Une main de bronze découverte en 2021 au nord de l’Espagne avait relancé les passions autour des origines de la langue basque. La publication de l'article d'origine dans une prestigieuse revue souligne l'importance majeure de ce mystérieux objet pour la compréhension d'une des plus vieilles langues du monde.


au sommaire


    Un peu plus d'un an après l'annonce de la découverte d'un mystérieux artefact vascon daté du Ier siècle av. J.C., un article publié dans la prestigieuse revue Antiquity de l'université de Cambridge apporte de nouvelles révélations sur cette main en bronze, qui pourrait renfermer les secrets des origines de la langue basque.

    Retournons d'abord en arrière. Nous voici en 2021, sur le site d'Irulegi, un oppidum situé dans la vallée d'Aranguren, en Navarre (actuel Pays basque), au nord de l'Espagne. Les archéologues n'en reviennent pas. Juste-là, dans l'entrée du bâtiment  6000 daté de l'Âge de fer, dort une main en bronze. Découverte dans une couche stratigraphique, elle n'est jamais sortie de cet endroit, manifestement détruit par le feu.

    Une découverte aux caractéristiques hors-du-commun

    Baptisée « la main d'Irulegi », la trouvaille porteporte quatre lignes d'inscriptions sur son dosdos, faisant d'elle la plus ancienne trace écrite dans la langue des Vascons. La découverte est si inhabituelle qu'il faudra attendre un an avant qu'elle ne soit annoncée. Et pour cause, l'artefact se distingue par les caractéristiques de ses inscriptions, qui combinent deux techniques :

    • le sgraffito : une technique qui consiste à appliquer une couche de matériaumatériau - ici, du bronze - puis une seconde que l'on vient ensuite gratter pour révéler la couche inférieure, créant ainsi un motif ou un dessin.

    • L'utilisation de points poinçonnés autour des signes gravés afin de les mettre en évidence les signes, une méthode inhabituelle et complexe, jusqu'alors non documentée dans les inscriptions paléohispaniques.

    Mais le plus extraordinaire reste encore la nature linguistique des inscriptions, confirmée par ce nouvel article et suggérant une connexion linguistique entre le vasconique et le basque.

    Photographie de la main d'Irulegi et dessin réalisé à partir de la photographie et d'une image scannée. © Cambridge University Press
    Photographie de la main d'Irulegi et dessin réalisé à partir de la photographie et d'une image scannée. © Cambridge University Press

    Les origines du basque enfin éclaircies ?

    Reprenons : les Vascons formaient un peuple de l'âge du fer dans la région des Pyrénées occidentales, où est situé le site d'Irulegi. Les origines de leur dialecte sont encore obscures.

    Mais il est un autre groupe ethnolinguistique aux origines inconnues, que l'on rapproche souvent des Vascons : le peuple Basque, dont la langue est un cas unique, un « isolat », c'est-à-dire qu'on ne peut pas démontrer sa filiation avec d'autres langues parlées aujourd'hui.

    Or, si les inscriptions sur la main d'Irulegi sont, sans nul doute, d'origine vascone, elles présentent également de grandes similitudes avec le basque moderne, ce qui pourrait indiquer une continuité ou une influence linguistique entre Vascons et Basques !

    Photographie aérienne du site de l'Irulegi. En B, la zone de fouilles avec l'emplacement de la main d'Irulegi dans le bâtiment 6 000. © Cambridge University Press
    Photographie aérienne du site de l'Irulegi. En B, la zone de fouilles avec l'emplacement de la main d'Irulegi dans le bâtiment 6 000. © Cambridge University Press

    Pour preuve : le mot « sorioneku », proche du terme basque « zorioneko » qui signifie « bonne fortune ». Une signification cohérente avec l'emplacement de la main - dans l'entrée de la maison - et sa forme, qui suggèrent qu'il aurait pu s'agir d'un porte-bonheur accroché au-dessus de la porte afin de préserver la bonne fortune de ses occupants.

    Une découverte exceptionnelle qui n'a pas fini de livrer tous ses secrets, mais qui pourrait bouleverser ce que l'on sait du peuple basque et de son dialecte, dernier vestige des langues préhistoriques et parlée dans la région bien avant l'arrivée des langues indo-européennes dont sont issus, par exemple, le grec ancien et le latin.