Cette vache basque reconnaît ses congénères en photo

Nous voici dans les montagnes pyrénéennes du Nord de l'Espagne, au cœur d'un pré d'herbe verte et de fleurs sauvages. Nous sommes en plein mois d'août, sous un soleilsoleil de plombplomb, mais à ces altitudes, l'airair est frais et plaisant. À l'ouest, l'Atlantique bat sans relâche de sa langue salée les côtes escarpées du pays basque ; au nord, s'étend la frontière française. Devant nous, un troupeau broute en silence. Même si tu ne les as peut-être jamais croisés en vrai, je parie que tu saurais reconnaître ces animaux entre mille. Ils nous accompagnent depuis la Préhistoire. Leur silhouettes ornent les grottes habitées par nos ancêtres millénaires et leur allure joyeuse égaie les livres pour enfants : nous voici face à un groupe de vaches.

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La Betizu, vache sauvage des Pyrénées

Mais pas n'importe lesquelles ! Ces vaches, qui portent le doux nom de vaches Betizu, font partie des rares vaches au monde à être sauvages et à évoluer librement dans leur milieu naturel. Cela ne semble pas leur déplaire, elles crapahutent sans mal sur les terrains rocailleux ou boisés des Pyrénées. Regarde, leur petite silhouette est fine, agile et musclée. Leur belle robe marron clair brille au soleil tandis que leurs longues et fines cornes leur donnent un air princier. Elles sont parfaitement adaptées à la vie au grand air !

Comme les moutons ou les chèvres, les vaches appartiennent à la famille des ongulés. Elles ont été domestiquées il y a près de 10 000 ans, dans une région connue pour avoir changé le cours de notre histoire, la Mésopotamie. L'ancêtre des vaches actuelles, l'Auroch, de son nom latin Bos Primigenius, peuplait de vastes territoires s'étendant de l'Eurasie au Maghreb. Et c'est au Néolithique - la dernière période de la Préhistoire - en Mésopotamie donc, qu'a eu lieu la domestication des plantes et des animaux, dont celles de l'Auroch. Ancêtre de nos chères vaches actuelles, sa domestication a représenté un véritable défi pour les humains. Jules César lui-même (oui, le célèbre empereur romain) écrivait à son propos : « [Ils sont] un peu au-dessous de la taille de l'éléphant, et ont l'apparence, la couleurcouleur et la forme d'un taureau. Leur force et leur rapidité sont extraordinaires ; ils n'épargnent ni l'Homme ni la bête sauvage qu'ils rencontrent... Même pris très jeunes, ils ne peuvent être rendus familiers aux hommes et apprivoisés. » L'affaire semblait alors bien compliquée. Mais quelques millénaires plus tard, nous voici, en présence de vaches douces et tranquilles.

Une vie sociale riche mais une menace pour l'environnement

Comme nous, humains, la vache est un mammifère, mais elle est totalement herbivore. Regarde, certaines vaches du troupeau mangent goulûment l'herbe des prés, tandis que certaines se prélassent, assises au soleil, en mâchant tranquillement. En fait, elles ruminent. Car la digestiondigestion chez les vaches est un peu particulière. La cellulosecellulose présente dans les végétaux, celle qui donne sa solidité au bois, est très difficile à décomposer pour le corps. Mais grâce à leurs 4 estomacsestomacs, et à un jeu d'allers-retours entre leur bouche et leur système digestif, les vaches y arrivent ! Elles avalent goulument l'herbe, avant de la régurgiter et de la mâcher longuement, puis de la ravaler, pour mieux l'assimiler.  

Tiens, deux vaches se font des léchouilles. C'est pour elles un rituel social très important. Elles nouent des liens à coup de langue, un peu comme les singes lorsqu'ils s'épouillent mutuellement. Et regarde cette mère et son petit veau. Ce dernier semble encore un peu maladroit sur ses pattes, mais bientôt, il gambadera avec aisance aux côtés du reste du troupeau. Les vaches Betizu donnent naissance à un petit tous les deux ans environ, et elles sont très proches de lui. Regarde, il tète encore ! Le lien entre la mère et son petit est très important et permet au veau d'apprendre, de se sociabiliser et lui donnera les clés pour s'adapter aux changements qu'il rencontrera dans sa vie. Dans les premiers instants après sa naissance, la maman vache passe ainsi de nombreuses heures à lécher son petit pour le rassurer, le nettoyer, mais aussi, pour faire connaissance avec lui et lui témoigner son affection !

