Sais-tu quel animal, tout rose et allongé, creuse des tranchées et digère le sol ? Aujourd’hui, on va parler du lombric dans Bêtes de Science.


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    Aujourd'hui, nous partons en exploration... au fond du jardin ! Le temps est couvert, il bruine légèrement, les conditions sont optimales ! Sous ce carré de pelouse d'apparence paisible se cache en réalité une foule d'habitants fascinants : gendarmes, fourmis et autres colocataires riquiquis. Tu vois cette petite motte de terre ? Accroupis-toi, mais fais attention où tu poses les pieds, il ne faut piétiner personne. Pour débusquer notre héros du jour, il va falloir creuser ! Mieux vaut laisser nos pelles de côté pour ne pas le blesser. Tu m'aides ? Hop, on farfouille, on retourne doucement un peu de terre eeet... regarde qui voilà ! Un beau ver de terre, un peu surpris, qui se tortille ! 

    Cet article est une retranscription du podcast Bêtes de Science. Découvrez cette chronique audio et immersive en cliquant sur le bouton play du lecteur ci-dessus. © Futura

    Le lombric, un ver de terre important !

    Je ne sais pas si tu le sais, mais il existe plein d'espèces de vers différentes. Rien qu'en France métropolitaine, on en compte 140 ! Mais celui que nous avons sous les yeuxyeux est l'un des plus connus. On l'appelle souvent ver de terre, mais son vrai nom, plus précis, c'est lombric terrestre, dont le nom latin ressemble beaucoup à son nom commun : Lumbricus terrestris.
    Attends, je vais le reposer au sol délicatement, et le mouiller très légèrement. Il ne faut surtout pas qu'il se dessèche, ou il risque de mourir ! 

    Tiens, passe moi le mètre, on va le mesurer ! Il fait... Ah, arrête de te trémousser, on va pas te faire de mal ! 13 centimètres et demi. Pas mal, mais c'est plutôt un petit format pour nos lombrics, qui peuvent atteindre jusqu'à 30 cm de long. La partie fine, pointue, et plus foncée que tu vois là, c'est sa tête. Même si on a du mal à la distinguer, il a une bouche ronde qu'il utilise pour manger la terre qui l'entoure. Et l'autre extrémité, ronde et un peu aplatie que tu vois ici, c'est sa queue. Si tu le touches doucement, dans un sens et dans l'autre de la longueur, tu sentiras que sa peau accroche. C'est parce que son corps est couvert de soies : de petits poils tout fins qui lui permettent de sentir ce qui l'entoure et de s'accrocher aux parois de ses galeries.

    Tu as déjà entendu qu'un lombric coupé en deux forme ensuite deux vers bien vivants ? Eh bien... C'est une légende, et je te déconseille d'essayer en vrai. Les vers peuvent régénérer des parties de leur corps, mais il faut que ce soit de petites blessures et que tous les organes dont ils ont besoin pour vivre ne soient pas abîmés. Si tu en vois un sur le bitumebitume, remets-le plutôt tranquillement dans la terre, pour qu'il puisse reprendre sa vie !

    Un ver hermaphrodite, essentiel à la bonne santé des sols

    Notre lombric est un bel adulte, en âge de se reproduire. Comment je le sais ? Eh bien, si tu regardes attentivement, il a un anneau de chair un peu plus épais, et souvent plus clair, sur le corps. Tu le vois ? On l'appelle le clitellum, et c'est là qu'il sécrète ses spermatozoïdesspermatozoïdes et ses ovulesovules. Car oui, chaque ver est à la fois mâle et femelle ! Mais il faut tout de même que deux individus se rencontrent, pour pouvoir faire des bébés. Les deux se serrent fort et s'unissent grâce à du mucusmucus qui les enveloppent. Ça peut te paraître un peu dégoûtant, mais pour les deux amoureux, c'est très pratique. Ce mucus leur permet de se coller l'un à l'autre, et le reste du temps, il leur sert à rester humide, même quand les températures augmentent. Une fois que chacun a fécondé l'autre, les lombrics forment des cocons, 5 à 10 par individu en moyenne. Un cocon fait environ la taille d'un petit pois, et est tout marron. Chaque cocon contient un bébé ver qui ressemble, quand il éclot, à un mini-adulte tout blanc, de quelques millimètres. Il devient rosé en quelques heures mais il devra attendre d'être en âge de se reproduire pour former un clitellum. C'est comme ça qu'on les reconnaît !

    Le lombric se nourrit surtout de terre et de quelques végétaux, trouvés en surface. Et c'est là que la magie opère ! Car en voyageant dans l'intestin de notre ver de terre, sa nourriture s'enrichit en minérauxminéraux, grâce aux micro-organismesmicro-organismes qui y habitent. Ses crottes se révèlent être un vrai trésor pour les plantes qui en dépendent ! D'ailleurs, tu en as peut-être déjà vu : elles ressemblent à des petits tortillons de terre et on les appelle les turricules.

