« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons à la rencontre d’un étrange animal de la nuit : la chauve-souris.


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    La chauve-souris. Ces derniers mois, elle a beaucoup fait parler d'elle. De triste manière. Comme la principale suspecte dans l'enquête sur l'origine du coronavirus responsable de la pandémiepandémie de Covid-19Covid-19. Car c'est un fait. Les chauves-souris constituent un réservoir de virus. La plupart restent inoffensifs pour nous, les Hommes. Mais il peut arriver que certains franchissent la barrière des espèces. En passant par un hôte intermédiaire et après quelques adaptations et mutations malheureuses. Ce processus assez complexe a généralement besoin de conditions particulières pour avoir lieu. Des conditions créées... par nos activités. Lorsque nous dégradons l'environnement par la déforestation ou l'élevage intensif, que nous capturons des animaux, que nous les transportons, que nous en faisons le commerce ou même que nous les mangeons, nous bouleversons les interactions entre faune sauvage et êtres humains.

    Le saviez-vous ?

    Les chauves-souris doivent probablement leur nom à… une mauvaise traduction. Autrefois, on les appelait « cawa sorix » pour « chouette-souris » parce qu’elles ressemblaient à des souris qui volent la nuit. Et quelque part dans l’histoire, le terme « cawa » s’est malencontreusement transformé en « calva » qui signifie… « chauve » !

    Pour ceux qui voudraient en apprendre plus sur cet animal de la nuit, rendez-vous dans la nuit du 28 au 29 août pour la Nuit internationale de la chauve-souris.

    Voilà une vérité de rétablie. Et tant que nous y sommes, mettons aussi fin à un autre mythe sur les chauves-souris. À l'exception de trois espèces - sur plus de 1.400 connues - vivant en Amérique du sud, les chauves-souris ne sont pas non plus les vampires assoiffés de sang que l'on imagine. Elles se nourrissent généralement gentiment de quelques fruits et surtout d'insectes nocturnesnocturnes. Des moustiquesmoustiques notamment. Ça, c'est plutôt une bonne nouvelle. Oui, parce que les piqûres de moustiques ne sont pas que désagréables. Elles sont aussi la cause de maladies. Les chercheurs estiment même que les moustiques sont responsables d'un million de morts par an dans le monde !

    Rien que pour ça, les chauves-souris méritent bien qu'on leur laisse une chance. Et peut-être bien que la suite de cette histoire les rendra encore un peu plus sympathiques à vos yeuxyeux.

    De loin la chauve-souris la plus commune dans les forêts tropicales de plaine du Mexique au nord de l’Amérique du Sud, la chauve-souris jamaïcaine, connue des scientifiques sous le nom d’<em>Artibeus jamaicensis</em>, se régale de figues et d’autres fruits. Ces chauves-souris frugivores font des choix irrationnels sur ce qu’il faut manger.  © Christian Ziegler, <em>Smithsonian Tropical Research Institute</em>
    De loin la chauve-souris la plus commune dans les forêts tropicales de plaine du Mexique au nord de l’Amérique du Sud, la chauve-souris jamaïcaine, connue des scientifiques sous le nom d’Artibeus jamaicensis, se régale de figues et d’autres fruits. Ces chauves-souris frugivores font des choix irrationnels sur ce qu’il faut manger.  © Christian Ziegler, Smithsonian Tropical Research Institute

    Certaines chauves-souris font de vrais choix

    L'effet de leurre - le decoy effect, disent les Anglophones -, vous connaissez ? Il a été établi au début des années 1980. Il veut que lorsqu'un individu hésite entre deux choix et qu'on lui propose une troisième option, un peu moins intéressante que l'un des deux premiers choix, l'individu va changer de préférence. Pour faire plus clair, prenons l'exemple d'une boisson. Vous avez le choix entre un petit format à 3 euros et un grand format à 5 euros. La plupart du temps, vous choisirez le petit format. Mais si on vous propose en plus la possibilité d'opter pour un format intermédiaire à 4,5 euros - c'est lui, le leurre de l'effet -, vous finirez par préférer le grand format !

    Les oiseaux et les abeilles ont également tendance à faire ce genre de choix irrationnels. Et des chercheurs nous apprennent que certaines chauves-souris aussi. Elles vivent dans les forêts tropicales de plaine du Mexique notamment. Elles adorent les fruits. D'ailleurs, elles en dispersent les graines et participent ainsi à entretenir la richesse de l'écosystèmeécosystème.

    Dans leur expérience, les chercheurs ont d'abord proposé aux chauves-souris des bananesbananes et des papayespapayes mûres. Aucune préférence n'a émergé. En revanche, lorsqu'ils ont ajouté des bananes non mûres, les chauves-souris ont presque toujours opté pour... les bananes mûres.

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    Ce qui semble encore plus étonnant, c'est que d'autres chauves-souris, des mangeuses de grenouilles, qui vivent dans les mêmes forêts, n'ont pas du tout le même comportement. Leurs choix alimentaires semblent plus rationnels. Si elles choisissent un aliment A plutôt qu'un aliment B puis un aliment B plutôt qu'un aliment C, elles choisiront, parmi les trois, plus A que C.

    Les chercheurs pensent que ces différences de comportements sont liées au régime alimentaire des chauves-souris. Les premières se nourrissent de fruits, rendant service aux arbresarbres en dispersant leurs graines de manière un peu aléatoire. Les secondes s'attaquent à des proies mobilesmobiles, les grenouilles, sur lesquelles elles doivent se fixer. Pas si bêtes, les chauves-souris !