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    Depuis sa découverte en 1945, la RMN a connu d'incroyables développements technologiques, motivés par la diversité de ses applications (qui vont de la physique à la médecine). Elle est par exemple l'unique méthode capable de déterminer la structure de protéinesprotéines en solution. Cet exemple illustre bien son incroyable potentiel.

    Les applications de la RMN ne sont cependant pas limitées à la biologie, puisque cette technique est aussi bien appliquée à la chimie des matériaux (zéoliteszéolites, polymères, cristaux liquidesliquides) qu'à la recherche en cosmétique. Elle est aussi utilisée de manière standard comme outil de diagnosticdiagnostic médical, et trouve même des applications dans la recherche de nouvelles sources de pétrolepétrole.

    L'imagerie par résonance magnétique, un outil de diagnostic clinique [b]. © <em>L'Actualité chimique</em>

    L'imagerie par résonance magnétique, un outil de diagnostic clinique [b]. © L'Actualité chimique

    De fait, les applications potentielles de la RMN ne sont limitées que par le défi et le coût du développement de la technologie capable de produire de très hauts champs magnétiques, et par l'imagination des chercheurs.

    Détermination de la structure tridimensionnelle de protéines [c]. Se basant sur la découverte que l’aimantation de certains noyaux pouvait être transférée à d’autres noyaux à travers l’espace (effet Overhauser nucléaire) et une relation entre les angles dihédraux et les constantes de couplage, Kurt Wüthrich, prix Nobel de chimie 2002, et son groupe ont déterminé la structure 3D d’une protéine en solution pour la première fois en 1986. En 2000, il fut le premier à déterminer la structure de la protéine du prion humain. © Lopez-Garcia, F., Zahn, R., Riek, R., Wuthrich, K., RCSB, www.rcsb.org, DP

    Détermination de la structure tridimensionnelle de protéines [c]. Se basant sur la découverte que l’aimantation de certains noyaux pouvait être transférée à d’autres noyaux à travers l’espace (effet Overhauser nucléaire) et une relation entre les angles dihédraux et les constantes de couplage, Kurt Wüthrich, prix Nobel de chimie 2002, et son groupe ont déterminé la structure 3D d’une protéine en solution pour la première fois en 1986. En 2000, il fut le premier à déterminer la structure de la protéine du prion humain. © Lopez-Garcia, F., Zahn, R., Riek, R., Wuthrich, K., RCSB, www.rcsb.org, DP

    En effet, la RMN permet de sonder la structure et la dynamique des moléculesmolécules en utilisant des transitions de spinsspins nucléaires. En l'absence de champ magnétiquechamp magnétique, ces transitions sont dégénérées (de même énergieénergie). Elles acquièrent une énergie différente en présence d'un champ magnétique (effet Zeeman). Le signal RMN est proportionnel à la différence d'énergie entre ces niveaux, qui est habituellement très faible (dans la gamme des radiofréquences). L'intensité et la résolutionrésolution du signal augmentent donc avec le champ magnétique, motivant ainsi la recherche de champs toujours plus élevés.

    Imagerie par résonance magnétique (IRM) [b]. En 1973, Paul Lauterbur utilise un spectromètre RMN haute résolution pour fournir la première IRM : deux tubes à essai remplis d’eau. En l’espace de dix ans, cette expérience a évolué pour devenir l’outil de choix pour le diagnostic de nombreuses maladies, en particulier de cancers. © <em>L'Actualité chimique</em>

    Imagerie par résonance magnétique (IRM) [b]. En 1973, Paul Lauterbur utilise un spectromètre RMN haute résolution pour fournir la première IRM : deux tubes à essai remplis d’eau. En l’espace de dix ans, cette expérience a évolué pour devenir l’outil de choix pour le diagnostic de nombreuses maladies, en particulier de cancers. © L'Actualité chimique

    Au fil des ans, elle est passée du stade de simple curiosité illustrant la théorie -- alors nouvelle -- de la mécanique quantique à celui d'une technique incontournable pour la caractérisation d'un grand nombre de matériaux.

