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    Réglementation nationale et internationale sur les OGM

    Réglementation nationale et internationale sur les OGM

    La biovigilance et la biosécurité sont les maîtres mots des réglementations nationales et internationales en termes d'OGM. Parole à Éric Schoonejans du ministère de l'Aménagement de l'écologieécologie et du développement durabledéveloppement durable.

    Biovigilance et biosécurité sont mises en avant par les réglementations internationales. © reneenicoux.fr

    Biovigilance et biosécurité sont mises en avant par les réglementations internationales. © reneenicoux.fr

    Une des principales conditions nécessaires pour garantir une évaluation fondée sur l'excellence scientifique, la pluridisciplinarité et l'indépendance des experts est de séparer les instances de gestion du risque, des instances chargées de l'évaluation. Une des façons de mettre cette séparationséparation en œuvre est de confier l'évaluation à des commissions d'experts de disciplines variées, scientifiquement reconnus, chargées de l'évaluation des organismes génétiquement modifiésorganismes génétiquement modifiés (OGM), au cas par cas, et séparées des structures en charge des décisions et de la gestion des risques.

    Au-delà de ces éléments de consensus déjà existants en matière d'évaluation du risque environnemental des organismes génétiquement modifiés (OGM), il convient de mettre l'accent sur les quatre points suivants :

    • le champ d'application de l'impact environnemental ;
    • une meilleure transparencetransparence des informations et des procédures ;
    • le développement nécessaire de la biovigilance et de la traçabilitétraçabilité des OGM ;
    • la nécessaire cohérence de l'élaboration des normes internationales avec le protocoleprotocole de biosécurité, en particulier vis-à-vis des pays aux capacités en développement.

    Par ailleurs, il importe de mieux étudier, non seulement les conséquences à moyen et à long terme de l'usage en agricultureagriculture des plantes génétiquement modifiées (PGM), mais également d'approfondir l'étude des bénéfices éventuels et des risques potentiels des biotechnologiesbiotechnologies. Il s'agit en particulier de l'analyse des questions de légitimité et d'acceptabilité de ces technologies, de même que l'étude des impacts socio­économiques de l'utilisation ou de la non-utilisation de ces innovations. Le commissariat général du Plan a remis un rapport sur ce thème le 26 septembre 2001.

    Le champ d'application large de l'impact environnemental

    Dans le cadre de l'utilisation globale des biotechnologies, l'environnement doit être considéré au sens large, dans le sens de la Convention sur la diversité biologiqueConvention sur la diversité biologique, et inclure tant l'environnement « naturel » (par opposition à domestiqué ou exploité) que l'environnement agronomique, voire celui des populations locales.

    Il est alors nécessaire de prendre en compte, au delà de l'évaluation classique du risque environnemental (les effets potentiels néfastes sur l'environnement naturel et la santé humaine), l'environnement agronomique et les pratiques agricoles, au niveau des grandes régions et sous-régions, comme au niveau local, dans le cadre de l'évaluation de l'impact environnemental des plantes génétiquement modifiées.

    De tels impacts potentiels - positifs ou négatifs - des OGM sur l'environnement, au sens large, ne peuvent pas être aisément identifiés aujourd'hui, parce qu'ils n'ont pas ou peu été évalués scientifiquement jusqu'à présent. Par exemple, peu d'informations scientifiquement fondées existent sur les impacts tant positifs que négatifs des PGM sur l'environnement au sens large, en comparaison aux équivalents traditionnels et à toutes les autres solutions techniques disponibles.

    En particulier, la question de la coexistence de différents types d'agriculture (OGM, non OGM, agriculture traditionnelle, agriculture biologiqueagriculture biologique, etc.) et le maintien de la liberté de choix des consommateurs, des utilisateurs et de tous les opérateurs en général est une question également centrale pour l'identification des impacts sur l'environnement, compris au sens large.

    Il est aujourd'hui nécessaire d'étudier et d'évaluer les conditions appropriées et durables permettant une coexistence des différents types d'agriculture, ainsi que l'impact potentiel des OGM sur les multiples fonctions de l'agriculture. De même, l'impact positif ou négatif qui découle de l'utilisation des PGM (Plante Génétiquement Modifiée) sur la diversité des espècesespèces cultivées ou sauvages doit être pris en compte.

    Pour cela, une diversification des critères et des méthodes d'évaluation est nécessaire, ainsi que le développement des compétences scientifiques appropriées.

    Aujourd'hui, la production française comprend plusieurs sortes d'agricultures : OGM, non OGM, traditionnelle, biologique... © DR

    Aujourd'hui, la production française comprend plusieurs sortes d'agricultures : OGM, non OGM, traditionnelle, biologique... © DR

    Le développement nécessaire de la biovigilance et de la traçabilité des OGM

    Les méthodes actuelles d'évaluation à priori, telles que les experts eux-mêmes les identifient, sont limitées. Il y a la nécessité de compléter cette évaluation par des dispositifs de surveillance, mais aussi d'élargir la perspective de l'évaluation à des conséquences indirectes et plus globales de l'utilisation des PGM (comme par exemple le bilan des modifications de l'usage des pesticidespesticides).

