Vittorio Formisano, le scientifique en chef du spectromètre PFS de la sonde européenne Mars Express, a dévoilé hier de nouvelles informations sur le méthane martien au cours d'une conférence internationale qui se déroule actuellement en Italie. Les rumeurs ayant eu largement le temps de se propager depuis l'annonce initiale de la découverte de traces de méthane dans l'atmosphère martienne en mars 2004, les nouvelles données ne constituent plus vraiment une surprise, mais restent somme toute très intéressantes.

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    Mars Express

    Mars Express

    Les récentes analyses montrent effectivement une intrigante corrélation entre la teneur de la basse atmosphèreatmosphère martienne en vapeur d'eau et la concentration de méthane. Ainsi, à l'aplomb de trois régions de la surface martienne (Arabia TerraTerra, Elysium Planum et le secteur d'Arcadia Memnonia), l'atmosphère est plus riche non seulement en vapeur d'eau, mais aussi en méthane. Un même phénomène pourrait donc être à l'origine de l'émission des deux gaz.

     Concentrations de vapeur d'eau

    Concentrations de vapeur d'eau

    Voilà pour les données brutes. Si ces dernières ont peu de chance d'être contestées par la communauté scientifique, il n'en sera pas de même des interprétations qui seront proposées pour expliquer ce phénomène singulier. Sur Terre, le méthane est principalement le résultat d'une activité biologique, même s'il peut également être rejeté par des volcansvolcans en activité.

    Qu'en est-il du méthane martien ?

    Le recoupement entre vapeur d'eau et méthane mis en lumière par Mars ExpressMars Express ne permet malheureusement pas de choisir entre l'origine volcanique et biologique, même si paradoxalement il renforce les deux hypothèses. Au niveau des trois régions qui connaissent des bouffées de méthane, la sonde américaine Mars OdysseyMars Odyssey a détecté, grâce à une batterie de spectromètres, la présence de glace dans le premier mètre du sol. L'une des manières d'expliquer cette carapace de glace superficielle est de considérer qu'une source de chaleur (comme une chambre magmatiquechambre magmatique) provoque dans les profondeurs de la croûtecroûte martienne la fusionfusion de poches de glace. L'eau, désormais liquideliquide, remonte alors vers la surface en profitant des nombreuses failles qui zèbrent la croûte. Lorsqu'elle arrive à proximité de la surface, le froid reprend ses droits et l'eau gèle à nouveau. Sous l'effet de la température très basse et de la pressionpression très faible de l'airair martien, une mince pellicule se sublime (passage direct de l'état solideétat solide à l'état gazeuxétat gazeux sans passer par la phase liquide) et se transforme alors en vapeur d'eau. La source de chaleur pourrait relâcher simultanément des gaz comme le méthane, qui emprunterait à peu près le même chemin que l'eau et finirait donc par arriver à la surface pour se mélanger à l'humidité ambiante ...

    Cette hypothèse très conservatrice, déjà remarquable en soi puisqu'elle ne suggère ni plus ni moins que l'existence d'appareil volcanique encore actif sur Mars, peut facilement laisser la place à l'hypothèse biologique. Dans cette dernière, le méthane ne provient plus du dégazagedégazage du magmamagma, mais de bactériesbactéries méthanogènes qui se prélassent avec délice à proximité de la surface, juste en dessous de la carapace de glace, dans la zone où l'eau liquide imbibe les pores du socle rocheux.

    Pour expliquer la présence du méthane dans l'atmosphère de Mars, certains scientifiques avaient jusqu'à présent avancé d'autres hypothèses qui n'impliquaient ni volcans, ni formes de vie, comme un lent dégazage du manteaumanteau martien, ou un apport extérieur par le biais de comètescomètes ou de météoritesmétéorites. Ces scénarios alternatifs ne peuvent cependant pas expliquer le lien entre la vapeur d'eau et le méthane, et il est donc probable que la solution se trouve soit du côté du volcanismevolcanisme, soit du côté du vivant. Ce qui, reconnaissons-le, est assez enthousiasmant.

    Comme on pouvait s'en douter, les résultats provocateurs de Mars Express déchaînent déjà bien des passions. Ainsi, dans une interview accordée à Space.com, Jim Garvin, responsable scientifique pour l'exploration de Mars à la NASANASA, n'ose même pas évoquer l'hypothèse biologique, alors que la quasi totalité du programme d'exploration martien américain est tourné vers la recherche de traces de vie passée et présente sur la planète rouge.

    Plus étonnant encore, Mr Garvin estime nécessaire de rappeler que la sonde Mars Odyssey ne peut détecter la glace dans le sous-sol que de manière indirecte (par la mesure des atomesatomes d'hydrogènehydrogène), alors que la NASA n'a pour l'instant jamais fait dans la demi-mesure lorsqu'il s'agissait d'associer l'hydrogène et l'eau. Cette précision n'a probablement pas sa place ici, étant donné que même si l'hydrogène mesuré par les instruments de Mars Odyssey peut effectivement provenir non pas de glace, mais de minérauxminéraux hydratés, la présence effective de glace dans les régions "méthanisées" est confirmée par la vapeur d'eau mesurée par Mars Express. L'eau prisonnière du réseau cristallinréseau cristallin des minéraux n'a effectivement aucun moyen de s'échapper dans les conditions régnant actuellement à la surface de Mars (il faudrait pour cela chauffer les roches à plusieurs centaines de degrés), alors que la glace peut facilement se sublimer en vapeur d'eau. Bien sûr, cette dernière pourrait aussi sortir directement de la bouche d'un volcan, mais ce serait une preuve encore plus flagrante d'un volcanisme actif que ne l'est le méthane.

    Les résultats de Mars Express promettent donc bien des débats, d'autant que les scientifiques vont avoir de grandes difficultés pour trancher entre les différentes hypothèses qui sont ou seront proposées. Si Mars Express va encore parcourir de nombreuses révolutions autour de Mars, et si des indices confondants se cachent sans doute derrière les spectresspectres infrarougesinfrarouges et les images, il est probable qu'une réponse définitive sur l'origine du méthane soit hors de notre portée. Certes, nous détecterons peut-être prochainement d'autres gaz spécifiques du volcanisme ou du vivant, qui permettront ainsi de resserrer le filet sur le coupable. Néanmoins, il nous faudra sans doute envoyer d'autres sondes avant de savoir sans l'ombre d'un doute si cette petite moléculemolécule qu'est le méthane signifie V.I.E. S.U.R. M.A.R.S. .