La géothermie profonde est une technique visant à exploiter le potentiel énergétique du sous-sol pour la production de chaleur ou d’électricité. Il s’agit d’une énergie renouvelable et non polluante. Certaines régions en France sont plus propices à de tels projets. C’est le cas de l’Alsace, qui présente des caractéristiques géologiques favorables à l’installation de centrales géothermiques.


au sommaire


    L'intérêt des énergies vertes est de chercher le potentiel énergétique d'une région et d'en tirer profit. Les particularités géologiques de l'Alsace font qu'elle est tout indiquée au développement de la géothermie profonde. 

    Un fort gradient géothermique en Alsace

    La région alsacienne représente sur le plan géologique un ancien fossé d'effondrementeffondrement. Le gradientgradient géothermique, c'est-à-dire l'augmentation de la température avec la profondeur, y est particulièrement élevé. Alors qu'en moyenne, sur le continent, le gradient est de 3 °C tous les 100 mètres, en Alsace il est de 8 à 10 °C tous les 100 mètres ! Il y a donc une anomalieanomalie thermique dans cette région de la France qui engendre un gradient trois fois plus important que la moyenne, faisant de la chaleurchaleur du sous-sol la ressource énergétique valorisable en Alsace.

    Ressources géothermiques en France métropolitaine. © BRGM
    Ressources géothermiques en France métropolitaine. © BRGM

    Le fossé rhénan sur lequel s'étend la région alsacienne est un ancien rift, qui résulte du mouvementmouvement des plaques tectoniques et des contraintes agissant sur la croûte continentale. Ce fossé s'est formé à l'Éocène-OligocèneOligocène (il y a environ 34 millions d'années). À cette époque, l’ouverture de l’Atlantique nord et la convergence nord-sud des plaques européenne et africaine (qui va donner naissance aux Alpes) induisent une déformation dans la croûte continentale en Europe de l'Ouest. Le champ de contrainte provoquée par la collision alpine est accommodé par le jeu de plusieurs grandes faillesfailles normales, d'orientation nord-sud. Dans la région de l'actuelle Alsace, un fossé d'effondrement (grabengraben) se forme progressivement. Dans la partie sud du fossé, la poussée alpine finit par provoquer un bombement qui donnera naissance aux Vosges et à la Forêt-Noire.

    Image vue du ciel du fossé rhénan, d’orientation nord-sud, bordé à l’ouest, le massif des Vosges, à l’est le massif de la Forêt-Noire © Nasa, Wikimédia Commons
    Image vue du ciel du fossé rhénan, d’orientation nord-sud, bordé à l’ouest, le massif des Vosges, à l’est le massif de la Forêt-Noire © Nasa, Wikimédia Commons

    Dans le même temps, la partie située au nord continue à s'effondrer et se fait envahir par la mer. La formation de ce fossé d'effondrement est associée à un amincissement de la croûte continentale. Par réaction isostatique, le manteaumanteau sous-jacent, plus chaud, remonte. Ce phénomène engendre notamment du volcanisme et l'éruption du volcanvolcan du Kaiserstuhl. L'anomalie thermique observée actuellement en Alsace vient donc de cet amincissement crustal et du fait que le manteau est situé à une plus faible profondeur que la moyenne.

    Les principes de la géothermie profonde

    Le but de la géothermie profonde est d'exploiter cette situation géologique particulière en allant puiser la chaleur du sous-sol à grande profondeur, à l'aide de forages pouvant atteindre plus 5.000 mètres de profondeur.

    Il existe trois types de géothermie profonde : la géothermie de type volcanique, qui exploite les fluides chauds circulant au sein de failles dans des zones volcaniques actives, la géothermie HDRHDR (Hot Dry Rock)), qui consiste à l'injection d'eau sous pressionpression pour créer un réseau de fractures artificielles dans lequel l'eau va se réchauffer, et la géothermie EGS (Enhanced Geothermal Systems) qui exploite l'eau chaude circulant dans des milieux déjà naturellement fracturés. L'exploitation de type volcanique est utilisée en Guadeloupe sur le site de Bouillante. En Alsace, c'est la technique EGS qui est utilisée. La France interdit la mise en œuvre de la géothermie HDR (fracturation hydrauliquefracturation hydraulique).

    Principe d’un système géothermique EGS. 1 : réservoir ; 2 : pompes ; 3 : échangeur de chaleur ; 4 : salle des machines ; 5 : puits de production ; 6 : puits d’injection ; 7 : eau chaude envoyée pour le chauffage urbain ; 8 : sédiments poreux ; 9 : puits d’observation ; 10 : socle rocheux fracturé. © Ytrottier, Wikimédia Commons
    Principe d’un système géothermique EGS. 1 : réservoir ; 2 : pompes ; 3 : échangeur de chaleur ; 4 : salle des machines ; 5 : puits de production ; 6 : puits d’injection ; 7 : eau chaude envoyée pour le chauffage urbain ; 8 : sédiments poreux ; 9 : puits d’observation ; 10 : socle rocheux fracturé. © Ytrottier, Wikimédia Commons

    Un projet de géothermie profonde implique donc la réalisation de plusieurs forages à grande profondeur afin d'acheminer le fluide géothermal vers la surface, ce qui représente un défi technologique. Le but est de fonctionner en circuit fermé, avec un fluide chaud maintenu sous pression dans un réseau étanche. Deux puits sont généralement réalisés, permettant d'un côté de pomper le fluide chaud en profondeur et de l'amener vers la surface, où sa haute température (200 °C dans le cas du site pilote de Soultz-sous-Forêts dans le Bas-Rhin) va permettre de faire tourner des turbines générant de l'électricité, ou sera transférée à un réseau de chaleur grâce à un échangeur thermique. Le fluide refroidi à l'issue du procédé est ensuite réinjecté dans le sous-sol grâce au second puits pour qu'il se réchauffe au contact des roches, assurant ainsi la pérennisation de la ressource. Cette boucle permet la génération d'une énergieénergie 100 % renouvelable, non intermittente et continue.

    Un sous-sol naturellement fracturé en Alsace

    Afin de récupérer la chaleur du sous-sol, il est nécessaire que le fluide géothermal puisse circuler librement au sein des roches en profondeur. La loi française interdisant la fracturation hydraulique, les forages alsaciens utilisent des failles préexistantes dans lesquelles l'eau va pouvoir circuler. À cause de son histoire géologique et du développement du fossé d'effondrement, le sous-sol alsacien est d'ailleurs déjà intensément fracturé. Cette technique peut cependant induire des modifications du champ de contrainte sur la faille utilisée et nécessite une bonne connaissance de la géologiegéologie et de la structure du sous-sol afin de limiter les risques de déstabilisation des failles et la génération de séismes.

    Voir aussi

    Découvrez Fil de science, le podcast d'actualités décryptées par les journalistes Futura