À la suite de la dramatique catastrophe qui a touché la Turquie et la Syrie se repose la question de la prévision des séismes. Cela fait en effet des années que les scientifiques alertent sur le risque de puissant séisme dans cette région. Pourtant, il était impossible de savoir exactement quand cela allait se produire.
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Tous les spécialistes de la question le disent : le séisme meurtrier, qui a frappé la Turquie et la Syrie, il y a désormais un mois était prévisible. Mais si les scientifiques savaient qu'un séisme de magnitudemagnitude supérieure à 7 allait se produire à court ou moyen terme sur la terminaison ouest de la faille est-anatolienne, la question du « quand ? » est toujours restée sans réponse. Ce n'est pas faute d'avoir tenté depuis maintenant plusieurs décennies, de trouver une solution au problème de la prévision des tremblements de terretremblements de terre.
Car si les scientifiques savent identifier les failles les plus à risque de produire de forts séismes dans un avenir proche, c'est une tout autre chose que de savoir quand la catastrophe se produira exactement. Mais pourquoi ce verrouverrou ?
Sismicité historique : il faut y avoir accès !
Pour comprendre, il faut tout d'abord savoir comment les chercheurs parviennent à évaluer le risque de rupture sur une faille. Tout repose, essentiellement, sur l’étude de la sismicité historique. Chaque faille a en effet la capacité d'emmagasiner une certaine quantité de déformation, en lien avec les pressionspressions tectoniques appliquées dans la région. Au-delà d’un seuil critique, elle rompt, produisant un séisme, afin de relâcher la tension accumulée dans les roches. On observe alors une certaine cyclicité au cours du temps, qui correspond à ces phases de charge et de décharge.
C'est ce que l'on appelle le cycle sismique. Chaque faille, ou segment de faille, possède un cycle sismique dont la duréedurée lui est propre et dépend du contexte géologique et tectonique. Il est possible d'obtenir la durée de ce cycle par l'étude des anciens séismes, qui ont laissé une trace soit dans les séries géologiques, soit dans les archives historiques. Chaque événement est ainsi daté, sa magnitude estimée d'après les observations de terrain ou les dégâts rapportés dans les écrits historiques. Dans l'idéal, il serait ainsi possible d'obtenir une date approximative du prochain séisme. Autant dire tout de suite que tout n'est pas si simple.
On entrevoit déjà plusieurs limitations aux études paléosismologiques. La première est que nous ne pouvons généralement par remonter très loin dans le temps : quelques siècles, un ou deux millénaires, guère plus. Sur le terrain, les événements n'ont également pas forcément été bien enregistrés et les études, souvent très localisées, ne permettent pas d'avoir un aperçu global des événements passés. Sans compter le fait que toutes les failles ne sont pas étudiées avec la même intensité. La connaissance du cycle sismique d'une faille, qui s'étage généralement entre 10 et 1000 ans, peut donc s'avérer très parcellaire.
La complexité des transferts de contraintes
Deuxième point : si la durée du cycle sismique peut permettre d'avoir une idée de la fréquence à laquelle surviennent les séismes, il apparait que les événements ne sont pas nécessairement réguliers. Car une faille est rarement isolée. Elle fait au contraire partie de réseaux parfois très importants. Il y a donc des connexions entre les failles, et des interactions. Lorsqu'une faille rompt, cela va modifier le champ de contrainte environnant. La contrainte peut alors se transférer sur une faille connectée ou proche, pouvant accélérer dramatiquement sa rupture. On parle de transfert de contrainte.
Il existe certains modèles cependant qui permettent de décrire ces transferts de contraintes et d'estimer le risque de nouvelle rupture à la suite d'un séisme proche. Ils ne peuvent cependant s'appliquer qu'à des failles dont la sismicité historique est bien documentée et restent imprécis du fait des nombreuses inconnues qui demeurent, notamment sur la géométrie des plans de failles, la circulation des fluides, la présence d'aspérités... L'ensemble de ces paramètres fait que chaque séisme est unique et difficile à prévoir avec précision.
Quid des signes précurseurs ?
Certaines études font cependant référence à des signes précurseurs qui surviennent dans les minutes avant un tremblement de terre. Augmentation de la quantité de radonradon dans l'eau, signal électromagnétique, comportement des animaux... S'ils peuvent survenir lors d'un séisme particulier, aucun n'a passé les tests statistiques. Impossible, donc, de compter dessus.