    Pour cela, il est nécessaire de mettre en place de façon systématique et coordonnée une vigilance durable et globale pour compléter l'évaluation à priori, en particulier pour suivre les aspects environnementaux.
    Cette biovigilance postérieure à la mise sur le marché s'impose pour confirmer l'analyse préalable des risques, y compris pour cerner d'éventuelles incertitudes, et pour identifier d'éventuels effets non intentionnels non prévisibles lors de l'évaluation préalable des risques.

    Elle permet la prise en compte et l'intégration de la dimension plus systémique et globale de l'impact environnemental négatif ou positif, lié par exemple à la culture à très grande échelle des PGM ou de leur association.
    La collecte des informations liées à cette vigilance, à travers des réseaux de surveillance ou d'observatoires nationaux éventuels, pourrait faire l'objet de synthèses nationales, régionales, voire internationales régulières, et sont en tout état de cause indispensables pour faire progresser l'évaluation à priori.

    L'évaluation à priori et la biovigilance doivent se nourrir mutuellement et être liées à la traçabilité documentaire des OGM comme outil indispensable de mise en œuvre.

    En effet, le développement de la traçabilité des OGM est nécessaire afin de pouvoir en assurer efficacement la surveillance, et pour permettre la prise de mesures de gestion du risque proportionnées, voire le retrait du marché, en cas de difficulté ou d'effet néfaste inattendu.

    Enfin, la traçabilité, tout comme la biovigilance, sont des contributions essentielles à la transparence et à la confiance des citoyens et des consommateurs.

    À travers une transmission de documents qui tracent la présence d'OGM tout au long des filières agro-alimentaires, la capacité de connaître si un OGM est présent dans un produit, et si oui, lequel, est indispensable pour le libre choix des consommateurs, et pour tout opérateur économique ou utilisateur d'OGM, afin notamment de pouvoir mettre en place un étiquetage informatif, fiable et effectif pour ces produits.

    La nécessaire cohérence de l'élaboration des normes internationales avec le protocole de biosécurité, et l'évaluation des OGM dans les pays à l'expérience ou aux capacités en développement

    1.) Le cadre international contraignant

    La démultiplication actuelle des pays où sont utilisés les OGM, et les questions globales que les OGM soulèvent, nécessitent l'élaboration de normes internationales et harmonisées, à même de traiter les questions qui dépassent le cadre des juridictions nationales ; or la démultiplication des lieux internationaux où se traitent les questions d'OGM diminue fortement l'impact et le caractère durable des recommandations qui en sont issues ; de plus, cette multiplication n'est pas favorable à une nécessaire cohérence et au suivi efficace des normes, des recommandations et plus généralement des activités en cours.

    À contrario, la spécificité de l'Union européenne a conduit à l'élaboration d'un cadre réglementaire contraignant pour les OGM de plus en plus détaillé au plan communautaire, avec certaines règles nécessitant une transposition nationale, mais aussi de plus en plus de règles d'application directe. Il s'agit d'un acquis que les États membres, tous comme les pays hier candidats, aujourd'hui d'adhésion, doivent intégrer dans leur dispositif national d'encadrement et de mise en œuvre pour les OGM.

    Le traité (protocole de Carthagèneprotocole de Carthagène sur la biosécurité) adopté à Montréal en janvier 2000 est le socle international relatif aux questions d'OGM. Il a pour objectif de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des OGM, et réglemente plus particulièrement les échanges internationaux d'OGM. A ce jour, il s'agit du seul instrument multilatéral qui sera contraignant sans doute très bientôt, et qui traite explicitement d'OGM et de sécurité environnementale.

    En conséquence, les travaux très actifs préparatoires à la mise en œuvre opérationnelle rapide et complète du protocole de biosécurité, dès son entrée en vigueur, et qui ont débuté à Montpellier en décembre 2000, font appel aux contributions de tous les pays et doivent rester le forum international de référence pour les questions de sécurité environnementale des OGM.

    Il doit être recommandé que les travaux futurs en matière d'OGM des organisations internationales (OCDE, Convention internationale des végétaux, FAOFAO, OMC, Convention d'AarhusConvention d'Aarhus, CEE-NU, etc.) soient focalisés, et exclusivement limités à des travaux à même d'apporter une valeur ajoutée, en raison de la spécificité de l'organisation considérée. Il est également nécessaire qu'ils soient en cohérence et en appui mutuel avec ceux du protocole de biosécurité, et qu'ils prennent dûment en compte les dispositions contraignantes du protocole.

    Il faut en particulier recommander que les travaux normatifs techniques, élaborés dans des enceintes appropriées (par exemple des standards d'évaluation environnementale des OGM élaborés au sein de la convention internationale de la Protection des végétaux pour tout ce qui touche aux questions strictement phytosanitaires associées aux OGM) contribuent utilement à la mise en œuvre effective et rapide du protocole, notamment à travers sa base mondiale d'informations sur les OGM (centre d'échanges sur la biosécurité) ou en contribuant aux programmes coordonnés de renforcement des capacités.

