Les déplacements des cinq cents requins gris de récif ont été étudiés en fonction des courants. Une étude démontre que, pour réduire leurs efforts de nage, ces prédateurs cherchent les courants ascendants en journée… Plongée au cœur de la passe de Fakarava, en Polynésie française.


au sommaire


    L'environnement marin est dynamique, parcouru de courants dont le sens et la force varient au cours de cycles journaliers et des marées. Les dépenses énergétiques des animaux marins sont donc modifiées continuellement en fonction de ces courants, s'ils facilitent ou gênent le sens de nage par exemple. Sur terre, il est établi que des courants ascendants d'airair chaud sont utilisés par les oiseaux pour réduire leurs efforts au cours du vol. En mer, les courants qui se heurtent à des pentes de canyons sous-marins peuvent aussi générer des courants ascendants susceptibles d'être utilisés par les animaux marins comme moyen de transport pour limiter leurs dépenses énergétiques.

    La passe de Fakarava, en Polynésie française, est le lieu de résidence de près de cinq cents requins gris de récif, qui s'y concentrent notamment lors de la saison de reproduction des mérous. Cette passe mesure environ 1 kilomètre de long, 200 mètres de large et a une profondeur maximale de 30 mètres. Une équipe de chercheurs et photographes a étudié le comportement de ces requins dans la passe de Fakarava afin de déterminer s'ils utilisent les courants ascendants lors de leur maintien dans la colonne d'eau.

    Dans leur étude publiée dans Journal of Animal Ecology, les auteurs ont enregistré les déplacements de 38 requins sous forme de coordonnées et de vitessesvitesses et ont également plongé avec eux afin de suivre la position des individus au sein du groupe et la fréquence des battements de leur nageoire caudale. Les résultats de cette étude montrent que les requins de la passe de Fakarava se regroupent au niveau des courants ascendants durant la journée, sûrement pour contrebalancer l'effet de la gravitégravité. En effet, contrairement à de nombreuses espèces de poissons osseux, les requins n'ont pas de vessievessie natatoire et ont une flottabilitéflottabilité négative, ce qui signifie qu'ils ont tendance à couler lorsqu'ils ne nagent.

    Probabilité de présence des requins dans la passe de Fakarava (vue aérienne) au cours des marées montantes (à gauche) et descendantes (à droite). © Papastamatiou et <em>al.</em>, 2021
    Probabilité de présence des requins dans la passe de Fakarava (vue aérienne) au cours des marées montantes (à gauche) et descendantes (à droite). © Papastamatiou et al., 2021

    La sieste des requins ?

    À la différence des oiseaux qui utilisent les courants ascendants pour optimiser leur comportement de chasse, les requins de la passe de Fakarava se placent au niveau des courants ascendants en journée, lorsqu'ils ne chassent pas. Les auteurs ont en revanche observé que les requins dans ces courants ascendants agitaient peu leur nageoire caudale par rapport à ceux qui se trouvaient plus loin. Ils suggèrent donc que, lorsque les requins surfent sur les courants ascendants, ils peuvent économiser jusqu'à 15 % d'énergieénergie.

    Les requins gris de récif, à l'image de nombreuses autres espèces de requins, doivent en effet nager en permanence afin d'oxygéner leurs branchies et ne peuvent donc jamais totalement s'immobiliser pour se reposer. L'organisation spatiale et la survie des requins ainsi que celle d'autres grands prédateurs marins pourrait donc être étroitement liée aux courants, dont les caractéristiques dépendent du climat et de la topographie qui sont actuellement influencés par les activités humaines.