Un dinosaure chilien, Chilesaurus diegosuarezi, présente une mosaïque étonnante de caractéristiques, qui l'apparentent à la fois à des herbivores et à des carnivores. Il pourrait constituer un chaînon manquant entre certains groupes, dans le cadre d'une révision de la classification.

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    Il y a quelques mois un groupe de paléontologuespaléontologues britanniques menés par Matthew Baron, paléontologue de l'université de Cambridge, avait publié un article retentissant dans Nature. Ces chercheurs avaient utilisé l'ordinateurordinateur et les méthodes modernes de la cladistique pour étudier les relations phylogénétiquesphylogénétiques observées sur un grand nombre de restes fossilisés appartenant à 74 espèces de dinosaures, parmi les plus anciens étudiés.

    Leur conclusion était qu'il faut revoir la classification des terribles lézards. Les théropodes, qui comptent dans leurs membres le TT-Rex et le vélociraptorvélociraptor, devraient plutôt, expliquaient-ils, être classés parmi les ornithischiens, lesquels comptaient surtout des herbivoresherbivores.

    Une reconstitution de l'aspect présumé de <em>Chilesaurus diegosuarezi</em>, qui montre clairement des mélanges de caractéristiques faisant penser à un T-Rex mais aussi qu'il était herbivore. © <em>University of Birmingham</em>

    Une reconstitution de l'aspect présumé de Chilesaurus diegosuarezi, qui montre clairement des mélanges de caractéristiques faisant penser à un T-Rex mais aussi qu'il était herbivore. © University of Birmingham

    Chilesaurus diegosuarezi, un chaînon manquant chez les ornithischiens ?

    Ces mêmes paléontologues, continuant sur leur lancée et donc avec la même technique, viennent aujourd'hui de publier un article dans Biology Letters qui leur permet d'enfoncer un peu plus le clou en se basant sur les restes fossilisés d'un étonnant dinosaure chilien dont Futura avait déjà parlé dans l'article ci-dessous. Il s'agit de Chilesaurus diegosuarezi. Les chercheurs pensent même maintenant qu'il pourrait s'agir d'un véritable chaînon manquant entre les théropodes et les autres ornithischiens, indiquant par quelles voies évolutives des dinosaures initialement carnivorescarnivores auraient permis la naissance de certaines lignées de dinosaures herbivores, en l'occurrence celles qui portent les iguanodons et les tricératops par exemple.

    Ils constatent ainsi que si la majorité des ornithischiens classiques possèdent bien, comme leur nom l'indique, un bassin d'oiseauoiseau et un crânecrâne doté d'une mâchoire faisant penser à un becbec, Chilesaurus diegosuarezi n'est doté, lui, que d'un bassin d'oiseau, mais aussi de dents montrant un régime herbivore. Or, les paléontologues pensent que ce type de bassin permet de développer un système digestif plus complexe et plus développé, apte à la consommation de grandes quantités de plantes. Il semble donc qu'à partir de cet ancêtre primitif des ornithischiens, ou pour le moins une espèce proche, certains ont évolué d'abord en développant un système digestif pour se nourrir de plantes et que le type de mâchoire qui va avec est apparu ensuite.

    Selon les paléontologues, leur nouvelle méthode d'analyse de la phylogénie commencerait tout juste à donner des résultats et il faudrait s'attendre à de nouvelles révélations sur l'histoire et l'évolution des dinosaures. Ils comptent en effet ajouter à la base de donnéesbase de données utilisée sur ordinateur des caractéristiques de dinosaures plus récents, comme ceux datant du CrétacéCrétacé.


    Un étrange dinosaure chilien, à la fois T-Rex et végétarien

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 28/04/2015

    Chilesaurus diegosuarezi est un dinosaure chilien remarquable à plus d'un titre. Découvert par un paléontologue en herbe, âgé de 7 ans, il se présente comme un assemblage étonnant de caractéristiques appartenant à la fois à des dinosaures herbivores et carnivores. D'ailleurs, les chercheurs n'hésitent pas à le qualifier de dinosaure « ornithorynqueornithorynque ».

    Alors que la suite de Jurassic Park va bientôt sortir sur nos écrans, une publication dans le journal Nature fait état de la découverte d'un fossilefossile d'une nouvelle espèce de dinosaures qui montre que la vie elle-même peut produire des résultats évoquant Jurassic World. Dans le film de Steven Spielberg, les généticiensgénéticiens, en effet, ont créé un dinosaure inédit dans l'histoire de la biosphèrebiosphère en mélangeant plusieurs caractéristiques de différentes espèces pour donner un animal hybridehybride plus impressionnant que le T-ReX ou le Spinosaure. C'est un peu ce que l'évolution semble avoir réalisé avec Chilesaurus diegosuarezi.