    2.) Pays développés et en développement : expériences de différents pays et de régions variées

    Un des facteurs clés de l'exercice d'identification des impacts potentiels sur l'environnement est, en l'état des connaissances actuelles, le niveau d'incertitude scientifique significatif pour certains impacts potentiels, et à plus forte raison s'ils sont différés ou à long terme, ce qui empêche d'établir une liste fermée de ces impacts.

    De plus, aujourd'hui, il n'est pas possible de généraliser les critères d'évaluation, ni la familiarité acquise, alors que 99 % des surfaces de PGM cultivées à l'échelle commerciale dans quelques pays sont constituées seulement de quatre espèces de grande culture (maïsmaïs, sojasoja, coton, colza), et de deux caractères (résistancerésistance aux insectesinsectes et tolérance aux herbicidesherbicides totaux).

    Il y a donc une forte nécessité de meilleures connaissances, tant pour les bénéfices éventuels que pour les risques potentiels, relatives à la diversité de toutes les conditions d'utilisation et à la multiplicité des différents environnements considérés ou possibles, en particulier vis-à-vis des régions tropicales et des pays en développement.

    La connaissance acquise doit aussi être replacée systématiquement dans un cadre d'évaluation au cas par cas, où chaque OGM a ses propres spécificités et où des conclusions générales, voire l'identification d'impacts systémiques, ne peuvent jamais être associés aux OGM en général.

    Les données de base du défi alimentaire mondial - nourrir de manière satisfaisante 9 milliards de personnes en 2050, soit un doublement de la production alimentaire actuelle - sont connues.

    Toutefois, ne convient-il pas de se démarquer de visions parfois avancées qui verraient soit les pays développés nourrir la planète, soit les OGM représenter à eux seuls une solution crédible à ce défi ? Il faut rappeler avec force la nécessité préalable de mettre en place dans tous les pays les conditions sociales, économiques et politiques du développement pour pouvoir ensuite identifier les innovations techniques souhaitables pour accompagner ce développement.

    Ces techniques souhaitables sont potentiellement très variées et peuvent aussi largement faire appel à des techniques plus traditionnelles comme, pour les plantes, les bonnes pratiques agricoles, l'agronomie ou la sociologie rurale.

    Les OGM peuvent faire partie des risques biologiques... © DR

    Les OGM peuvent faire partie des risques biologiques... © DR

    Conclusion

    Aujourd'hui, tant sur le plan européen qu'international, les normes se renforcent et se multiplient pour encadrer ces nouvelles technologies que sont les OGM. Les obligations qui en découlent sont de plus en plus détaillées et contraignantes, et nécessitent des moyens et des capacités sans cesse croissants.

    Il faut y voir une volonté légitime du législateur d'assurer un meilleur niveau de protection de l'environnement et de la santé publique vis-à-vis des OGM.

    Mais il faut aussi y voir la nécessité de prendre en compte le niveau d'acceptabilité de ces innovations pour la société.
    Le risque zéro n'existe pas. Dès lors, après l'étape d'évaluation du risque, lorsque le risque a été cerné par l'évaluateur, quelque minime qu'il soit, et que des mesures de préventionprévention sont proposées pour le circonscrire, s'en suit la décision du gestionnaire du risque et les conditions dont il assortira éventuellement sa mesure.

    Or, l'autorité en charge de la gestion du risque, et qui prendra cette mesure, ne fera que décider du niveau de risque qu'elle considérera comme acceptable pour la société. Dans un contexte de faible niveau d'acceptabilité sociale, le niveau de risque déterminé comme acceptable sera très faible.

    Dans un tel contexte, il est nécessaire que l'encadrement législatif soit rigoureux et exhaustif, afin de permettre une meilleure confiance dans l'évaluation des OGM, et, de là, une meilleure acceptabilité potentielle.

    Il peut être aussi nécessaire d'envisager de compléter les critères d'évaluation par une prise en compte rigoureuse et scientifique, non seulement des risques potentiels, mais aussi des bénéfices éventuels. La détermination du niveau acceptable de risque, pour qu'elle soit cohérente, devrait intégrer ces différents éléments afin de pouvoir juger de la balance pour les citoyens entre les coûts et les bénéfices de la mesure envisagée.

    Afin que le public ait confiance dans ces évaluations, il faut qu'elles soient transparentes et indépendantes, et reconnues comme telles. Il est aussi indispensable de mettre en place les conditions d'accès à une information fiable, exhaustive et reconnue par les consommateurs.

    C'est pourquoi, aujourd'hui en Europe, l'étiquetage et la traçabilité sont au cœur du dispositif d'encadrement législatif des OGM, car cet étiquetage est une condition sine qua non de la confiance à retrouver des consommateurs par l'accès au libre choix qu'ils revendiquent, à juste titre.