Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des astéroïdes. Avec Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, investigateur principal de la mission Hera de l’ESA et co-investigateur de nombreuses missions internationales, nous profitons de cette journée pour faire le point sur quelques missions proches d’un départ à destination d’un de ces petits corps du Système solaire.


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    La Journée internationale des astéroïdes, qui a lieu chaque 30 juin, est une journée mise en place par l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 2016 « afin de commémorer chaque année, au niveau international, l'anniversaire de l'explosion de la Toungouska (Sibérie, Fédération de Russie) survenue le 30 juin 1908 et de sensibiliser la population aux risques d'impact d'astéroïdes ».

    Une mission internationale et inédite de défense planétaire

    La mission Dart de la Nasa, dont le but est d'expérimenter la déviation de l'orbite d'un astéroïde à l'aide d'un projectile artificiel, décollera en novembre 2021. Le satellite doit « percuter l'astéroïde binairebinaire Didymos en septembre 2022 à une vitesse de 6 km/s, identique aux collisions naturelles d'astéroïdes entre eux », nous explique Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, investigateur principal de la mission HeraHera de l'ESA et co-investigateur de nombreuses missions internationales. Le petit satellite Hera de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne arrivera sur ce site quatre ans après l'impact pour mesurer les effets sur l'orbite de l'astéroïde avec une grande précision. Cette mission est aussi la première à réaliser à l'aide d'un radar la « mesure de la structure interne d'un astéroïde, autrement que par déduction comme c'est le cas aujourd'hui ». Et cela a son importance car la « structure interne joue un rôle déterminant dans les réactions de l'astéroïde à l'impact d'un projectile ».

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    Feu vert pour la construction de la mission de défense planétaire Hera

    Hera a aussi pour objectif de « poser un CubesatCubesat à la surface de l'astéroïde ». Cette partie de la mission est au moins « aussi importante que l'impact, car intuitivement, on ne peut pas savoir comment une surface réagit sans la toucher ». Dans le cadre de missions visant à se protéger d'un impact d'astéroïdes, la plupart des « méthodes de déviation nécessitent l'interaction avec la surface ». Sans connaissance détaillée des propriétés de surface, et donc de la réponse à un impact (dans le cas d'une déviation par impact), la réussite de telles missions est incertaine. C'est pour cela qu'il nous faut un « test documenté pour avancer dans notre compréhension de ce processus dans les conditions réelles, comme vont le faire la mission DartDart de la Nasa et Hera de l'ESA, l'une fournissant les conditions de l'impact et l'effectuant, l'autre fournissant le résultat détaillé de l'impact et les propriétés physiques de la cible ».

    Des échantillons de Phobos avant ceux de la Planète rouge

    En 2024, la Jaxa lancera la mission MMX à destination de PhobosPhobos afin de rapporter en 2029 environ 10 grammes d'échantillons de ce satellite de Mars dont l'origine fait encore débat. Phobos et DeimosDeimos pourraient être des objets capturés par Mars ou issus d'un impact géant avec Mars, comme la LuneLune, née d'une collision d'un astéroïde géant avec la Terre. « Ces échantillons devraient nous aider à trancher et déterminer l’origine de Phobos, voire son lieu de formation que l'on suppose dans le Système solaireSystème solaire externe. »

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    Phobos pourrait devenir un poste avancé de l'exploration

    Concept provisoire du rover de la mission japonaise MMX à destination de Phobos, le plus gros des deux satellites de Mars. Ce rover sera réalisé par le Cnes et le DLR. © Cnes
    Concept provisoire du rover de la mission japonaise MMX à destination de Phobos, le plus gros des deux satellites de Mars. Ce rover sera réalisé par le Cnes et le DLR. © Cnes

    Deux instruments français pour la mission MMX

    Cette mission compte deux instruments français : un imageur dans l'infrarougeinfrarouge thermique appelé MIRSMIRS sur la sonde MMX développé par le Cnes et le laboratoire Lesia, et un roverrover développé par le Cnes et le DLRDLR qui sera déployé à proximité du site de la collecte des échantillons. C'est la première fois qu'un engin roulera sur un corps avec une aussi faible gravitégravité. Ce petit rover va évoluer très lentement sur Phobos. « On s'attend à ce qu'il parcourt au mieux jusqu'à 100 mètres en 100 jours, ce qui serait déjà une prouesse. » Il a pour but de fournir des informations cruciales « sur le comportement mécanique de la surface au contact des roues du rover afin de sécuriser l'atterrissage de la sonde et de nourrir les modèles d'évolution de la surface de Phobos ».

