domaine des modèles de la formation des planètes que sont Alessandro Morbidelli et Sean Raymond dans la série de vidéos en bas de cet article. Mais le plus important c'est que les progrès de l'astronomie observationnelle depuis un quart de siècle ont bel et bien confirmé l'existence des disques d'accrétion turbulents, initialement postulés par les théories cosmogoniques multicentenaires autour de jeunes étoiles dans des pouponnières stellaires.

    Toutefois, il est juste de dire que nous ne comprenons pas encore tout dans la cosmogonie des systèmes planétaires même si l'on progresse continuellement comme l'ont montré récemment les travaux sur le rôle des forces électrostatiques dans la formation planétaire. Les observations conduisent aussi parfois à des énigmes comme celle qu'illustrent une découverte et des travaux récents menés avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array, le grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama. Ce radiotélescope géant observant les ondes millimétriques est installé dans le désertdésert d'Atacama dans le nord du Chili ; il est plus connu sous le nom d'Alma.


    Une présentation d'Alma. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    Du gaz qui devrait se dissiper en 10 millions d'années

    Pour comprendre la nature de l'énigme présente dans les observations faites avec Alma, il faut se rappeler que d'après les modèles de formation des planètes, elles commencent à naître dans un disque protoplanétairedisque protoplanétaire riche en gazgaz et en poussière dont la duréedurée de vie est d'environ 10 millions d'années. La raison principale en est que le gaz doit finir par s'évaporer sous l'action du rayonnement ultravioletultraviolet de la jeune étoile au centre du disque, ainsi que sous celui des jeunes soleilssoleils dans la pouponnière d'étoiles de l'amas ouvertamas ouvert, où tous ces astresastres sont nés presque en même temps. Le disque protoplanétaire laisse alors la place à ce qui est appelé un disque de débris où les embryonsembryons de planètes et les planétésimaux continuent à interagir via des collisions, parfois géantes comme celle qui a très probablement été à l'origine de la LuneLune.

    Problème, les observations montrent depuis quelque temps qu'un disque avec un contenu appréciable en gaz, plus précisément en monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO), subsiste plus longtemps que ne l'autorisent les modèles cosmogoniques (parfois jusqu'à 100 millions d'années environ). C'est bien ce que montre justement Alma dans le cas de l'étoile 49 Ceti comme l'expliquent des astronomes dans deux publications sur arXiv.

    L'étoile 49 Ceti est de type A sur la fameuse séquence principaleséquence principale. Elle est 19 fois plus lumineuse que le Soleil intrinsèquement et elle se trouve à environ 186 années-lumièreannées-lumière dans la direction de la constellation de la Baleineconstellation de la Baleine. La découverte troublante aujourd'hui présentée par des chercheurs japonais a commencé par des observations faites avec l'Atacama Submillimeter Telescope Experiment (Aste), un radiotélescope de 10 mètres de diamètre au Chili, exploité par l'Observatoire astronomique national du Japon (NAOJ). L'astrophysicienastrophysicien Aya Higuchi explique dans un communiqué du NAOJ : « Nous avons trouvé du gaz de carbone atomique dans le disque de débris autour de 49 Ceti en utilisant plus de 100 heures d'observations sur le télescopetélescope Aste. Dans le prolongement naturel, nous avons utilisé Alma pour obtenir une vue plus détaillée, ce qui nous a donné la deuxième surprise. Le gaz carboniquegaz carbonique autour de 49 Ceti s'est avéré 10 fois plus abondant que notre estimation précédente. »

    Images en fausses couleurs montrant les observations d'Alma à différentes longueurs d'onde pour un disque de matière autour de l'étoile 49 Ceti. Une image combinée est montrée ci-dessous. La poussière (<em>dust</em>) est indiquée en rouge, la distribution du monoxyde de carbone (CO) est indiquée en vert, et la distribution des atomes de carbone est indiquée en bleu. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Higuchi et al
    Images en fausses couleurs montrant les observations d'Alma à différentes longueurs d'onde pour un disque de matière autour de l'étoile 49 Ceti. Une image combinée est montrée ci-dessous. La poussière (dust) est indiquée en rouge, la distribution du monoxyde de carbone (CO) est indiquée en vert, et la distribution des atomes de carbone est indiquée en bleu. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Higuchi et al

     

     Image composite en fausses couleurs d'Alma montrant ce qui devrait être un disque de débris autour de la jeune étoile 49 Ceti. Comme indiqué précédemment, la répartition de la poussière est indiquée en rouge, la distribution du monoxyde de carbone est indiquée en vert, et la distribution des atomes de carbone est indiquée en bleu. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Higuchi et al.
    Image composite en fausses couleurs d'Alma montrant ce qui devrait être un disque de débris autour de la jeune étoile 49 Ceti. Comme indiqué précédemment, la répartition de la poussière est indiquée en rouge, la distribution du monoxyde de carbone est indiquée en vert, et la distribution des atomes de carbone est indiquée en bleu. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Higuchi et al.

    Beaucoup trop de monoxyde de carbone pour des comètes

    Les mesures sont étonnantes à un autre titre encore car les chercheurs ont mis en évidence un rayonnement associé à un isotopeisotope rare du carbone autour de 49 Ceti, le carbone 13. « La quantité de 13C n'est que de 1 % de 12C, donc la détection de 13C dans le disque de débris était totalement inattendue. Il est clair que le 49 Ceti a une quantité étonnamment élevée de gaz », explique Higuchi.

