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    Le mécanisme amplificateur le plus populaire dans certains milieux est sans doute celui qui met en jeu les rayons cosmiques et les nuagesnuages. Les nuages sont le principal modulateur du rayonnement, ils constituent donc un levier efficace et il paraît en tout cas légitime de chercher une possible amplification dans cette direction. Il y a, en fait, deux questions à se poser. Y a-t-il une relation de causalité entre les variations de la couverture nuageuse et celles du rayonnement cosmique ? La corrélation existe-t-elle vraiment ou est-elle un artefact des observations ?

    Les variations de la couverture nuageuse ont-elle un lien avec celles du rayonnement cosmique ?© Lenalindell20, Pixabay, DP

    Les variations de la couverture nuageuse ont-elle un lien avec celles du rayonnement cosmique ? © Lenalindell20, Pixabay, DP

    Causalité : le processus physique

    Les gouttes et les cristaux des nuages se forment exclusivement par condensation autour de particules préexistantes, les noyaux de condensation (CCN : Cloud Condensation Nuclei ou ICN : Ice Condensation Nuclei).

    Pour qu'il y ait condensation, il faut évidemment qu'il y ait localement saturation, c'est-à-dire que l'humidité relative dépasse 100 %. On parle de sursaturation de 1 ou 2 % quand l'humidité relative atteint 101 ou 102 %. Dans des expériences de laboratoire en atmosphèreatmosphère contrôlée et très propre, pratiquement exempte de particules en suspension, la condensation ne se déclenche que pour des sursaturations très élevées, de l'ordre de 20 ou 30 %. Dans la réalité, l'atmosphère contient toujours un nombre suffisant de particules en suspension et, en pratique, la sursaturation ne dépasse jamais 1 à 2 %.

    D’où viennent ces noyaux de condensation (CCN) ?

    Dans l'atmosphère, la saturation arrive généralement par soulèvement et refroidissement adiabatiqueadiabatique de l'air. Quand cela se produit, c'est autour des particules les plus grosses que la vapeur d'eau se condense [1], on dit qu'elles sont activées. Comme leur surface de contact croît, elles n'en sont que davantage privilégiées, de plus les mouvements de l'air (turbulence ou convexion) les font encore grossir par collision avec d'autres gouttes, on appelle ça la coalescencecoalescence. La croissance des gouttes est limitée par la quantité de vapeur d'eau disponible évidemment et la portanceportance des mouvements ascendants de l'air. Si les gouttes deviennent trop grosses, elles précipitent donc (ie : leur vitessevitesse de chute est supérieure à la vitesse ascendante de l'air).

    Les CCN sont des aérosols

    Comme on vient de le voir, leur efficacité dépend de leur taille, (en pratique les particules plus petites que le dixième de micromètremicromètre sont rarement activées), elle dépend aussi de leur composition chimique. Les aérosols peuvent avoir une origine primaire ou être le résultat d'une transformation gazgaz - particules. Le premier cas correspond aux poussières, cendres ou embruns, le deuxième correspond à la nucléationnucléation et c'est là que les rayons cosmiques sont susceptibles d'intervenir.

    Sur cette image du proche Atlantique, on repère de nombreux panaches de navires. Ces panaches se forment comme les traînées de condensation des avions, c'est-à-dire quand la vapeur d’eau condense autour des particules émises à la sortie des moteurs ou des cheminées d’évacuation. Ces particules sont alors appelées « noyaux de condensation ». Dans le cas présent, il s’agit d’aérosols primaires, c'est-à-dire non transformés, l’agrégation de molécules gazeuses (la nucléation) permet la formation d’aérosols dits secondaires, généralement beaucoup plus petits. Image acquise par Modis (<em>Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer</em>) à bord du satellite météorologique Aqua le 27 janvier 2003. © Nasa

    Sur cette image du proche Atlantique, on repère de nombreux panaches de navires. Ces panaches se forment comme les traînées de condensation des avions, c'est-à-dire quand la vapeur d’eau condense autour des particules émises à la sortie des moteurs ou des cheminées d’évacuation. Ces particules sont alors appelées « noyaux de condensation ». Dans le cas présent, il s’agit d’aérosols primaires, c'est-à-dire non transformés, l’agrégation de molécules gazeuses (la nucléation) permet la formation d’aérosols dits secondaires, généralement beaucoup plus petits. Image acquise par Modis (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer) à bord du satellite météorologique Aqua le 27 janvier 2003. © Nasa

    La nucléation est le processus par lequel des moléculesmolécules de gaz s'assemblent pour former un agrégat d'une dimension de l'ordre du nanomètrenanomètre. Beaucoup de gaz sont beaucoup trop volatiles aux conditions rencontrées dans l'atmosphère pour que cela se produise mais certains gaz s'agrègent relativement facilement, H2SO4 est le plus important d'entre eux, il est très hydrophilehydrophile et les agrégats formés sont de type H2SO4 (H2O)n.

    La force d'attraction entre les molécules est plus forte quand l'une est chargée, les particules ionisées sont donc favorisées dans le processus de condensation. C'est ce processus qui est utilisé dans les chambres à brouillardbrouillard ou chambres de Wilson. Or, les rayons cosmiques étant très énergétiques, dissocient les molécules des gaz de l'atmosphère et provoquent donc la formation d'ionsions.

    En résumé

    1. Les rayons cosmiques provoquent la formation d'ions, ceux-ci favorisent la nucléation, c'est-à-dire la formation d'agrégats, ces agrégats eux-mêmes donnent naissance à des CCN. 
    2. Les agrégats ont des dimensions de l'ordre du nanomètre, les CCN, de l'ordre de 100 nm. Cela signifie qu'entre la phase de la nucléation et celle de l'activation en tant que CCN, la massemasse de ces particules a été multipliée par plus de 100.000. Cela se produit au moyen de la diffusiondiffusion de la vapeur et de la coalescence dans un processus hautement compétitif, la croissance des plus gros se faisant évidemment aux dépens des plus petits. 
    3. Cette compétition implique aussi les aérosolsaérosols d'origine primaire, ceux-ci sont plus gros et sont donc privilégiés. Pour eux, tout dépendra de leur composition chimique. 
    4. Le processus de croissance des agrégats prend typiquement une à deux semaines, pendant ce temps, il peut se passer beaucoup de choses et si l'hypothèse de l'influence des rayons cosmiques sur les nuages a bien une base physiquephysique, le lien est loin d'être direct.

    On peut donc ramener le problème à deux questions centrales

    • Quel est, quantitativement, l'avantage apporté par l'ionisationionisation par les rayons cosmiques dans la nucléation ? 
    • Quelle est l'importance relative du processus de nucléation dans la formation des CCN ?

    Récemment Pierce et Adams ont modélisé la série des processus qui mènent de l'ionisation aux CCN. Ils ont supposé que tous les ions donnaient naissance à des agrégats ce qui est évidemment une limite supérieure. À partir des taux d'ionisation des périodes de forte activité solaire (forte activité => moins de rayons cosmiques => moins d'ions) et des périodes de faible activité, ils ont trouvé des différences de l'ordre de 20 % dans le taux de nucléation mais de seulement 0,05 % dans le nombre de CCN !

    [1] Dans la croissance par diffusion des molécules d'eau, deux processus sont en compétition : l'attraction des molécules et la tension de surface qui croît quand le rayon diminue. Ce sont donc les gouttes les plus grosses qui attirent préférentiellement les molécules de vapeur d'eau.