    Par ailleurs, il mesurera la composition et les propriétés thermiques du site de récolte, « fournissant ainsi le contexte géologique aux échantillons qui seront récoltés, ce qui est nécessaire à l'interprétation de leurs analyses ». En particulier, il sera équipé de caméras qui observeront le comportement du régolitherégolithe au contact des roues, « permettant notamment de voir si le rover ne s'enfonce pas dans la surface ou si le régolithe colle aux roues, indiquant la présence de cohésion ». Des informations précieuses pour préparer l'atterrissage de la sonde Japonaise. Celle-ci va stationner pendant deux heures le temps de « récupérer environ 10 grammes d'échantillons à une profondeur de deux centimètres, à l'aide d'un carotteur, et quelques grains de surface à l'aide d'un mécanisme fourni par les États-Unis ». Cette manœuvre de collecte a été préférée à la manœuvre moins risquée du « touch and go » afin de « tester des technologies et des scénarios pour atterrir et naviguer à la surface de corps de faible gravité dans la perspective de missions habitées ».

    Le saviez-vous ?

    Lucy est la prochaine mission à destination d'astéroïdes qui sera lancée le 16 octobre 2021. Cette mission de la Nasa est la première mission à destination des Troyens de Jupiter. Ces astéroïdes sont d'un type particulier. Ils pourraient s'être formés dans la ceinture de Kuiper, aux confins du Système solaire avant de migrer à leur position actuelle. Si leur origine se révèle exacte, ils pourraient nous renseigner sur le Système solaire, seulement quelque 10 millions d'années après sa formation.  

    Osiris-Rex ira visiter Apophis

    La sonde de la Nasa Osiris-RexOsiris-Rex, qui revient à destination de la Terre avec des échantillons de l’astéroïde Bennu l'atteindra en septembre 2023. Une fois la capsule lâchée dans l'atmosphèreatmosphère terrestre, « l'équipe scientifique a proposé à la Nasa de lui attribuer un nouvel objectif : l'astéroïde Apophis ».

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    Patrick Michel, de la mission Osiris-Rex, nous décrypte les premières images et données de l'astéroïde Bennu

    L'astéroïde Apophis, qui mesure environ 350 mètres de diamètre, fait régulièrement les gros titres depuis sa découverte en 2004, en raison des risques, faibles mais non nuls, puis finalement écartés de collision avec la Terre à échéance tout de même assez lointaine. « Formidable laboratoire naturel pour observer et comprendre les effets de maréemarée sur un objet passant au plus près de la Terre. » Osiris-Rex ne pourrait arriver que quelques jours après son passage au plus près de la Terre prévu le 13 avril 2029. Notez que si les derniers calculs de trajectoire ont exclu un risque de collision ces 100 prochaines années, les « dernières observations radar d'Apophis ont indiqué qu'il pourrait s'agir d'un astéroïde binaire en contact, c'est-à-dire constitué de deux lobes rocheux liés par la gravité, ce qui pourrait produire des effets intéressants, mais sans risque, lors de son passage près de la Terre » !

    Des projets de satellites sont en cours d'étude pour aller à sa rencontre au moment du passage au plus près de la Terre et de « réaliser des observations en synergiesynergie avec Osiris-Rex de type avant-après afin de voir si les effets de marée induits par la Terre ont perturbé sa surface ».

    Illustration de l'astéroïde Apophis. © ESA
    Illustration de l'astéroïde Apophis. © ESA

    Quant à Hayabusa-2Hayabusa-2, qui a rapporté sur Terre des échantillons de l’astéroïde Ryugu en décembre 2020, elle est « repartie à destination d'un astéroïde de 800 mètres qu'elle atteindra en 2026 pour le survoler ». Il s'agit d'un « astéroïde d'un type spectral dénommé L jamais observé de près ». Suivra un rendez-vous en 2031 avec un objet de seulement 30 mètres qui « tourne sur lui-même en 10 petites minutes ». Avec une telle force centrifugeforce centrifuge, il « sera extrêmement intéressant de voir à quoi il ressemble » !

    La Chine rapportera des échantillons d'un quasi-satellite de la Terre

    La Chine a également une mission de retour d'échantillons à laquelle Patrick Michel pourrait participer. Il s'agit de rejoindre un « astéroïde d'une dizaine de mètres de diamètre classé comme un quasi-satellite de la Terre ». Il récupérera des échantillons de sa surface et devrait ensuite « rejoindre la comètecomète (ou astéroïde actif) 311P/Panstarrs dans la Ceinture principale ». Son lancement est prévu dans la période 2024-2026.

    On citera l'existence de plusieurs programmes financés par la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 (NEOROCKS et NEO-MAPP) qui ont pour but le recensement, le calcul de probabilité de collision, la modélisationmodélisation d'impact et la préparation à des missions d'exploration d'astéroïdes, telles que Hera, avec de nouveaux instruments et outils d'analyse de données.