Grâce à l'association de deux nouveaux algorithmes, dont le premier a permis le traitement de données brutes et le second, la suppression du halo autour de (130) Elektra, la présence d'une troisième lune en orbite a été localisée. C'est avec un puissant système d'optique adaptative que les observations complémentaires ont confirmé qu'Elektra est le premier système d'astéroïdes quadruples jamais détecté du Système solaire.


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    Une troisième lune a été découverte autour de (130) Elektra, imposant astéroïde de la ceinture principale, ce qui en fait le premier système quadruple jamais identifié. Cette nouvelle lune a été détectée dans des données acquises à l'aide du spectro-imageur (IFSIFS) de Sphere (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch instrument), monté sur l'un des quatre télescopes du VLT au Chili.

    Si les performances de cet instrument et de son optique adaptative extrême ne sont plus à démontrer, cette découverte a été rendue possible grâce au développement de deux nouveaux algorithmes. Le premier est un algorithme de réduction des données permettant de passer de la donnée instrumentale brute, difficilement interprétable, à une donnée dite réduite, analysable par les astronomesastronomes. Le deuxième est un algorithme de traitement d'images permettant d'estimer et de retirer le halo très brillant de (130) Elektra dans lequel sont cachées les potentielles lunes.

    L'astéroïde Elektra est le plus intriguant, connu pour avoir non pas une mais deux lunes en orbite (en orange et vert) et désormais, une troisième (orbite bleue) vient d'être localisée plus proche de son astéroïde. © ESO/Berdeu et al., Yang et al.

    Mieux comprendre les mécanismes de formation de ces satellites

    L'étude des astéroïdes multiples permet de mieux comprendre l'origine des astéroïdes. Les images de ces systèmes permettent de déterminer les paramètres orbitaux des satellites à partir desquels nous déduisons des paramètres physiques comme la massemasse de l'astéroïde. Les images permettent également de déduire la forme et la taille de ces objets (pour les plus gros d'entre eux). En combinant leur masse et leur volumevolume, on obtient leur densité qui est peut-être l'information la plus fondamentale pour en comprendre la composition, qui elle-même ramène aux origines du Système solaire.

    De nombreuses questions restent toutefois sans réponse : comment ces satellites se forment-ils exactement ? Pourquoi certains types (compositions) d'astéroïdes ne possèdent-ils pas de satellites ? La formation est-elle liée à la composition ? Ou bien est-ce la stabilité de ces satellites qui est en cause ? Chaque nouvelle lune découverte permet de replacer l'astéroïde autour duquel elle orbiteorbite dans un contexte plus général et d'affiner notre compréhension de ces petits corps.

     Il subsiste de nombreuses incertitudes concernant l'orbite de S3, néanmoins la découverte du premier système quadruple d'astéroïdes est un premier pas vers la compréhension des mécanismes de formation de ces satellites. © ESO / Berdeu et <em>al.</em>
     Il subsiste de nombreuses incertitudes concernant l'orbite de S3, néanmoins la découverte du premier système quadruple d'astéroïdes est un premier pas vers la compréhension des mécanismes de formation de ces satellites. © ESO / Berdeu et al.

    Électre est le premier astéroïde quadruple découvert

    (130) Électre était déjà connu pour être entouré de deux satellites. De nouvelles observations du système ont révélé un troisième compagnon, ce qui en fait l'astéroïde ayant le plus de satellites identifiés à ce jour.

    Article d'Arien Coffinet, publié le 14 novembre 2021

    (130) Électre est un astéroïde orbitant dans la partie externe de la ceinture principale, entre 370 et 566 millions de kilomètres du SoleilSoleil. Il a été découvert le 17 février 1873 par Christian Peters depuis l'observatoire Litchfield de l'Hamilton College, à Clinton, dans l'État de New York (États-Unis).

    Ce petit corps à la forme assez irrégulière, nommé d'après le personnage homonyme de la mythologie grecque, mesure 262 × 205 × 164 kilomètres, ce qui en fait un des plus gros astéroïdes de la ceinture principale. Il a un spectrespectre de type G et donc probablement une composition semblable à celle de Cérès. Des signatures spectrales de composés organiques ont été observées à la surface d'Électre et elle présente des signes d'altération aqueuse.

