Ils avaient commencé en 2020 leurs recherches en bioingénierie tissulaire dans l'objectif de réparer les vaisseaux sanguins endommagés avec des fils générés à partir de collagène. Ayant testé avec succès leur procédé sur des animaux, des chercheurs de l'Inserm nourrissent désormais de grands espoirs de pouvoir fournir des biomatériaux qui répondraient à de multiples usages, de la simple suture au vaisseau artificiel, et jusqu'au filet biologique.


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    À Bordeaux, des chercheurs ont réussi, à partir de fils de collagène humain, à « tisser » des prothèses qui pourraient à terme remplacer des vaisseaux sanguins endommagés, un espoir pour le traitement de nombreuses maladies.

    Sur une machine à tisser, des fils blancs, ressemblant à ceux qui composent le textile d'un vêtement, s'enroulent autour d'une bobine. Une fois assemblés, ils prendront la forme d'un petit tube transparenttransparent. Nous ne sommes pas dans un atelier de couture, mais au sein de l'unité « Bioingénierie tissulaire » (Inserm/université de Bordeaux). Les fils sont issus de cellules humaines, explique Nicolas L'Heureux, chercheur Inserm, qui dirige le laboratoire BioTis, leader en France dans le domaine de l'ingénierie des tissus osseux et vasculaires.

    Pour les créer, les chercheurs ont cultivé en laboratoire des cellules humaines riches en collagène. Le collagène est une substance produite naturellement par les fibroblastes, des cellules que l'on trouve en abondance dans le corps humain et qui contribuent à soutenir de nombreux tissus et organes.

    Les chercheurs ont réussi à obtenir de fins feuillets de cette matièrematière, ultra-résistante, dans laquelle ils découpent les fils qu'ils vont pouvoir tisser, tricoter, tresser... 

    Un vaisseau en cours de tissage sur un métier circulaire. © Nicolas L'heureux
    Un vaisseau en cours de tissage sur un métier circulaire. © Nicolas L'heureux

    De nouveaux biomatériaux très prometteurs

    À terme, les prothèses fabriquées à partir de ces fils, totalement biologiques, ont vocation à remplacer chez l'humain des vaisseaux sanguins endommagés, espèrent-ils. « Actuellement, en chirurgie, on implante des matériaux en plastiqueplastique ou issus d'origine animale, rappelle Nicolas L'Heureux. Notre pari est de proposer une alternative durable et extrêmement bien tolérée par tous les patients ». En effet, le collagène ne varie pas d'un individu à l'autre, de sorte que ces vaisseaux ne devraient pas être considérés par l'organisme comme des corps étrangers à rejeter.

    Les principaux patients concernés pourraient être ceux atteints d'insuffisance rénale. Traités par hémodialyse, ils voient leurs veines et leurs artères piquées plusieurs fois par semaine, si bien qu'elles finissent par s'abîmer et qu'il faut les remplacer. La nouvelle génération de biomatériaux conçus par les scientifiques du laboratoire BioTis s'avère « extrêmement prometteuse », se réjouit François Roubertie, chirurgien au sein du service des maladies cardio-vasculaires congénitales du CHU de Bordeaux.

    Sur un cœur de brebis, il fait la démonstration d'une suture à l'aide de ces fils : « On a déjà remis bout à bout une carotide de mouton avec ce fil biologique », assure-t-il. Les chercheurs souhaitent aussi que leur matière issue du collagène serve à fabriquer des valves pour soigner une maladie congénitale pédiatrique, appelée « tétralogie de Fallot ». Responsable de malformationsmalformations cardiaques, elle touche 1 % des enfants à la naissance et doit être traitée chirurgicalement.

    Des filets biologiques pour palier le prolapsus

    « Aujourd'hui, les matériaux utilisés lors des opérations sont en matière synthétique, ce qui entraîne des inflammationsinflammations chroniques », explique Fabien Kawecki, chercheur Inserm au laboratoire BioTis. Ils ne sont en outre « pas adaptés à la croissance des enfants, qu'il faut réopérer quelques années plus tard ». Pour le moment, les valvules biologiques créées au laboratoire, et destinées à remplacer les matériaux actuels, ont montré de bons résultats sur des modèles animaux. Il faudra les confirmer sur la duréedurée avant d'envisager des essais sur l'Homme, d'ici cinq à dix ans.

