Il y a 700 000 ans, le climat terrestre connaissait une évolution significative, avec un allongement de la durée des cycles de glaciations de 40 000 à 100 000 ans. Cette modification, qui est associée à l’établissement de vastes calottes glaciaires, ne serait pas liée à une modification des paramètres orbitaux de la Terre. En cause : une période glaciaire avec des océans anormalement chauds ayant entraîné une augmentation de l’humidité et des précipitations dans l’hémisphère Nord.


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    Lorsque l'on observe l'évolution du climat terrestre au cours des temps géologiques, on remarque une cyclicité, qui est marquée par une alternance régulière de périodes glaciaires froides et de périodes interglaciaires chaudes. C'est en observant ces grands cycles et en les corrélant aux variations des paramètres orbitaux de la Terre (excentricitéexcentricité, obliquitéobliquité, précessionprécession, nutationnutation) que Milanković a mis en lumièrelumière l'influence de ces paramètres sur le climat terrestre.

    Pourtant, le système climatique présente certaines fluctuations qui ne sont pas expliquées par des changements orbitaux significatifs, indiquant que d'autres facteurs sont capables d'influencer le climat sur le long terme. L'un des exemples le plus parlant est le changement dans la duréedurée du cycle climatique qui est intervenu à la fin de la période dite de la transition du Pléistocène moyen, il y a environ 700 000 ans.

    Un allongement significatif du cycle glaciaire

    Les archives géologiques indiquent en effet que le climat terrestre a alors basculé de cycles climatiques d'environ 40 000 ans avec des glaciations courtes et de faible magnitudemagnitude, aux cycles climatiques actuels bien plus longs, d'une durée de 100 000 ans et présentant des périodes glaciaires et interglaciaires bien plus marquées. La fin de la transition du Pléistocène moyen est d'ailleurs caractérisée par l'établissement de vastes calottes glaciairescalottes glaciaires dans l'hémisphère Nord. Ce changement significatif de la dynamique climatique, qui n'est pas imputé à une modification des paramètres orbitaux, est longtemps demeuré un mystère.

    Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications dévoile cependant une chaîne de mécanismes qui pourrait expliquer cette évolution climatique majeure il y a environ 700 000 ans.  

    Une période glaciaire avec des océans anormalement chauds

    Grâce à l'analyse de pollens et de sédimentssédiments datant de cette époque, l'équipe de scientifiques menée par María Fernanda Sánchez Goñi de l'Université de Bordeaux a identifié une tendance au réchauffement et à l'humidification dans les deux régions subtropicales sur la période s'étendant de 800 000 à 670 000 ans. Cette période est entrecoupée par une glaciation durant laquelle les eaux de surface des océans Atlantique Nord et Pacifique Nord étaient étonnamment chaudes. « Il s'agit de températures de surface similaires à celles d'aujourd'hui, soit environ 18 °C, ce qui est énorme. C'est une vraie surprise », explique María Fernanda Sánchez Goñi.

    La période glaciaire marquant la fin de la transition du Pléistocène moyen se caractérise par des températures de surface des océans étonnamment chaudes, qui a produit un afflux massif d'humidité dans les hautes latitudes de l'hémisphère Nord et participé à l'accroissement des calottes glaciaires. © María Fernanda Sánchez Goñi
    La période glaciaire marquant la fin de la transition du Pléistocène moyen se caractérise par des températures de surface des océans étonnamment chaudes, qui a produit un afflux massif d'humidité dans les hautes latitudes de l'hémisphère Nord et participé à l'accroissement des calottes glaciaires. © María Fernanda Sánchez Goñi

    Alors que les périodes glaciaires bloquent normalement le transfert d'humidité vers les hautes latitudeslatitudes, la température élevée de l’océan durant cet épisode particulier aurait, à l'inverse, entraîné une hausse des taux d'humidité dans l'airair et une augmentation des précipitationsprécipitations dans tout l'hémisphère Nord. Ces conditions auraient notamment favorisé l'expansion de la forêt méditerranéenne occidentale et renforcé la moussonmousson d'été en Asie de l'Est. « On ne sait pas encore à quoi est dû ce réchauffement des océans, mais il semble que cet apport massif d'humidité vers les hautes latitudes ait alimenté les calottes glaciaires eurasienne et d'Amérique du Nord, et contribué de manière déterminante à leur expansion », poursuit la chercheuse.

    L'apport massif d'humidité a permis l'expansion des calottes glaciaires  de l'hémisphère Nord, induisant un allongement du cycle climatique il y a 700 000 ans. © María Fernanda Sánchez Goñi, image générée par IA
    L'apport massif d'humidité a permis l'expansion des calottes glaciaires  de l'hémisphère Nord, induisant un allongement du cycle climatique il y a 700 000 ans. © María Fernanda Sánchez Goñi, image générée par IA

    Un allongement des périodes glaciaires grâce à l'effet d'albédo

    Cet accroissement significatif des surfaces continentales englacées serait à l'origine de l'allongement des cycles climatiques, avec un passage de 40 000 à 100 000 ans. Il faut ici invoquer l'effet de l'albédoalbédo de la glace dans le processus climatique. La glace réfléchit en effet une partie de l'énergieénergie solaire, participant au refroidissement du climat. Une augmentation des surfaces englacées aurait ainsi permis l'établissement, par le biais de cette rétroaction positiverétroaction positive, de périodes glaciaires plus longues et plus intenses après 700 000 ans.