    Modèle tridimensionnel de (130) Électre, obtenu en utilisant des techniques d'inversion de courbe de lumière. © Institut d'astronomie de l'Université Charles de Prague : Josef Ďurech, Vojtěch Sidorin
    Modèle tridimensionnel de (130) Électre, obtenu en utilisant des techniques d'inversion de courbe de lumière. © Institut d'astronomie de l'Université Charles de Prague : Josef Ďurech, Vojtěch Sidorin

    Un astéroïde déjà connu pour être accompagné

    Plus de 400 planètes mineures (astéroïdes, transneptuniens et autres petits corps non cométaires) sont connues à ce jour pour avoir au moins un satellite.

    Un premier satellite fut découvert autour d'Électre le 15 août 2003 par une équipe d'astronomes dirigée par William J. Merline à l'aide du télescope KeckKeck II de l'observatoire du Mauna Kea à Hawaï. Ce petit compagnon, désigné provisoirement S/2003 (130) 1, est le plus grand et le plus externe d'Électre. Il mesure de l'ordre de six kilomètres et fait le tour de son hôte en 5,3 jours à une distance moyenne de 1.298 kilomètres.

    Un deuxième satellite, S/2014 (130) 1, fut découvert autour d'Électre le 6 décembre 2014 par Bin Yang et ses collaborateurs en utilisant le système d'optique adaptative Sphere sur le télescope Melipal (UT3) du Very Large TelescopeVery Large Telescope à Cerro Paranal, au Chili. Ce troisième membre du système mesure environ deux kilomètres et se trouve à 498 kilomètres d'Électre, autour duquel il orbite en 1,3 jour.

    Des observations dans le proche infrarougeinfrarouge avaient montré que S/2003 (130) 1 et S/2014 (130) 1 présentent un spectre similaire à celui d'Électre. Ces observations soutiennent l'hypothèse que les satellites d'Électre seraient des fragments de l'astéroïde éjectés par une collision.

    Diagramme du système quadruple (130) Électre, vu directement au-dessus de l'axe de rotation du primaire (centre). Les orbites des trois satellites sont colorées en bleu et étiquetées avec leurs désignations provisoires respectives. Le cercle intérieur en pointillé représente la distance d'orbite synchrone autour d'Électre. © Nrco0e ; Hanuš et al. (2017) pour le modèle de forme d'Électre
    Diagramme du système quadruple (130) Électre, vu directement au-dessus de l'axe de rotation du primaire (centre). Les orbites des trois satellites sont colorées en bleu et étiquetées avec leurs désignations provisoires respectives. Le cercle intérieur en pointillé représente la distance d'orbite synchrone autour d'Électre. © Nrco0e ; Hanuš et al. (2017) pour le modèle de forme d'Électre

    Jamais deux sans trois ?

    D'autres observations avec VLT-SPHERE, effectuées entre le 9 et le 31 décembre 2014, viennent de révéler un troisième compagnon d'Électre, auquel n'a pas encore été attribué de désignation officielle (ce devrait normalement être S/2014 (130) 2). Ce nouveau satellite, dont la découverte a été annoncée le 6 novembre 2021 par les astronomes Anthony Berdeu, Maud Langlois et Frédéric Vachier, mesure 1,6 kilomètre de diamètre. Il orbite à 345 kilomètres d'Électre et en fait le tour en 0,7 jour.

    Cette découverte fait d'Électre le premier système astéroïdal quadruple découvert et imagé dans la ceinture principale. Les seuls corps connus pour avoir plus de compagnons sont la planète naineplanète naine Pluton, qui en a cinq, et les quatre planètes géantesplanètes géantes, c'est-à-dire Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, dont on connaît respectivement 79, 82, 27 et 14 satellites.

    Reste-t-il encore d'autres compagnons à découvrir autour d'Électre ? Seules des observations encore plus poussées, et pourquoi pas un jour une sonde spatiale, pourront nous le dire.