    Chilesaurus diegosuarezi vivait pendant le Jurassique, comme plusieurs des animaux vedettes de Jurassic Park. La suite de ce film mythique devrait sortir le 10 juin en France. © Universal Pictures France, YouTube

    Un dinosaure chilien du Jurassique supérieur

    Comme le début de son nom l'indique, la nouvelle espèce a été découverte au Chili et, comme c'est souvent le cas, la seconde partie de son nom rend hommage à son découvreur. Celui-ci détient sans doute le record du plus jeune paléontologue amateur puisqu'il s'agit d'un enfant de 7 ans : Diego Suárez. Sa trouvaille, il l'a réalisée alors qu'il accompagnait sur le terrain ses deux parents géologuesgéologues.

    Manuel Suarez et Rita de la Cruz n'étaient pas en prospection à la recherche de fossiles dans la formation Toqui affleurant près d'Aysén, une région du sud du Chili faisant partie de la Patagonie. Leur but était de comprendre l'orogénèse des Andes à l'aide des roches qu'ils pouvaient trouver dans cette formation. Celle-ci date du Tithonien, le troisième et dernier étage stratigraphique du JurassiqueJurassique supérieur. Il s'étend de -152 à -145 millions d'années environ. Il précède donc le Kimméridgien que l'on peut explorer en France par exemple dans le site de Cerin.

    Chilesaurus diegosuarezi pouvait probablement atteindre trois mètres de long. Ce dinosaure herbivore était apparenté aux théropodes, un important groupe de dinosaures bipèdes carnivores dont l'exemple le plus connu est le T-Rex. Ses premiers restes fossilisés ont été trouvés au Chili en 2004 mais il a fallu la découverte d'autres squelettes pour comprendre qu'il s'agissait d'une seule espèce
    Chilesaurus diegosuarezi pouvait probablement atteindre trois mètres de long. Ce dinosaure herbivore était apparenté aux théropodes, un important groupe de dinosaures bipèdes carnivores dont l'exemple le plus connu est le T-Rex. Ses premiers restes fossilisés ont été trouvés au Chili en 2004 mais il a fallu la découverte d'autres squelettes pour comprendre qu'il s'agissait d'une seule espèce. © University of Birmingham

    Une évolution convergente

    De prime abord, les restes fossilisés de Chilesaurus diegosuarezi semblaient appartenir à différentes espèces de dinosaures. Mais, graduellement, les paléontologues ont réalisé qu'ils provenaient d'une même espèce. Il a tout de même fallu pour cela découvrir les restes d'une douzaine d'autres individus dont quatre squelettes presque complets.

    La plupart semblent provenir d'animaux de la taille d'une dinde mais certains des os retrouvés laissent penser que Chilesaurus diegosuarezi pouvait atteindre trois mètres de long. La découverte est particulièrement remarquable : une fois reconstitué, Chilesaurus diegosuarezi apparaît comme possédant une tête de dinosaure herbivore montée sur un corps de dinosaure carnivore faisant penser au T-Rex.

    Un fragment de mâchoire de <em>Chilesaurus diegosuarezi</em>. Les dents caractéristiques d'un herbivore sont bien visibles. © University of Birmingham

    Un fragment de mâchoire de Chilesaurus diegosuarezi. Les dents caractéristiques d'un herbivore sont bien visibles. © University of Birmingham

    Comme ses dents l'indiquent, il s'agissait bien d'un herbivore. Pourtant, son squelette montre aussi qu'il fait partie des théropodes, un groupe de dinosaures comprenant la quasi-totalité des dinosaures prédateurs, en particulier les célèbres Vélociraptor et Allosaurus. Ce n'est pas la première fois que l'on découvre un théropode herbivore mais, selon les chercheurs, Chilesaurus diegosuarezi représente le cas le plus extrême d'une mosaïque de caractères forgés par une évolution convergente.

    Rappelons que la convergence évolutive est la présence chez deux espèces de caractères analogues, c'est-à-dire d'une même adaptation, qui n'ont pas été hérités d'un ancêtre communancêtre commun. Ces caractères adaptatifs résultent donc de deux évolutions indépendantes face à une même pressionpression de sélection. En d'autres termes, les lois de la physiquephysique et de la biologie restreignent les choix possibles des solutions adaptatives. Le cas le plus célèbre est l'exemple de l'hydrodynamisme du corps des dauphins et des ichtyosaures, de formes très semblables alors que les deux ne sont pas apparentés, les premiers étant des mammifèresmammifères et les seconds des reptilesreptiles. Leurs ancêtres respectifs étaient très différents entre eux et de forme nullement hydrodynamique.

    Selon le paléontologue Martin Ezcurra, coauteur de l'article de Nature et chercheur à l'université de Birmingham, Chilesaurus diegosuarezi « est l'un des cas les plus intéressants d'évolution convergente documentés dans l'histoire de la vie ».