    C'est la première fois que l'on voit une telle émissionémission du 13C ordinairement noyée dans celle du 12C, ce qui confirme l'idée qu'il y a vraiment, vraiment beaucoup de gaz autour de 49 Ceti, en premier lieu sous forme d'hydrogènehydrogène et en second lieu de monoxyde de carbone (CO).

    On pourrait penser que le carbone sous forme gazeuse détecté pourrait provenir de collisions entre des petits corps célestes, en particulier des comètescomètes, comme l'expliquait justement Futura dans le précédent article ci-dessous.

    Mais selon les chercheurs japonais, la quantité de gaz déterminée maintenant avec Alma nécessiterait une quantité de comète bien trop importante pour être compatible avec les modèles de la formation planétaire. De même, cette quantité de gaz étant comparable à celles mesurées autour d'étoiles beaucoup plus jeunes dans la phase de formation planétaire, il n'y également pas de modèles théoriques pour expliquer pourquoi le gaz aurait pu persister aussi longtemps autour de 49 Ceti.

    Les théoriciens vont donc devoir reconsidérer les modèles de formation des planètes. Visiblement, comme le faisait déjà dire Shakespeare à Hamlet : « Il y a plus de choses au Ciel et sur la Terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie. »


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

     


    Incessantes collisions de comètes autour de l'étoile 49 Ceti

    Article de Jean-Baptiste Feldmann publié le 22/11/2012

    Des chercheurs américains qui étudient depuis une quinzaine d'années un disque de débris autour de l'étoile 49 Ceti de la constellation de la Baleine sont arrivés à une conclusion étonnante : ce disque ne peut exister que s'il est alimenté en permanence par des collisions de comètes entre elles.

    La constellation de la Baleine est principalement connue pour l'une de ses étoiles, Mira, une étoile variable située à 400 années-lumière de la Terre, qu'on observe depuis le XVIe siècle et dont la magnitudemagnitude oscille entre 2 et 10 sur une période supérieure à 300 jours. Une autre étoile, beaucoup plus discrète, occupe pourtant les astronomes depuis de nombreuses années : 49 Ceti. Elle est entourée d'un disque de gaz et de poussière découvert en 1996 par l'équipe du professeur Ben Zuckerman (Université de Californie à Los Angeles), à l'aide du radiotélescope de Pico Veleta conçu par l'Institut de radioastronomie millimétrique (Iram) dans le sud de l'Espagne. Rien de bien extraordinaire jusque-là, puisqu'on connaît déjà de nombreuses jeunes étoiles entourées de disques de débris qui ressemblent à la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper mais qui sont beaucoup plus riches en poussières. L'existence de ces disques pourrait d'ailleurs offrir aux astronomes une nouvelle méthode pour détecter facilement les exoterres.

    De tels disques sont normalement voués à disparaître au bout d'une dizaine de millions d'années sous l'influence de l'effet Poynting-Robertson, le processus par lequel le rayonnement d'une étoile provoque la descente en spirale des particules de poussière dans sa direction. Problème : les astronomes savent avec une quasi-certitude que 49 Ceti est âgée d'au moins 40 millions d'années. Pourquoi son disque se régénère-t-il ?

    Le radiotélescope de 30 m de diamètre de l'Iram, près du Pico Veleta dans le sud de l'Espagne, a permis de découvrir et d'étudier le disque de comètes qui entoure l'étoile 49 Ceti. © Iram
    Le radiotélescope de 30 m de diamètre de l'Iram, près du Pico Veleta dans le sud de l'Espagne, a permis de découvrir et d'étudier le disque de comètes qui entoure l'étoile 49 Ceti. © Iram

    Une ceinture de comètes pour 49 Ceti

    Voilà quelques mois, des astronomes s'étaient penchés sur un disque semblable autour de Fomalhaut, une étoile chaude de type A dont l'âge est estimé entre 100 et 300 millions d'années et qui se situe à 25 années-lumière de la Terre. Grâce aux observations particulièrement pointues menées avec les télescopes spatiaux Hubble et Herschel, ils avaient découvert que ce disque était ensemencé continuellement en petites poussières provenant de la collision entre des comètes au rythme endiablé de 2.000 collisions par jour. Les observations de l'étoile 49 Ceti ont également permis de confirmer qu'elle est entourée d'une ceinture de comètes d'une massemasse équivalente à 400 fois celle de la Terre, à comparer à la ceinture de Kuiper qui équivaut à 0,1 masse terrestre.En mesurant la proportion de monoxyde de carbone présente dans ce disque, Ben Zuckerman est parvenu à des résultats stupéfiants.

    Pour expliquer son aspect actuel, il faut imaginer dans ce disque une concentration très élevée de comètes (elles ne seraient séparées entre elles que de 140.000 km en moyenne) qui entrent en collision toutes les 6 secondes et dégagent le taux de monoxyde de carbone observé. « J'ai été absolument stupéfait lorsque nous avons calculé ce taux de collisions. Imaginez des milliards de comètes de plusieurs kilomètres de diamètre en orbiteorbite autour de 49 Ceti et se télescopant. Ces jeunes comètes contiennent probablement davantage de monoxyde de carbone que les comètes typiques de notre Système solaire. Quand elles entrent en collision, le monoxyde de carbone s'échappe sous forme de gaz ». Le chercheur souhaite maintenant utiliser le radiotélescope Alma pour étudier d'autres disques poussiéreux autour de jeunes étoiles en vue d'y rechercher le monoxyde de carbone dégagé par la collision des comètes.