    La RMN est aujourd'hui un outil essentiel pour la caractérisation à l'échelle atomique ou moléculaire d'un vaste nombre de systèmes : surfaces métalliques, catalyseurscatalyseurs, polymères, supraconducteurssupraconducteurs, verresverres, cristaux liquides, intermédiaires de synthèse, assemblages supramoléculaires, produits naturels, médicaments, membranes et protéines, pour ne citer qu'eux. Elle est au centre des techniques d'analyse standard et a révolutionné notre approche de la chimie, que ce soit au niveau de la synthèse ou de l'étude de la dynamique moléculaire.

    IRM de la colonne vertébrale [b]. En 2003, Lauterbur et Mansfield reçoivent le prix Nobel de médecine. © <em>L'Actualité chimique</em>

    IRM de la colonne vertébrale [b]. En 2003, Lauterbur et Mansfield reçoivent le prix Nobel de médecine. © L'Actualité chimique

    Ces progrès phénoménaux peuvent être attribués à deux principaux facteurs. Tout d'abord, l'augmentation du champ magnétique des aimantsaimants RMN -- qui est passé des électroaimants générant un champ de 0,9 T, correspondant à une fréquencefréquence de résonancerésonance de 40 MHz pour les protonsprotons, à des aimants supraconducteurs créant un champ de 1 GHz aujourd'hui -- a permis l'analyse de systèmes de plus en plus complexes et a contribué à l'élargissement du domaine d'application de la RMN. Un autre facteur de ce développement fulgurant concerne les progrès faits au niveau des expériences de RMN par des groupes de recherche. À ce titre, on peut citer deux innovations majeures qui sont intrinsèquement liées. Dans les années 1970, Richard Ernst (Zurich) -- prix Nobel de chimie en 1991 -- introduisit la RMN par transformée de Fouriertransformée de Fourier. En réalisant l'acquisition du signal dans le domaine temporel, puis en faisant la transformée de Fourier de ce signal au lieu du conventionnel balayage en fréquence, la sensibilité de l'expérience fut augmentée d'un facteur 100. Ce pas de géant pour la RMN en amena un autre : en 1971, lors d'une école d'été en Pologne, Jean Jeneer proposa une méthode qui pourrait conduire à l'acquisition de spectresspectres de corrélation bidimensionnels en tirant parti de la transformée de Fourier. Ernst fit la démonstration expérimentale de cette proposition en 1975 et montra qu'il était possible d'établir des connectivités entre les atomesatomes des molécules.

    En quelques années, des dizaines de séquences RMN sont nées, capables de sonder les connectivités à travers les liaisons (COSY), à travers l'espace (NOESY), par échange chimique (EXSY) ou encore entre hétéroatomeshétéroatomes (HSQC). Ceci fut la démonstration que la RMN ne se limitait pas à une méthode pour obtenir les déplacements chimiques des protons d'une molécule, mais qu'elle pouvait s'adapter à une grande diversité de problèmes, allant de la structure tridimensionnelle d'une protéine à la mesure de coefficients de diffusiondiffusion. La RMN multidimensionnelle, en combinaison avec la capacité que l'on a à manipuler l'hamiltonienhamiltonien apparent de RMN (manipuler l'aimantationaimantation dans l'espace, ce qui se traduit au niveau quantique par des rotations de l'hamiltonien dans l'espace des spins) par des impulsions radiofréquence (notion introduite entre autres par Andrew, Waugh et Freeman) permet de créer des expériences RMN qui s'adaptent aux propriétés que l'on veut extraire, de l'affinité d'une enzymeenzyme pour un substratsubstrat à la dynamique moléculaire d'un catalyseur sur une surface.

    L'un des aspects les plus excitants de la RMN est que bien que l'on soit absolument certain que de plus hauts champs vont ouvrir de nouvelles applications (comme cela a toujours été le cas dans le passé), il est impossible de savoir à l'avance dans quel domaine cette révolution aura le plus d'impact.