A trop se focaliser sur l'existence telle que nous la connaissons, nous risquons de passer à côté de formes de vie étranges qui ne dépendent pas de l'eau ou du métabolisme carboné, explique à Futura-Sciences Jean Schneider, chercheur à l'Observatoire de Paris et au Laboratoire de l'Univers et de ses Théories. Cet astronome est également membre de la Science team de Corot et responsable de l'Encyclopédie des Planètes Extrasolaires, un site Web qui répertorie les exoplanètes découvertes.

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    Pour Jean Schneider, il ne fait guère de doute que « dans les 15 ou 30 ans à venir, ou davantage encore, nous allons avoir de plus en plus de données d'observations sur les exoplanètes ». Parmi ces données, « desquelles pourrons-nous dire, à partir de quels critères et de quels arguments, qu'elles nous signalent la présence d'une forme de vie quelconque » ? Dans un premier temps, ces biosignatures vont être rares, difficiles à recueillir et ambiguës car « les exoplanètesexoplanètes sont très peu lumineuses, difficiles à isoler de leurs étoilesétoiles qui, vues depuis la Terre, sont au moins dix millions de fois plus brillantes ». Mais, à mesure que nos instruments d'observations s'améliorent, les chercheurs vont être confrontés à un problème de taille dans le sens où « les observations sont exprimées avec le vocabulaire de la physiquephysique terrestre ». Autrement dit, comment va-t-on déterminer que ce qu'on observe démontre des signes d'une forme de vie ?

    Ce ne sera pas simple. Des moléculesmolécules à la vie il y a un gouffregouffre. Pour les scientifiques, la réponse habituelle « s'appuie sur l'analogieanalogie ». Par exemple, sur Terre, la seule source d'oxygène atmosphérique est constituée par les végétaux. « On se dit alors que s'il y a de l'oxygène sur une exoplanète c'est qu'il y a quelque chose comme des plantes ». Or, dans l'esprit de tous, les plantes sont vivantes, de sorte « qu'il faut alors se demander ce que signifie l'affirmation "les plantes sont vivantes" ».

    Pour Jean Schneider, la vie « c'est d'abord un mot, chargé de résonancesrésonances affectives. Quand je déclare une chose vivante (un animal, un humain, ...), mon expérience ne consiste pas à en faire une analyse physico-chimique, elle est d'abord spontanée. C'est vivant parce que je perçois un comportement auquel je peux m'identifier en partie et avoir avec la chose des échanges ». Si on suit ce raisonnement, l'analyse chimique vient seulement dans un deuxième temps. Et, point capital, même si elle révèle une chimiechimie complexe, « tant que les susdites relations n'existent pas, il n'y a pas de vie ». La question est analogue à celle du statut du fœtus et de l'embryon. Sont-ils humains ou non ? Et à partir de quand ? La décision de les appeler ou non humains est une décision éthique, purement arbitraire, du législateur. Autre exemple, de façon encore plus élémentaire, chaque fois qu'on analyse un corps salé, il a un comportement chimique résumé par les mots chlorure de sodiumsodium. « Mais le salé c'est une chose, le chlorure de sodium une autre. » Ainsi l'idée de définition de la vie, qui tenterait de l'objectiver, « ne me paraît pas pertinente ». Il est facile de montrer que toutes les définitions chimiques de la vie, par exemple basées sur des mécanismes de régulation, de reproduction et d'adaptation, « s'appliquent aussi à certaines structures du monde non vivant (des cristaux aux galaxiesgalaxies) ».

    Des technosignatures plutôt que des biosignatures

    Il en est de même pour la vie hors du Système solaireSystème solaire. « Elle ne peut être que le résultat d'une constructionconstruction d'un objet imaginaire à partir de rares mesures de télédétection ». Pour déterminer s'il y a de la vie ailleurs dans l'UniversUnivers, la réponse « ne pourra être qu'arbitraire, comme pour l'humanité du fœtus ». Dès que l'on détectera des signes physico-chimiques intéressants, la société et les possibles comités d'éthique exobiologique de l'époque ne « pourront que faire des recommandations arbitraires ».

    La situation serait autre si nous « pouvions percevoir la morphologie et la mobilité de formes de vie par nos sens et avoir des échanges avec elles ». Mais on se heurte alors à une difficulté de la télédétection. Il n'y aura pas assez de photonsphotons... Il faut « un télescopetélescope d'une surface équivalente à 10.000 kilomètres carrés pour recevoir 1 photon par an issu d'un objet de 1 m situé sur une planète à 1 UAUA de l'étoile la plus proche ». Pire, pour distinguer à cette distance un objet de 1 mètre, l'instrument devra être un interféromètreinterféromètre dont la base doit égaler la distance Terre-SoleilSoleil.

    Pour conclure, « il faut redoubler d'efforts pour avoir un maximum de données d'observations, par exemple ce qu'on peut appeler des "technosignatures" », des indices observables d'une activité technique, ce qui sera « parfaitement possible avec de très grands télescopes ».