Une nouvelle étude démontre les dangers que font peser sur les populations sauvages les élevages de saumons. Celle-là est quantitative et concerne plusieurs pays. Les résultats sont cette fois très nets : les effectifs sauvages se réduisent de moitié au contact des fermes piscicoles.

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    Un Saumon Atlantique sauvage. © United States Fish and Wildlife Service

    Un Saumon Atlantique sauvage. © United States Fish and Wildlife Service

    Elevages contre populations naturelles : à ce jeu, les secondes sont perdantes, du moins chez les saumons. Les causes sont connues. L'une d'elles est le croisement avec des animaux échappés des cages. Mais la principale est l'infection des saumons naturels qui reviennent frayer dans les rivières et rencontrent, à leurs embouchures, les cages flottantes des fermes d'élevages. De plus en plus nombreuses, les piscicultures occupent désormais de vastes surfaces en Europe du nord et au Canada. Les densités d'animaux vivant dans ces cages facilitent la prolifération de nombreux parasites, qui se propagent loin de la ferme et touchent les poissons sauvages passant dans les parages. Le phénomène est connu depuis plusieurs années et de nombreuses études avaient montré la réalité de l'impact mais toujours à une échelle locale. L'effet global, lui, restait incertain.

    En décembre 2007, une équipe canadienne de la Dalhousie University (Halifax, Canada), comprenant notamment Jennifer Ford, avait déjà fait avancé le débat. Ces chercheurs avaient consulté les statistiques fédérales sur les populations sauvages de cinq espècesespèces de salmonidés (dont le saumon Atlantiquesaumon Atlantique et la truitetruite de mer) venant remonter les rivières. Parallèlement, l'étude sur le terrain analysait l'étendue du parasitisme dans ces populations, chez les larveslarves et chez les adultes, tout le long de leurs migrations, entre l'embouchure de la rivière et l'océan. Les résultats, publiés dans la revue Science, montraient que les saumons sauvages étaient fréquemment infectés par le pou du poisson, un parasite tristement célèbre dans les piscicultures.

    Jennifer Ford, de la <em> Dalhousie University</em>, étudie ce sujet depuis plusieurs années. Crédit Nick Pearce

    Jennifer Ford, de la  Dalhousie University, étudie ce sujet depuis plusieurs années. Crédit Nick Pearce

    Un effet global

    La même Jennifer Ford, avec Ransom Myers (un ichtyologiste de l'Ecology Action Centre, décédé en mars 2007 après la fin de l'étude), vient de publier dans la revue PloS Biology de nouveaux résultats, encore plus nets. Cette fois, l'étude concerne trois pays, l'Ecosse, l'Irlande et le Canada (trois régions). Les biologistes ont comparé l'évolution des effectifs de plusieurs populations sauvages, fréquentant les abords de piscicultures ou ne s'en approchant jamais. La comparaison a porté sur des paires de populations de la même région et a fait appel à un modèle mathématique développé par les auteurs.

    L'étude met en évidence un impact fort des élevages sur les populations de poissons sauvages. Par rapport à des populations sans contact avec les piscicultures, le taux de survie des animaux (le taux de retour à la rivière) diminue de plus de 50 %. Dans les zones des plus grands élevages, ce taux de survie serait plus faible de 73 %.

    L'effet des fermes d'élevages n'est donc pas local mais global. A terme, les populations sauvages de saumons sont réellement menacées, expliquent les chercheurs, d'autant que l'aquacultureaquaculture progresse toujours. Mais Jennifer Ford pense qu'il existe une solution simple : éloigner les fermes des embouchures des rivières, c'est-à-dire des migrations des saumons.