Le transfert horizontal de gènes est un mécanisme évolutif bien connu entre plantes ou bactéries. Des chercheurs viennent de découvrir un cas où un gène est passé d’une plante à un insecte, permettant à ce dernier d’échapper au système de défense de celle-ci.


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    L'aleurode du tabac (Bemisia tabaci) est une petite mouche blanche qui provoque des dégâts considérables sur les cultures (coton, tabac, tomate, patate douce, poivron...). Il est particulièrement néfaste, car il transmet aussi de nombreux virus pathogènespathogènes aux plantes et s'avère extrêmement résistant aux insecticides. Une équipe de chercheurs chinois et suisses vient de percer le secret de ce redoutable ravageur pour échapper au mécanisme de défense des plantes : l'aleurode du tabac s'est tout simplement approprié un de leur gènegène !

    Le saviez-vous ?

    Le transfert horizontal de gènes est un mécanisme d’évolution différent de la reproduction sexuée (transmission « verticale »). Les bactéries sont par exemple capables de transférer des gènes entre deux individus non apparentés via des échanges de plasmides ou de pilus (structures protéiques). Les transferts horizontaux de gènes peuvent également s’effectuer par l’intermédiaire d’un virus.

    Un gène encore inconnu chez l’insecte

    Youjun Zhang et ses collègues de l'Académie des sciences agricoles de Chine ont séquencé le génomegénome de l'aleurode du tabac et ont trouvé un gène inconnu nommé BtPMaT1, codant pour une protéineprotéine qui neutralise les glycosides phénoliques, des métabolitesmétabolites toxiques pour les insectes herbivoresherbivores. Intrigués, les chercheurs ont cherché d'où pouvait bien venir ce gène, encore jamais recensé chez un insecte. Ils ont finalement retrouvé des gènes similaires, mais uniquement chez des plantes, des champignonschampignons et des bactériesbactéries.

    La mouche <i>Bemisia tabaci </i>intègre le gène de la plante <em>via</em> un virus, lui permettant d’acquérir une « immunité » contre les toxines produites par cette plante. © Youjun Zhang et al, Cell, 2021
    La mouche Bemisia tabaci intègre le gène de la plante via un virus, lui permettant d’acquérir une « immunité » contre les toxines produites par cette plante. © Youjun Zhang et al, Cell, 2021

    « Il est probable qu'un virus présent dans une plante ait intégré le gène dans son génome, puis qu'un aleurode ait mangé cette plante infectée. Le virus a alors transféré le gène au génome de l'insecte, puis il s'est fixé dans la population », explique Ted Turlings, écologiste à l'université de Neuchâtel. Le transfert se serait produit il y a entre 35 millions et 80 millions d'années, lorsque l'aleurode du tabac s'est séparé des autres espècesespèces d'aleurodes ne possédant pas le gène. Il s'agit du premier transfert horizontal de gènes entre une plante et un insecte. « Les aleurodes se sont en quelque sorte approprié la stratégie de combat de leur adversaire pour y résister, indique le chercheur. L'importance évolutive du transfert horizontal de gènes est bien connue chez les procaryotesprocaryotes, mais il devient maintenant évident qu'il est également un moteur important de l'évolution adaptative des eucaryoteseucaryotes ».

    Vers des OGM résistants aux insectes

    Afin de vérifier leur hypothèse, les chercheurs ont désactivé le gène en modifiant génétiquement des plants de tomates afin qu'elles produisent un petit morceau d'ARNARN interférant avec le gène. « Lorsque les aleurodes se sont nourris avec ces plantes, leur mortalité a été significativement plus élevée », témoigne Ted Turlings. « Cette expérience démontre que nous pourrions utiliser des cultures génétiquement modifiées pour cibler les phytoravageurs », concluent les auteurs, dont l'étude vient d'être publiée dans la revue Cell.

    Une limace de mer qui fabrique sa chlorophylle

    Il existe d'autres rares cas où des animaux peuvent acquérir des gènes exogènesexogènes de plantes. Certaines limaces de mer peuvent ainsi « voler » des gènes d’algues photosynthétiques, leur permettant notamment de fabriquer leur propre matièrematière organique en l'absence de nourriture ou de régénérer leur corps. Mais il ne s'agit pas à proprement parler de transfert de gènes dans la mesure où l'ingestioningestion de l'alguealgue ne modifie pas le génome de l'animal (on parle de kleptoplastiekleptoplastie). Le chloroplastechloroplaste ne reste donc pas dans la limace de façon permanente.

    Voir aussi

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