Grâce à CRISPR, les chercheurs ont trouvé un moyen d’obtenir des portées de souris uniquement mâle ou femelle avec une fiabilité de 100 %. Une avancée qui pourrait épargner des millions d’animaux utilisés dans la recherche scientifique ou dans l’élevage.


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    Dans un monde idéal, les poules n'engendreraient que des poussins femelles, les truies ne porteraient pas de sanglierssangliers et les vachesvaches ne donneraient pas de taureaux. Cela éviterait les images désolantes de poussins mâles noyés à la naissance ou d'animaux euthanasiés car improductifs ou inutiles. Depuis de nombreuses années, les scientifiques s'efforcent donc de trouver un moyen de sélectionner le sexe des embryons avant la naissance, de façon à obtenir des portées d'un seul et même sexe (mâle ou femelle).

    Le plus simple consiste à trier les ovules fécondés et à éliminer ceux du sexe non désiré. Il est également possible de trier le sperme en fonction du chromosome sexuel (voir notre article ci-dessous) ou d'introduire un « gène suicide » sur le chromosome X ou Y, de façon à empêcher le développement de l'embryon du sexe non souhaité. Mais toutes ces techniques ne sont pas très fiables, réduisent drastiquement le taux de féconditétaux de fécondité, et peuvent induire des mutations dangereuses ultérieurement.

    Grâce à CRISPR-Cas9, les chercheurs ont obtenu des portées de souris 100 % mâle ou femelle. Francis Crick Institute
    Grâce à CRISPR-Cas9, les chercheurs ont obtenu des portées de souris 100 % mâle ou femelle. Francis Crick Institute

    Un gène létal introduit par CRISPR-Cas9

    Une équipe du Francis CrickFrancis Crick Institute et de l'université du Kent affirme aujourd'hui avoir trouvé une technique fiable « à 100 % » donnant des portées uniquement mâle ou femelle. Les chercheurs, dont l'étude est publiée dans Nature Communications, se sont appuyés sur la technique d'édition génétique CRISPR-Cas9. Cette dernière repose sur deux parties : d'une part le complexe enzymatiqueenzymatique qui va « découper » le gènegène, de l'autre un « ARNARN guide » qui reconnaît le gène cible et guide l'enzymeenzyme « ciseau » au bon endroit. Les chercheurs ont séparé ces deux parties, en plaçant le gène de l'enzyme sur le chromosome X ou Y du père, de telle sorte que celui-ci ne soit transmis qu'à un seul sexe d'embryon. Ils ont ensuite cherché un mécanisme suffisamment puissant pour éliminer l'intégralité des embryons du sexe non désiré. L'équipe a choisi un gène nommé TopoisoméraseTopoisomérase 1 (TOP1), essentiel à la division cellulaire : une fois désactivé, les embryons sont tués à un stade très précoce (16 à 32 cellules maximum). Le gène ciblant TOP1 a été introduit dans l'ARN guide de la souris femelle, auquel on a rattaché le complexe enzymatique découpant l'ADNADN et provenant du mâle. Ainsi, quand les deux parties de CRISPR-Cas9CRISPR-Cas9 sont réunies lors de la fécondationfécondation, les embryons mâle ou femelle (suivant que le complexe est rattaché à X ou Y) meurent tous prématurément.

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    Des portées donnant davantage d’embryons

    Non seulement cette technique est fiable à 100 %, tuant l'intégralité des embryons du sexe non souhaité, mais elle est aussi beaucoup plus sûre pour la mère, car les embryons meurent avant l'implantation dans l'utérusutérus. La mère a ainsi moins d'embryons à supporter, ce qui rend plus probable que les « bons » embryons se développent correctement. L'autre avantage, c'est que comme ces derniers ont plus de place, on n'observe pas la réduction de taille des portées comme dans les autres méthodes (les portées sont toute de même réduites de 30 % à 40 %). Aucun effet délétère n'a également été constaté chez les souris nées grâce à cette technique.

    Comment fonctionne la technique CRISPR-Cas9 ? © Inserm

    Choisir le sexe de son enfant ?

    Les expériences ont ici été menées chez la souris, mais le gène TOP1 étant présent chez la plupart des mammifèresmammifères, elles pourraient parfaitement s'appliquer à beaucoup d'autres espècesespèces, notent les auteurs. Cela pourrait-il même concerner l'Homme, faisant surgir le risque des parents pouvant choisir le sexe de leur enfant ? Théoriquement oui, mais c'est peu probable. D'abord, le procédé fonctionne mieux avec des espèces qui ont de grandes portées et de courtes gestationsgestations, comme les souris ou les poules. D'autre part, l'approche nécessite des modifications génétiques qui ne sont pas réalisables chez l'Homme, soulignent les auteurs. Pas de risque non plus de voir un gène létallétal s'évader dans la nature, étant donné que le mécanisme ne fonctionne que lorsque les deux parties du complexe enzymatique sont réunies. Au final, cette méthode pourrait éviter l'abattage de millions d’animaux de laboratoire et d'élevage, insiste Charlotte Douglas, autrice principale de l'étude. Une autorisation préalable des autorités sanitaires sera toutefois nécessaire pour la développer à grande échelle dans l'élevage.