    L'équipe s'intéresse aussi au traitement du prolapsus -- communément appelé « descente d'organes » -- qui touche une femme sur trois. L'idée : tisser des « filets biologiques » à partir des tissus humains créés au laboratoire, qui seraient utilisés pour remonter et maintenir les organes en place.

    Il y a quelques années, l'utilisation de filets synthétiques a entraîné de multiples complications dans le monde et été à l'origine de scandales sanitaires. Ces filets ont été interdits dans de nombreux pays, dont la France. Si bien qu'« aujourd'hui, les médecins n'ont plus beaucoup d'options à proposer aux patientes », relève Diane Potart, chercheuse Inserm au laboratoire BioTis.

    Les scientifiques mettent donc beaucoup d'espoir dans leurs filets biologiques, qui seraient cette fois « tricotés ». « On pense qu'ils seraient le candidat idéal pour traiter la descente d'organes, mais aussi l'incontinence urinaire », avance Diane Potart.


    Des vaisseaux sanguins tissés avec des fils de collagène

    Article de l'Inserm publié le 19 février 2020

    Remplacer les vaisseaux endommagés en créant un « textile humain » à partir de collagène, c'est le pari lancé par une équipe de chercheurs Inserm. Cette idée novatrice, qui devra encore passer plusieurs étapes avant d'être testée chez l'Homme, pourrait répondre aux graves problèmes de santé publique que sont les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde.

    Les maladies cardiovasculaires font plus de 17 millions de morts dans le monde par an, selon les estimations de l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé (OMS)). Et s'il était possible de remplacer les vaisseaux sanguins endommagés des patients par des vaisseaux tout neufs produits en laboratoire ? C'est le pari que s'est lancé le chercheur Inserm Nicolas L'Heureux, dont les travaux portent sur la matrice extracellulairematrice extracellulaire humaine, support structurel des tissus humains, que l'on retrouve autour de pratiquement toutes les cellules du corps.

    Dans une étude publiée dans le journal Acta Biomaterialia, Nicolas L'Heureux et ses collègues de l'unité « Bioingénierie Tissulaire » (Inserm/Université de Bordeaux) décrivent comment ils ont cultivé des cellules humaines en laboratoire, afin d'obtenir des dépôts de matrice extracellulaire riche en collagène, cette protéineprotéine structurale qui compose l'échafaudageéchafaudage mécanique de la matrice extracellulaire humaine. « Nous avons obtenu des feuillets de matrice extracellulaire fins, mais très solidessolides qui peuvent servir de matériel de constructionconstruction pour remplacer les vaisseaux sanguins », explique Nicolas L'Heureux.

     Les feuillets ont été découpés par les chercheurs pour former des fils, un peu comme ceux qui composent le textile d’un vêtement. © Nicolas L'Heureux
     Les feuillets ont été découpés par les chercheurs pour former des fils, un peu comme ceux qui composent le textile d’un vêtement. © Nicolas L'Heureux

    À partir de fils de collagène, de multiples formes deviennent possibles

    Ces feuillets ont ensuite été découpés par les chercheurs pour former des fils, un peu comme ceux qui composent le textile d'un vêtement. « Nous pouvons tisser, tricoter ou tresser les fils que nous avons obtenus pour leur donner de multiples formes. Notre objectif principal est de faire des assemblages avec ces fils qui puissent remplacer les vaisseaux sanguins endommagés », ajoute Nicolas L'Heureux.

    Entièrement composés de matériel biologique, ces vaisseaux sanguins auraient, en outre, l'avantage d'être bien tolérés par tous les patients. En effet, le collagène ne varie pas d'un individu à l'autre, ce qui implique que ces vaisseaux ne devraient pas être considérés par l'organisme comme des corps étrangers à rejeter.

    Les chercheurs veulent désormais affiner leurs techniques de production de ces « textiles humains » avant de passer aux essais animaux, afin de valider cette dernière hypothèse. Si ceux-ci sont concluants, ils pourraient mettre en place des essais cliniquesessais cliniques.