Si l'idée d'une prévision précise restera donc certainement toujours du domaine de la science-fiction, il reste les mesures de prévention : protection et information des populations, mise en place de normes de constructionsconstructions adaptées, systèmes d'alerte précoce. Cette dernière mesure, qui vise à détecter le plus rapidement possible la survenue d'un tremblement de terre, peut donner aux populations quelques précieuses secondes ou minutes pour évacuer les bâtiments ou stopper les trains. C'est actuellement là-dessus que s'axent de nombreuses études.
Mieux prévoir les tremblements de terre, c'est possible
Les séismes font des milliers de morts chaque année. Malheureusement, il n'est toujours pas possible de les prévoir. Une équipe américaine propose un outil de simulation permettant de mieux comprendre la tectonique des plaques et donc d'établir des prévisions sur la survenue de tremblements de terre. Cet outil est valable sur du long terme, mais c'est déjà un mieux...
Article de Quentin MauguitQuentin Mauguit publié le 22 février 2012
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La Terre est composée d'une enveloppe externe rigide, la lithosphère. Cette couche est divisée en un certain nombre de plaques tectoniques animées de mouvementsmouvements. Elles peuvent coulisser les unes contre les autres, diverger ou converger ; leurs rencontres donnent parfois lieu à des phénomènes de subduction ou de collision.
Les mouvements de ces plaques, bien que perpétuels, ne sont pas toujours visibles en surface. Les différentes structures de la lithosphère sont en permanence soumises à des contraintes physiquesphysiques importantes en étant partiellement bloquées durant leurs déplacements. Au cours du temps, elles se déforment et accumulent de l'énergieénergie élastique. Au-delà d'un certain seuil, une rupture ou un mouvement brusque des deux structures lithosphériqueslithosphériques survient, libérant ainsi l'énergie emmagasinée et causant un tremblement de terre.
Attreyee Ghosh et William Holt, de l'université de Stony Brook (États-Unis), proposent un nouvel outil de simulation, présenté dans la revue Science, permettant de prévoir avec plus de précision le mouvement et la rigiditérigidité des plaques, les déformations des zones de contact et les contraintes mécaniques en jeu à l'échelle de la Planète.
Contrairement aux modèles classiques, les deux chercheurs ont simultanément tenu compte de la convection du manteau, de la topographie et des différences de densité au sein de la lithosphère, des paramètres qui régissent les interactions unissant ces deux couches. Cet outil pourrait être utilisé pour établir des prévisions de séisme à long terme avec une précision inégalée à ce jour.
Des prévisions de tremblement de terre mais pas seulement
Le modèle dynamique global permet aussi de quantifier les forces occasionnant les séismes. Leur importance et leur orientation peuvent en effet être déterminées en 3 dimensions entre la surface et 100 km de profondeur (en prenant en compte des variations de la viscosité du manteau jusqu'à 200 km sous le niveau de la mer).
Selon les auteurs, la vitessevitesse de déplacement des plaques tectoniquesplaques tectoniques est liée à plusieurs facteurs à la fois : la topographie et la morphologiemorphologie de la lithosphère, et le couplage entre cette couche et le manteaumanteau. L'importance relative de ces deux paramètres varie en tout point de la Planète. Par exemple, le mouvement des plaques Inde et Nazca dépend principalement du couplage de la lithosphère avec le manteau. Ceux des autres plaques relèvent des deux paramètres à part égale.
Des forces de traction agissent sur les structures en mouvement. Selon le modèle, elles pourraient soit tirer les plaques dans la direction de leur déplacement (exemple : Nazca)), soit en sens inverse (exemple : plaque du nord-ouest américain). Cette découverte pourrait relancer un débat sur le rôle de ces forces. Leur implication dans la résistancerésistance au déplacement des plaques serait un sujet fort controversé.
Pour valider les résultats, des comparaisons ont été effectuées avec des données prises sur le terrain. L'orientation et la vitesse de déplacement des plaques coïncident avec des observations faites grâce à l'utilisation de données GPS. Les zones de contraintes et le sens des forces en jeu ont été prédits de manière tout à fait satisfaisante, comme le confirment les failles présentes à la surface de la Terre. Le modèle a également défini les lieux où des montagnes sont en cours de formation (zone de déformation) avec précision.
Ce modèle semble avoir fait ses preuves. Il faut souligner qu'il permettrait de prévoir les séismes au niveau des zones de contact entre plaques (90 % des cas), mais aussi au sein même des plaques (10 %). Peut-être pourrons-nous un jour prévoir les séismes à court terme ?