    Choisir le sexe de son enfant : une nouvelle méthode pourrait rendre cela possible

    Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche publié le 26/08/2019

    Des chercheurs de l'université d'Hiroshima au Japon viennent de découvrir une nouvelle méthode ultra simple et apparemment très fiable pour trier les spermatozoïdesspermatozoïdes X et Y et ainsi choisir le sexe de l'embryon. Une technique qui pourrait pousser à un déséquilibre démographique dans certains pays où le sexe masculin est valorisé.

    Le chromosome X, presque trois fois plus grand que le chromosome Y, possède aussi beaucoup plus de gènes (3.000 contre 700). Néanmoins, ces différences ne semblaient pas jusqu'ici affecter le comportement du sperme et ne permettaient donc pas de différencier les spermatozoïdes sans procéder à une analyse génétique avancée. C'est pourtant ce à quoi sont parvenus Masayuki Shimada et ses collègues. En effectuant un séquençageséquençage ADN détaillé de sperme de souris, ils ont découvert 492 gènes actifs dans les spermatozoïdes X qui ne sont pas exprimés sur les spermatozoïdes Y. Les chercheurs ont alors recentré leur intérêt sur 18 d'entre eux codant pour des récepteurs situés à la surface du spermatozoïde, avec comme objectif de pouvoir les manipuler depuis l'extérieur.

    Un taux de réussite compris entre 81 % et 91 %

    Ils se sont aperçus que deux récepteurs, nommés Toll-like receptor 7 et 8 (TLR7/8), pouvaient modifier la production d'énergieénergie du sperme X lorsqu'ils se liaient à une moléculemolécule chimique nommée Resiquimod (R848), ce qui ralentit la mobilité du sperme sans affecter ses autres fonctions. Il leur a donc suffi de plonger le sperme de souris dans un bain chimique contenant cette molécule pour « trier » les spermatozoïdes en fonction du chromosome sexuel. En sélectionnant les spermatozoïdes les plus rapides, ils ont obtenu 90 % d'embryons mâles. Les spermatozoïdes ralentis artificiellement donnant eux des embryons femelle à 81 %, d'après les résultats de leur expérience, publiés dans la revue PLOS Biology le 13 août.

    Il existe déjà différentes techniques permettant de trier le sperme. La plus fiable est de passer en revue le code génétiquecode génétique de chaque spermatozoïde. Il est également possible de « colorer » le sperme avec une teinture fluorescente, où les spermatozoïdes Y contenant moins de matériel ADN apparaissent alors moins brillants que les spermatozoïdes X. Ces deux méthodes sont cependant onéreuses et nécessitent du matériel spécialisé. D'autres expériences ont également été tentées comme l'exposition à de fortes températures ou un faible pH, mais avec un risque d'endommager l'ADN du sperme.

    Les chercheurs ont trouvé une méthode pour ralentir artificiellement les spermatozoïdes porteurs de chromosome X. © rost9, Fotolia
    Les chercheurs ont trouvé une méthode pour ralentir artificiellement les spermatozoïdes porteurs de chromosome X. © rost9, Fotolia

    Le diagnostic pré-implantatoire, interdit en France pour les FIV mais autorisé aux États-Unis

    La facilité déconcertante de mise en œuvre de la méthode mise au point par Masayuki Shimada soulève de nombreuses questions éthiques. En France et dans de nombreux pays (Inde, Chine, Australie, Canada...), le diagnostic pré-implantatoire (DPIDPI) permettant de choisir le sexe de son futur enfant est formellement interdit pour les fécondations in vitro (FIV). Mais le principe est tout à fait légal aux États-Unis où les couples fortunés y ont recours. Cette méthode étant très peu coûteuse, on peut craindre qu'elle se répande dans les pays où le sexe masculin est privilégié, comme en Inde ou en Chine, aboutissant à un déséquilibre démographique. Selon un rapport du gouvernement indien publié en 2018, les avortementsavortements sélectifs auraient causé un « manque » de 63 millions de filles dans le pays.

    Une myriade de méthodes naturelles pour choisir le sexe de son enfant

    Masayuki Shimada se défend de tels projets et affirme avoir développé sa technique pour le bétail. « Nous avons testé le tri sur des embryons de veau et de cochon avec succès, assure le chercheur. L'utilisation chez l'Homme est purement spéculative et on ne sait pas du tout si cela pourrait marcher », explique-t-il, reconnaissant toutefois que cela poserait un problème éthique.

    En attendant, les femmes désireuses de choisir le sexe de leur enfant ont à leur disposition une vaste panoplie de méthodes plus ou moins farfelues. L'applicationapplication My Bubelly propose ainsi un régime personnalisé en fonction du sexe souhaité. Le site explique notamment qu'un vaginvagin plus acideacide favorise le passage des spermatozoïdes X tandis qu'un vagin plus alcalin favorise le passage des spermatozoïdes Y. L'appli vend des « box filles » et « box garçons » contenant des compléments alimentaires spéciaux et des tests d'ovulationtests d'ovulation permettant de cibler le bon créneau pour la conception du bébé. Elle avance un taux de réussite de 90 %, même si aucune étude scientifique ne vient soutenir cette méthode.