Le saumon atlantique élevé au Canada est l’un des mets les plus prisés. Pourtant, ce poisson d’élevage est un danger pour l’environnement et pour les saumons roses, espèce sauvage. Les poux de mer, en abondance sur les poissons d’élevage, se transmettent aux saumons sauvages juvéniles, provoquant la mort de plus des trois quarts d’entre eux. Si une étude récente montre que depuis 2009, ce taux a chuté, ce n’est pas rassurant pour autant… 

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    Les saumons d'élevage au Canada ou dans le reste du monde sont 10 fois plus pollués que les poissons sauvages. D'après les recherches, cette pollution provient de la nourriture donnée en quantité industrielle aux saumons d'élevage. Carnivores, les saumons sont rapidement gavés pour les mettre sur le marché le plus vite possible. Pour cela, on leur donne des boulettes riches en protéines et en huile de poissons. Il faut en moyenne 3 kg de cette nourriture pour produire 1 kg de saumon. © Alexandra Morton

    Les saumons d'élevage au Canada ou dans le reste du monde sont 10 fois plus pollués que les poissons sauvages. D'après les recherches, cette pollution provient de la nourriture donnée en quantité industrielle aux saumons d'élevage. Carnivores, les saumons sont rapidement gavés pour les mettre sur le marché le plus vite possible. Pour cela, on leur donne des boulettes riches en protéines et en huile de poissons. Il faut en moyenne 3 kg de cette nourriture pour produire 1 kg de saumon. © Alexandra Morton

    Les problèmes engendrés par l'élevage en pisciculture du saumon atlantique sont nombreux. On évoque souvent l'influence des aquacultures sur l'écologie : les saumons d'élevage sont 10 fois plus pollués que les saumons sauvages et la forte densité de saumon d'élevage génère une pollution des littoraux et océans non négligeable. Un effet de l'aquaculture en massemasse est moins souvent discuté : le développement des poux de mer et l'impressionnant taux de mortalité qu'il provoque. 

    Le pou de mer, un copépode parasite, est depuis longtemps connu par les biologistes. Il infecte en particulier les poissons d’élevage. Dès les années 2000, les fermiers de l'ouest du Canada notamment constataient que ces parasites infectaient les saumons atlantiquessaumons atlantiques adultes d'élevage. À de naturels taux de concentration, les parasites sont bénins. Mais à des taux anormalement élevés, ils deviennent dangereux. Les poux, plus présents, peuvent alors être en contact avec des poissonspoissons juvéniles. Ils induisent un accroissement de la vulnérabilité à d'autres pathogènespathogènes ou de la mortalité. 

    Les poux des piscicultures se propagent aux espècesespèces sauvages dans les eaux environnantes. Dans l'ouest canadien, un saumon rose juvénile, une espèce sauvage, migre une fois par an de la rivière vers l'océan. Sur son passage il peut croiser un certain nombre de piscicultures à forte concentration de poux. Dans l'archipelarchipel de Broughton, situé entre la grande terreterre et la pointe nord de l'île de Vancouver, il existe par exemple plus de 20 piscicultures différentes. Jusqu'en 2009, les parasites tuaient plus de 90 % des juvéniles roses qui migraient vers l'océan. Une étude récente a cependant montré que depuis, dans cette région, la mortalité des saumons roses liée à ces parasites a considérablement chuté.

    Le pou de mer, un crustacé copépode, est un ectoparasite trouvé sur le saumon sauvage et d'élevage en Colombie britannique notamment. Il peut créer des plaies ouvertes sur leur hôte, le saumon. © <em>Department of Wild Salomon</em>

    Le pou de mer, un crustacé copépode, est un ectoparasite trouvé sur le saumon sauvage et d'élevage en Colombie britannique notamment. Il peut créer des plaies ouvertes sur leur hôte, le saumon. © Department of Wild Salomon

    Une équipe de recherche de l'université d’Alberta s'est concentrée ces 10 dernières années sur les piscicultures de l'archipel de Broughton. Les fermiers de cette région ont simplement changé graduellement le timing du traitement antipoux. Antérieurement administré en automneautomne, ils l'ont étendu peu à peu jusqu'en hiverhiver. Les saumons roses, migrant au printemps vers l'océan, ne rencontrèrent ainsi plus autant de parasites. À tel point que selon leurs résultats publiés dans le magazine Ecological Application, ce ne sont plus que 4 % des saumons sauvages qui sont attaqués. 

    D'après la chercheuse Stephanie Peacock, en raison de leur petite taille, les jeunes saumons roses sont très sensibles aux effets du pou du poisson. « Pendant une période de leur cycle de vie, les poux sont libres et vont facilement des enclos piscicoles au chemin de la migration des poissons sauvages » déclare-t-elle. Les chercheurs ont trouvé que le traitement antipoux automnal et hivernal des parasites a considérablement réduit le nombre de poux sur les saumons atlantiques au moment où les juvéniles sauvages sont passés à proximité de la ferme durant leur migration annuelleannuelle de la rivière vers l'océan. 

    Des poux, des PCB, que faut-il faire pour sauver les saumons ? 

    Malgré l'effet positif de ce traitement, des inquiétudes subsistent. « L'effet écologique des produits chimiques du traitement est inconnu. Les poux ont de plus développé une certaine résistancerésistance au traitement dans d'autres régions » explique encore Stephanie Peacock. Comme tout médicament, une mauvaise utilisation ou une utilisation à long terme du traitement fait encourir la résistance dans les populations de poux

    En Europe, la résistance des poux de mer au traitement s'est déjà observée. Il apparaît désormais que c'est le cas dans l'est du Canada et dans les fermes, sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Alexandra Morton témoigne : « Les poux de mer, en densité extrêmement forte sur le site d'engraissement de saumon de New Brunswick, sont devenus résistants au traitement antipoux ». Elle ajoute : « Une rotation stratégique des produits thérapeutiques de médicaments et la mise en jachère pour les poux de mer sont nécessaires pour maintenir l'efficacité des médicaments et le contrôle des populations de poux ».