A priori, il n’existe aucun lien entre Thomas Pesquet, les oiseaux migrateurs et le ministère des Armées. Pourtant, des chercheurs ont réussi à en créer un, le programme Kivi Kuaka. Son objectif : étudier le comportement d’oiseaux migrateurs dans l’espoir d’élaborer un système d’alerte précoce pour certaines catastrophes naturelles.


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    Des histoires d'animaux aux comportements étranges avant la survenue de catastrophes naturelles, il s'en raconte souvent. En décembre 1959, les chats de Malpasset (Fréjus, Var, France) avaient tous fui la ville avant la rupture du barrage qui a fait plus de 400 victimes humaines. En décembre 2004, on a dénombré très peu de victimes animales après le tsumani qui a pourtant fait plus de 250.000 disparus humains dans l'océan Indien. Les animaux semblent réagir à des signaux précoces qui nous échappent. Mais, selon les experts, rien n'a encore pu être prouvé.

    L'ambition du programme scientifique Kivi Kuaka est d'éclairer le phénomène. En étudiant les éventuelles réponses comportementales des oiseaux migrateurs face aux cyclones, aux séismes et aux tsunamis. Avec dans l'idée de développer de nouveaux systèmes d'alerte précoces de ces catastrophes naturelles à la fois pour mieux protéger les populations et préparer les interventions des forces armées le cas échéant.

    Le saviez-vous ?

    Le programme Kivi Kuaka a été initié en 2017 par le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) en partenariat avec le ministère des Armées, le ministère de la Transition écologique, l’Agence française de développement, l’Office français de la biodiversité et Météo France. Une première phase a conclu à la faisabilité du projet. Une deuxième phase financée par le ministère des Armées vient d’être lancée. Elle est destinée à analyser le comportement des oiseaux migrateurs en réponse à des événements climatiques.

    Les oiseaux migrateurs ciblés par le programme sont en effet sensibles aux infrasons produits par les vortexvortex des cyclones ou les vaguesvagues submersives. Les chercheurs ont donc équipé des centaines d'oiseaux du Pacifique sud de petites balises, de 5 grammes seulement. Elles renverront aussi bien des informations de position et de mouvementmouvement, des données GPSGPS, que des données météorologiques. Le tout via la Station spatiale internationale (ISSISS) -- où travaille actuellement Thomas Pesquet -- pour minimiser l'énergieénergie nécessaire à la transmission des informations par ondes radio. L'objectif étant de préciser le lien entre les déplacements des oiseaux et les événements climatiques. Cinq espècesespèces sont visées : le Courlis d'Alaska (Kivi en polynésien), la Barge rousse (Kuaka en Maori), le Pluvier fauve, le Chevalier errant et la Sterne fuligineuse.

    Un hommage à Louis-Antoine Bougainville

    Le 18 janvier dernier, une équipe de scientifiques a embarqué à bord du Bougainville depuis l'île de Fakarava. Direction plusieurs atollsatolls de la Polynésie, sites de migration de ces oiseaux. Tout au long de leur mission, les scientifiques ont pu compter sur le soutien logistique du bâtiment de la Marine nationale. Et c'est grâce au savoir-faire d'une équipe de baleiniers de la base navale de Papeete (Tahiti) et de leur baleinière, une embarcation à fond plat permettant le franchissement des barrières de corailcorail, qu'ils ont pu débarquer plus facilement sur différents atolls de l'archipelarchipel des Tuamotu.

    Renouer un peu avec les grandes expéditions scientifiques du passé

    « Le soutien du Bougainville a été primordial : on nous a fourni l'eau et les rations de combat. La mise à disposition de la drome -- c'est le nom que l'on donne aux embarcations à bord d'un navire militaire -- nous a donné une grande souplesse pour nous rendre sur les différents atolls. Le commandement et l'équipage se sont montrés très à l'écoute et nous avons constamment partagé nos besoins et nos connaissances », commente Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national d'Histoire naturelleMuséum national d'Histoire naturelle, de Paris (MNHN) et directeur de la mission.

    Pour le commandant du bâtiment, c'était aussi l'occasion de renouer un peu avec les grandes expéditions scientifiques du passé et de rendre hommage à Louis-Antoine Bougainville qui embarquait déjà des scientifiques à bord de ses navires. Tout en s'impliquant dans une « défense durable » attachée à sa mission d'anticipation des catastrophes naturelles et à la préservation de l'environnement et de la biodiversitébiodiversité et à la préventionprévention des risques environnementaux.