Le chromosome X a longtemps été considéré comme stable et féminin. Des chercheurs viennent de prouver l’inverse. En comparant ces chromosomes d’Hommes à ceux de souris grâce à une technologie de séquençage performante, ils ont montré que plusieurs gènes différaient entre les deux espèces et qu’ils jouaient un rôle dans la formation du sperme chez les mâles.

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    Les chromosomes contiennent l'information génétique des individus. Selon cette étude, le chromosome X porterait des gènes impliqués dans la formation du sperme. © Université de Colombie-Britannique

    Les chromosomes contiennent l'information génétique des individus. Selon cette étude, le chromosome X porterait des gènes impliqués dans la formation du sperme. © Université de Colombie-Britannique

    Est-ce un mâle ou une femelle ? Derrière cette simple question se cache un processus complexe. Les animaux ont en effet mis en place des stratégies variées pour assurer la différenciation sexuelle et la survie des espècesespèces. Chez les abeilles et les fourmisfourmis par exemple, le nombre de paires de chromosomes détermine le sexe des individus. Cependant, chez la plupart des animaux, des chromosomes spécifiques, appelés chromosomes sexuels, contrôlent l'évolution du sexe des petits. L'environnement peut également influencer le caractère sexuel, comme c'est le cas par exemple chez les tortuestortues et les crocodilescrocodiles pour lesquels la température d'incubation des œufs est primordiale.

    L'Homme et la plupart des mammifèresmammifères présentent deux types de chromosomes sexuels, X et Y. En principe, les mâles en possèdent un de chaque alors que les femelles portent deux chromosomes X. Ainsi, malgré sa petite taille, le chromosome Y assure une fonction essentielle dans le déterminisme sexuel. Il contient en effet le gène SRY (Sex Determining Region Of Y), qui est indispensable au développement des testicules. Des chercheurs du Whitehead Institute aux États-Unis viennent chambouler les idées reçues et montrent que le chromosome X participe également au processus de masculinisation. Cette étude, publiée dans la revue Nature Genetics, met en évidence un rôle inattendu du chromosome X souvent considéré comme le chromosome « femelle ».

    Image d'un caryotype réalisée avec la technique FISH (<em>Fluorescent In-Situ Hybridization</em>) qui permet de colorer les chromosomes en fonction de leur séquence grâce à des sondes fluorescentes. Les humains possèdent 22 paires d'autosomes et une paire de chromosomes sexuels, XX chez les femmes et XY chez les hommes. © Steven M. Carr

    Image d'un caryotype réalisée avec la technique FISH (Fluorescent In-Situ Hybridization) qui permet de colorer les chromosomes en fonction de leur séquence grâce à des sondes fluorescentes. Les humains possèdent 22 paires d'autosomes et une paire de chromosomes sexuels, XX chez les femmes et XY chez les hommes. © Steven M. Carr

    Les auteurs se sont penchés sur le postulatpostulat de Susumu Ohno, un généticiengénéticien américain d'origine japonaise. Au cours de ses observations sur les chromosomes sexuels, ce chercheur s'est aperçu que la taille du chromosome X restait stable chez différentes espèces alors que celle du chromosome Y variait considérablement. Il en a déduit son hypothèse selon laquelle le chromosome X aurait été préservé depuis l'apparition des mammifères alors que le chromosome Y aurait dégénéré pour ne conserver que les gènes nécessaires à la masculinité.

    La double vie du chromosome X

    Pour tester cette théorie, les auteurs ont utilisé une technologie performante de séquençage appelée Single Haplotype Iterative Mapping and Sequencing (SHIMS) mise au point précédemment pour étudier la séquence du chromosome Y. Grâce à cette méthode, ils ont pu préciser la séquence du chromosome X humain et identifier de nouveaux motifs génétiques.

    Les scientifiques ont alors comparé les séquences des chromosomes X d'Hommes et de souris. Ils ont montré que près de 95 % des gènes étaient communs entre les deux espèces, confortant l'idée d'une stabilité du chromosome X. Il reste tout de même environ 340 gènes différents entre la souris et l'Homme, deux mammifères dont les lignées ont divergé d'un ancêtre communancêtre commun il y a 80 millions d'années. Or, ces gènes-là, comme l'ont montré les analyses, sont principalement exprimés dans les cellules à l'origine des gamètes mâles. Ce résultat surprenant suggère ainsi un rôle de ces gènes dans la fabrication du sperme. Leur rôle biologique précis, en revanche, reste un mystère.

    Selon David Page, le directeur de l'équipe de recherche, cette étude pourrait être considérée comme « la double vie du chromosome X ». En effet, jusqu'ici, les scientifiques le considéraient comme un chromosome stable et féminin. Ces découvertes démontrent que le chromosome X peut évoluer et qu'il joue un rôle dans les fonctions reproductrices masculines.