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    Désormais, si les régions occupées traditionnellement sont dépeuplées, des regroupements de populations surgissent là où les Romains s'installeront plus tard (régions de Strasbourg et de Brumath, par exemple) ou sur le rebord des terrassesterrasses de LœssLœss, dont l'exploitation agricole se poursuit.

    Le sud de Mulhouse est également fortement peuplé, au cœur de ce passage de tout temps important, entre la Suisse, l'Allemagne du sud et la France.

    La Tène moyenne et finale (220-52 av. J.-C.)

    C'est donc à ce moment-là que se fondent les agglomérations dont les noms sont tous celtiques Saletio (Seltz), Brocomagus (Brumath), Argentorate (Strasbourg), Helvetum (Ehi), Argentovaria (Horbourg), Cambete (Kembs), etc. Les Arvernes étendent jusqu'au Rhin leur hégémonie et on distinguera, parmi les tribus qui sont leurs vassales, les Trévires au nord de Hatten-Seltz, les Médiomatriques jusqu'à Guémar et les Triboques au sud.

     

    Monnaie celtique (Ehl-Benfeld, 1<sup>er</sup> siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite 
    Monnaie celtique (Ehl-Benfeld, 1er siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite 
    • Origine : EhI-Benfeld
    • Date : ler s. av. J.-C.
    • Diamètre : 1,3 cm

    Le numéraire, en Gaule, n'est pas antérieur au IIe s. av. J.-C., sauf à Marseille et dans les cités qui en dépendent. Il témoigne de l'importance grandissante du commerce celtique qui caractérise les deux derniers siècles, avec la fondation d'entrepôts dans les places-fortes. Le revers de cette monnaie est orné d'un cheval. Ce motif apparaît très tôt dans la numismatique grecque, dès la seconde moitié du VIe s. av. J.-C., et comme les monnaies celtiques y prennent leur source d'inspiration, on ne s'étonnera pas de le retrouver sur le revers de près des trois quarts des monnaies. Le droit représente une tête très stylisée, tout à fait caractéristique de l'art celtique. Les Celtes du Danube avaient emprunté au numéraire de Philipe de Macédoine et d'Alexandre le Grand la représentation du droit des monnaies, mais rapidement l'art celtique en modifie les traits. Si le modèle ici présenté est relativement grossier, beaucoup de modèles de monnaies celtiques sont des chefs-d'œuvre d'art tantôt figuratifs, tantôt abstraits.

    On assiste, jusqu'à la fin du IIe siècle, à une réorganisation de tout le domaine celtique des Pyrénées à l'Autriche. L'Italie est désormais fermée à la puissance celtique et les Romains, maîtres de l'Italie et de l'Espagne, leur ennemi carthaginois vaincu, contrôlent désormais les voies commerciales de l'axe nord-sud, comme la route de l'ambre. Les Celtes perdent donc non seulement le monopole des relations économiques avec les Étrusques et les pays méditerranéens, mais cessent aussi le mercenariat et les expéditions militaires.

    Tout leur territoire voit la création de nouvelles places fortes, ou la réutilisation des anciennes. C'est avant tout pour mettre à l'abri des marchandises, créer des entrepôts et permettre ainsi une activité artisanale très développée (charrons, tonneliers, métallurgistes, potiers, émailleurs et verriers) plutôt que dans un réflexe de défense contre les Germains, dont la gravité des incursions a été fortement exagérée par les Romains. Les Cimbres, rappelons-le, après avoir battu les Romains à Noreia en Autriche sont vaincus par eux à Vercelli en -101. Aucune donnée archéologique ne confirme les ravages décrits par les historienshistoriens romains (Posidonius, Tite-Live, Velleius). Une politique intérieure florissante entraîne la diminution de l'importance de la classe militaire. On le voit aisément à la lecture de la guerre des Gaules, ou César nous montre par exemple Vercingétorix, tenu pour des raisons militaires de faire détruire Avaricum, renoncer à ce projet sous la pression des notables gaulois.

