Les scientifiques continuent à essayer de corréler les fluctuations climatiques de notre Histoire avec les grands événements volcaniques. Longtemps tenu comme responsable d’un terrible hiver volcanique survenu il y a plus de 3.600 ans, le volcan Théra en Grèce vient de se faire détrôner par un concurrent bien plus puissant : l’Aniakchak, situé en Alaska.


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    Certaines grandes éruptions volcaniques sont connues pour avoir fortement impacté les populations humaines au cours de l'Histoire. C'est le cas de l'éruption du volcan Théra, situé en Grèce sur l'actuelle île de Santorin. Connue sous le nom d'éruption Minoenne, l'explosion du Théra a certainement été l’un des plus puissants événements volcaniques des 12.000 dernières années. Elle aurait notamment été à l'origine de la chute de la civilisation minoenne.

    Cependant, malgré les importants dépôts volcaniques retrouvés un peu partout sur le pourtour méditerranéen, la datation exacte de cette éruption reste compliquée. On estime qu'elle aurait eu lieu entre -1680 et -1500 ans avant notre ère. Certains indices, notamment les anomaliesanomalies au sein des anneaux de croissance des arbres, indiquent notamment qu'un événement aurait affecté sévèrement le climat des années -1628/1627. Plusieurs études proposent qu'il s'agirait là de l'hiver volcanique créé par l'éruption du Théra, définissant ainsi plus précisément la date de l'explosion.

    L’île de Santorin, qui n’est autre que l’immense caldera du volcan Théra. © NASA, Wikimedia Commons, domaine public
    L’île de Santorin, qui n’est autre que l’immense caldera du volcan Théra. © NASA, Wikimedia Commons, domaine public

    Dater les éruptions volcaniques grâce aux archives glaciaires

    Ces résultats sont cependant loin de faire l'unanimité. D'autres indicateurs suggèrent en effet que le climat aurait été perturbé par un ou plusieurs événements volcaniques à sept autres reprises, entre -1654 et -1524. De plus, le volcan Théra n'aurait pas été le seul volcan en activité durant cette période. D'autres candidats existent, et ils sont nombreux.

    Pour démêler l'ensemble des événements survenus durant cette période et attribuer chaque effet à une cause bien précise, une équipe de scientifiques menée par Charlotte Pearson s'est penchée sur l'analyse de carottes de glacecarottes de glace récupérées dans les calottes du Groenland et d'AntarctiqueAntarctique. L'accumulation continue, au cours des milliers d'années, de neige et de glace au niveau des calottes glaciairescalottes glaciaires joue en effet un rôle d’archive climatique et permet, notamment, de retrouver les traces des grandes éruptions et de les dater. Les éruptions projettent en effet dans l'atmosphèreatmosphère d'importantes quantités de cendres et de gazgaz volcaniques qui vont venir modifier temporairement la composition de l'atmosphère. Ces marqueurs se retrouvent ainsi piégés dans les glaces au niveau des pôles.   

    Exemple de carotte de glace extraite de la calotte Antarctique dans le cadre du programme Epica. © CNRS Photothèque, L. Augustin
    Exemple de carotte de glace extraite de la calotte Antarctique dans le cadre du programme Epica. © CNRS Photothèque, L. Augustin

    Les chercheurs se sont ainsi intéressés à la présence de dépôts de sulfate volcanique dans ces échantillons de glace. Les sulfates dérivent de l'acide sulfuriqueacide sulfurique, un composé qui se forme dans l'atmosphère par réaction avec le soufresoufre, un élément caractéristique des rejets volcaniques. La présence de sulfate a été corrélée à la présence de particules volcaniques solidessolides (téphras). L'analyse conjointe de ces données permet notamment de remonter à la source de l'événement volcanique et d'identifier un volcan précis pour chaque éruption.

    Un hiver volcanique causé par un autre volcan, situé en Alaska

    Les résultats, publiés dans la revue PNAS Nexus montrent que l'année -1628 a bien été marquée par une éruption volcanique majeure, qui aurait fortement impacté le climat à ce moment-là. Mais, pour les chercheurs, le responsable n'est pas le Théra, mais un autre volcan, situé de l'autre côté du globe, en Alaska : l'Aniakchak II. Cette très importante éruption aurait été précédée en -1654 par une autre éruption majeure, émise par un volcan pour l'instant inconnu. Ces deux événements auraient de loin été les plus catastrophiques de l'hémisphère Nordhémisphère Nord sur les derniers 4.000 ans, affectant le climat durant un ou deux ans de manière globale.

    La caldéra de l'Aniakchak en Alaska, large de 10 kilomètres de diamètre. © Jesse Allen and Robert Simmon, Wikimedia Commons, domaine public
    La caldéra de l'Aniakchak en Alaska, large de 10 kilomètres de diamètre. © Jesse Allen and Robert Simmon, Wikimedia Commons, domaine public

    L'éruption du Théra n'est quant à elle toujours pas datée avec précision. Trois dates sont cependant avancées : -1611, -1561/1558/1555 et -1538 avant notre ère. Toutes ces dates correspondent en effet à la survenue d'une éruption volcanique, de bien moins grande ampleur cependant que celle de l'Aniakchak II. Au final, les scientifiques estiment que l'éruption du Théra n'aurait pas eu de conséquence significative sur le climat. Son impact aurait du moins été largement inférieur à celui de l'éruption du Tambora, survenue bien plus récemment, en 1815.