    Malheureusement pour lui, le lombric figure au menu de plein d'autres animaux : oiseaux, crapauds, blaireaux, sanglierssangliers et surtout la taupe, dont je t'ai déjà parlé dans un autre épisode, qui est une chasseresse impitoyable. Depuis quelques années, il souffre même de l'arrivée d'un ver asiatique géant, de 40 cm de long, reconnaissable à sa tête plate, en forme de marteau. Il chasse les lombrics et leur injecte un poison violent avant de les dévorer !L'autre grand ennemi du ver de terre c'est la température. Comme il est incapable de réguler sa propre chaleurchaleur, il souffre très vite du froid ou de la caniculecanicule. Il peut alors se mettre en pause : il se roule en boule, s'enduit de mucus pour rester humide et s'endort sous terre pour s'économiser. Mais avec les étés de plus en plus chauds qui se profilent, il risque de passer de sales quarts d'heure ! 

    Et pourtant, même s'il est discret et peut sembler peu ragoûtant, tu vas découvrir que le lombric est essentiel à notre écosystèmeécosystème. Les vers de terre ont longtemps été mal vus, notamment par les agriculteurs qui les accusaient de manger leur récolte. Mais comme je te l'ai dit, ils mangent essentiellement de la terre et ne font pas de dégâts, bien au contraire. Cinquante ans avant notre ère, la reine égyptienne Cléopâtre VII a compris leur utilité, et a même mis en place un loi qui punirait toute personne qui leur ferait du mal ! 

    Charles Darwin et sa fascination pour le comportement des lombrics

    Mais leur plus ardent défenseur est sans conteste le scientifique anglais qui vivait au XIXe siècle, Charles DarwinCharles Darwin. Tu le connais peut-être pour son voyage d'exploration autour du monde et ses observations, qui sont à l'origine du concept de sélection naturellesélection naturelle et de théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution. On en a déjà un peu parlé dans l'épisode consacré à l'iguane marin, qu'il a décrit aux îles Galapagos. À côté de ses œuvres littéraires au succès retentissant pour l'Histoire des sciences, Charles Darwin s'est passionné pendant des décennies pour... la vie des lombrics de nos jardins ! Pas la peine de partir sur des îles exotiquesexotiques et lointaines pour s'émerveiller. 

    C'est lors d'une visite dans sa famille qu'il se penche sur la question. Son oncle lui raconte que des morceaux de briques et de cendres ont disparu progressivement sous la terre, dans sa prairie, sans qu'il n'ait rien fait. Tu devines qui est responsable de cette disparition ? Les lombrics bien sûr ! Darwin se lance alors dans des centaines d'heures d'observation. Il décrit les galeries verticales des lombrics, qui plongent jusqu'à 2 mètres sous la surface, ce qu'ils mangent et même comment ils se déplacent, en contractant leurs muscles. Il en garde dans des bocaux, pour les regarder sous toutes les coutures et il réalise même des expériences pour mieux comprendre leur comportement et comment ils perçoivent le monde. Il joue du sifflet, du basson et du piano, pour conclure qu'ils n'entendent pas les sons ; il les expose à la lumièrelumière et révèle que même sans yeux, ils la fuient !

    Il s'intéresse aussi à leur action sur le sol. Il démontre par exemple que les turricules, les crottes de lombrics, sont plus riches que le sol brut. Il constate aussi que leurs tunnels aèrent le sol, et permettent à l'eau de mieux s'y infiltrer. En étudiant des ruines anciennes, et la façon dont elles sont recouvertes de terre, il évalue leur vitessevitesse de travail. Et ses calculs, vérifiés par des scientifiques contemporains, s'avèrent très proches de la réalité !  On pense qu'on peut trouver 250 000 vers dans un hectare, ce qui correspond à un carré qui mesure 100 mètres de chaque côté. Ces vers digéreraient 300 tonnes de terre par an, ce qui veut dire, qu'en 50 ans seulement, ils seraient capables de renouveler le sol d'un pays de la taille du Royaume-Uni. En 50 ans ! C'est dingue non ? 

    À la fin de sa vie, en 1881, Darwin fait publier toutes ses observations dans un livre intitulé La Formation de la terre végétaleterre végétale par l'action des vers de terre. Il conclut son ouvrage ainsi : « On peut douter qu'il y ait beaucoup d'autres animaux qui aient joué un rôle aussi important dans l'histoire du monde que ces créatures d'une organisation inférieure ». Comme quoi, pas besoin d'être grand et costaud pour changer le monde ! Parole de lombric !

    Voir aussi

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