    La féodalité a disparu, l'économique l'emporte

    Maintenant que la féodalité a disparu, l'économique l'emporte, la création de la monnaie, développée à la suite des contacts précédents avec l'Orient, en est la preuve. Si donc, à la fin du 1er s. av. J.-C., les peuples celtes perdent leur indépendance, ce n'est pas à la suite de massacres, de déportations, mais parce qu'il a suffi à l'ennemi de s'emparer de certaines places fortes, piliers économiques de toute une contrée, pour s'approprier en outre le pouvoir militaire et politique.

    L'archéologie locale permet de mieux déterminer les peuplades qui vivent en Alsace au ler s. av. J.-C. Nous avons parlé des Médiomatriques occupant le Bas-Rhin, des Séquanes le Haut-Rhin, ceux-là primitivement entre Marne et Meuse, repoussés vers l'est par les Belges, ceux-ci vassaux d'abord des Arvernes qui disputaient aux Boïens, Celtes danubiens, les fonds d'orpaillage du Rhin, puis des Éduens.

    Mobilier de sépultures triboques (Schweighouse et Brumath, 1<sup>er</sup> s. av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite 
    Mobilier de sépultures triboques (Schweighouse et Brumath, 1er s. av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite 

    Regroupement d'objets originaires Schweighouse et de Brumath : 1er siècle av. J.-C. Lorsque, vers 60 av. J.-C., l'Alsace est envahie par Arioviste, l'armée de ce chef germain est composée de soldats originaires de tribus les unes germaniques, les autres celtes. On sait comment Arioviste fut battu par César aux environs de Cernay. Le proconsul romain installera dans la région de Brumath une peuplade celtique transrhénane qui s'était jointe aux troupes d'Arioviste : les Triboques. Or ce peuple, au contact des Germains, avait adopté certaines de leurs coutumes comme le rite funéraire ici montré qui consiste à incinérer le défunt et à placer dans une urne ses cendres ainsi que ses objets familiers préalablement ployés. On reconnaît, à côté de l'urne ovoïde, deux pointes de lance, une paire de forces, une épée et une fibule. Tous ces objets, à l'exception de la céramiquecéramique, sont désormais en fer. La particularité de ce rite funéraire permet de distinguer, en basse-Alsace, l'élément triboque du domaine médiomatrique. Cet élément triboque est particulièrement apparent dans un triangle dont les angles seraient Brumath, Schweighouse et Schirrhein.

    Les Triboques s'installent dans un territoire limité

    Le coude du Rhin voit l'arrivée des Rauraques, originaires de la Ruhr et, au moment des incursions d'Arioviste, les Triboques s'installent dans un territoire limité par Schirrhein, Brumath et Schweighouse. Les sépulturessépultures triboques sont caractérisées par le rite de l'incinération et le mobilier ployé placé avec les cendres dans une urne de céramique. La prospection montre que les places-fortes celtiques ont été nombreuses, même si leur étude scientifique n'a pu être réalisée, faute de moyens. Quoi qu'il en soit, grâce aux fouilles archéologiques, on connaît les stations de La Bure et de la pierre d'Appel près de St.-Dié, le Munsterhûgel de Bale et le Donnerberg, dans le sud du Palatinat.

    En Alsace même, on peut évoquer sans risque d'erreur le col de Saverne et ses environs (Heidenstadt près d'Ernolsheim), le Mont St.-Odile, le Maimont près de Niedersteinbach, à la frontière du Palatinat.

    Si l'on tient compte des habitats civils, on s'aperçoit que l'occupant romain ne néglige pas l'armaturearmature celtique, il établit ses agglomérations là où elles se trouvaient auparavant. Mais face à l'ennemi germain, il installe aussi des « castella » le long du Rhin, à Bâle, Kembs, Biesheim-Breisach, Rhinau ou Geratheim, Strasbourg, Drusenheim, Seltz.