Prenons un moment pour les observer et apprécier le lien qui les unit. Aujourd'hui, il est rare de pouvoir observer des troupeaux de vaches sauvages, la majorité d'entre elles sont domestiques. Elles vivent dans des fermes ou des élevages et si la région le permet, elles ont la chance de pouvoir se dégourdir les pattes dans de vastes pâturages. D'ailleurs, si nos petites vaches Betizu ont l'air bien inoffensives, en réalité, l'élevage de bovins pose un problème écologique majeur. Tu serais bien en droit de te demander pourquoi. Après tout, elles ne mangent pas d'êtres vivants, ne sont pas invasives ni ne dévorent de plantes rares. En fait, l'un des plus gros soucis qu'elles posent n'est même pas visible à l'œilœil nu, mais si tu ouvres tes narinesnarines ou tes oreilles, tu ne tarderas pas à le remarquer. [Un bruit de pet.] Tiens, tu as entendu ? Eh oui, aussi surprenant que cela puisse paraître, les pets et les rots des vaches ne sont pas terribles pour l'environnement. Ils sont à l'origine d'une émissionémission massive de gaz à effet de serregaz à effet de serre, comme le méthane par exemple, qui une fois relâchés dans l'air, participent au réchauffement de l'atmosphèreatmosphère. Bon, bien sûr, ce n'est pas tout. Leurs excréments, leur transport, ou la déforestationdéforestation liée à leur élevage sont eux aussi à l'origine d'une grande partie des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. C'est pourquoi les scientifiques recommandent aujourd'hui de manger moins de viande et de produits laitiers. En faisant plus attention à notre consommation, nous aurons besoin d'élever moins de vaches, et réduirons ainsi notre impact sur la planète.

Animaux sensibles, intelligents et mélomanes

Mais au fait, ces ruminants ressentent-ils des émotions ? Sont-ils capables d'apprendre ? Autrement dit, sont-ils dotés d'intelligenceintelligence ? Pour le savoir, nous embarquons pour un voyage non pas à la ferme, mais en plein cœur de Paris, la capitale française. Sur place, des chercheurs ont décidé de mener l'enquête pour découvrir si les vaches étaient capables de se reconnaître entre elles en utilisant uniquement leur vision. Pour ce faire, ils ont présenté à 9 vaches normandes les photos d'autres vaches (toutes différentes) ou des photos de poneys. Et ils ont observé (grâce au mouvementmouvement des oreilles, aux reniflements ou aux léchouilles) l'état émotionnel des vaches au moment de découvrir puis d'observer les images. Pour eux, il s'agissait de comprendre si les vaches étaient en mesure de comprendre une image et ce qu'elle représente, car c'est là une capacité cognitive complexe. Durant l'expérience, les vaches ont répondu positivement aux photos des autres vaches, les ont observées et même examinées longuement, démontrant qu'elles reconnaissent leurs congénères, même si elles sont très différentes d'elles. 

Puis, les chercheurs ont voulu savoir si les vaches étaient véritablement capables de faire la différence entre l'image de vache et celle d'un autre animal. Ils ont donc mis en place une expérience classique de récompense. Les vaches ont été placées dans la salle d'expérimentation, face à deux photos : l'une d'une vache, l'autre d'un animal d'une autre espèceespèce. Lorsqu'elles choisissaient la première photo, celle d'une vache, elles étaient récompensées avec une friandise et c'est ainsi que 8 des 9 vaches étudiées ont montré qu'elles étaient capables de reconnaître des membres de leur espèce à tous les coups. Cela signifie donc non seulement que les vaches sont capables de reconnaître leurs congénères en photos, mais aussi qu'elles sont capables de les différencier d'autres animaux, appartenant à d'autres espèces, et donc, de créer des catégories mentales. Un peu comme si, dans leur esprit, elles classaient toutes les images de vaches dans la boîte « copines » et celles des autres animaux dans la boîte « autres ». Cela va même plus loin encore, car certaines des vaches sur les photos étaient très différentes les unes des autres physiquement. Malgré cela, les participantes à l'expérience étaient capables de se concentrer sur leurs ressemblances plutôt que sur leurs différences, pour conclure que même si deux individus ne se ressemblent pas franchement, il appartiennent à la même catégorie. En voilà un résultat vachement surprenant ! 

D'autres études ont démontré que les vaches sont aussi capables de reconnaître leurs congénères grâce à leur odeur ; qu'elles sont dotées d'émotions simples (comme la peur ou la joie) mais aussi d'émotions dites complexes, parce que liées à l'apprentissage, comme le plaisir de résoudre un problème. Leur intelligence ne s'arrête pas là : nos chères vaches ont des goûts musicaux, en fait elles raffolent de la musique classique, qui les détend; elles jouent pour apprendre et apprennent les unes des autres ; elles entretiennent des relations sociales fortes, et sont même dotées de caractéristiques psychologiques stables dans le temps, une façon très scientifique de dire qu'elles ont... une personnalité ! Étonnant non ?