Gaïa est généralement présentée comme une analogie vague entre la Terre et un organisme vivant. Ce terme hybride, né dans les années 1970, a été fortement discrédité par la communauté scientifique, notamment pour son ésotérisme New Age. Malgré cela, il irrigue encore les pensées écologiques contemporaines, preuve que son héritage ne se limite pas aux sciences du système Terre, et que cette théorie a durablement influencé nos manières de voir ce qui nous entoure.


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    « L’hypothèse Gaïa » est née en 1974, fruit de la réflexion conjointe du chimiste anglais James Lovelock et de la microbiologiste américaine Lynn Margulis. Selon eux, la vie sur Terre serait rendue possible par une communauté d'organismes autorégulatrice formant un système autonome. 

    Une homéostasie nommée Gaïa

    Tout a commencé dans les années 1960, avec l'exploration spatiale et la découverte que l'unique forme de vie dans le Système solaireSystème solaire se trouve sur la planète Terre. De ce constat découle les débuts de la pensée de James Lovelock, expliquée par Sébastien Dutreuil, chargé de recherche au CNRS en histoire des sciences : « la vie semble avoir une influence massive sur son environnement géologique, resté stable depuis plus de 3 milliards d'années en dépit de perturbations externes ». En d'autres termes, selon Lovelock, si la planète peut rester en homéostasiehoméostasie, ce n'est pas dû au hasard : c'est le signe que la biosphère a la capacité d'ajuster elle-même son environnement dans le but de préserver la possibilité de la vie sur Terre.

    Lovelock émet donc l'hypothèse suivante : ce sont les vivants eux-mêmes qui construisent et maintiennent l'habitabilité de la Terre. Le système Terre est alors comparé à un organisme capable de s'autoréguler - à la manière des êtres vivants le constituant -, et poétiquement nommé « Gaïa », en référence à la déesse qui incarne la Terre dans la mythologie grecque. Suggéré par William Golding, auteur de Sa Majesté des mouches et prix Nobel de littérature en 1983, cette appellation n'est peut-être pas pour rien dans la déviation ésotérique à laquelle est destinée l'hypothèse de Lovelock.

    L'hypothèse selon laquelle l'habitabilité est en permanence construite, en permanence maintenue par l'activité des vivants, a été très critiquée par la communauté scientifique pendant les année 1980. © Shelbys, Adobe Stock
    L'hypothèse selon laquelle l'habitabilité est en permanence construite, en permanence maintenue par l'activité des vivants, a été très critiquée par la communauté scientifique pendant les année 1980. © Shelbys, Adobe Stock

    Années 1980 : l’évolutionnisme entre en jeu

    Bien que cette hypothèse soit renforcée par un ensemble de réflexions sur les pollutions environnementales qui émergentémergent dans les années 1980, sources d'exemples concrets sur les interactions complexes entre les vivants et le système climatique terrestre, elle se heurte à une partie de la communauté scientifique. On peut citer la découverte du sulfure de diméthylesulfure de diméthyle, émis par les algues et le phytoplancton, ayant à la fois un rôle biogéochimique dans le cycle du soufresoufre et un rôle climatique dans la formation des nuages, qui montre que la composition de l'atmosphèreatmosphère est constamment soumise à l'influence des êtres vivants.

    Voir aussi

    Comment la vie marine peut créer des nuages et refroidir le climat

    Mais cela ne suffit pas : l'hypothèse est vivement critiquée par des biologistes, comme le célèbre généticiengénéticien Richard Dawkins, lui reprochant de laisser entendre que la Terre, ne se reproduisant pas et ne pouvant dès lors être soumise au processus de sélection naturellesélection naturelle, ne peut être comparée à un organisme. Une critique confortée par le fait que l'hypothèse Gaïa est parfois reprise par un ésotérisme en lien aux mouvementsmouvements New Age, à la frontière entre une science rigoureuse et une vulgarisation floue. Cependant, la controverse est menée par des biologistes de l'évolution, alors que Lovelock et Margulis « envisageaient une contribution au sein des sciences de la Terre, et non au sein de la biologie de l'évolution ».

    Un objet de réflexion face à la crise climatique

    Aujourd'hui encore, des philosophes aux orientations très variées s'emparent de Gaïa dans leurs discussions sur l'anthropocène - l'idée selon laquelle nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique, marquée par l'influence de l'activité humaine. Selon le philosophe des sciences Bruno Latour, auteur de Face à GaiaGaia : « l'ampleur de la crise qu'on traverse implique un changement de cosmologiecosmologie, sur les plans philosophiques, culturels et politiques, que Gaïa incarne déjà en changeant notre rapport au monde ».

    En effet, que penser de cette théorie sur une Terre dont l'habitabilité est maintenue par des vivants mettant eux-mêmes en péril cette habitabilité ? Gaïa, c'est à la fois une proposition scientifique et une philosophie de la nature.