Une équipe de radioastronomes pense qu’elle a peut-être fait une découverte étonnante en scrutant une région proche de la nébuleuse d’Orion. L’intensité des émissions de lumière mesurées à l’aide du radiotélescope de Green Bank ne s’explique pour le moment que par la présence de grains de matière dont les tailles seraient comprises entre 1 mm et 1 cm, du jamais vu au sein d’un nuage moléculaire.

au sommaire


    Une image composite en fausses couleurs prise dans le visible et le domaine radio. Elle montre la nébuleuse d'Orion et, en orange, les filaments observés par le radiotélescope de Green Bank, situé en Virginie Occidentale aux États-Unis. © S. Schnee, et al., B. Saxton, B. Kent (NRAO, AUI, NSF)

    Une image composite en fausses couleurs prise dans le visible et le domaine radio. Elle montre la nébuleuse d'Orion et, en orange, les filaments observés par le radiotélescope de Green Bank, situé en Virginie Occidentale aux États-Unis. © S. Schnee, et al., B. Saxton, B. Kent (NRAO, AUI, NSF)

    Les astronomesastronomes amateurs savent tous que la constellation d'Orion contient deux objets différents dont les images sont particulièrement célèbres, à savoir la nébuleuse de la Tête de Cheval (Barnard 33) et la nébuleuse d’Orion (M42M42). L'essor de la radioastronomie et de l'astronomie infrarouge a révélé qu'ils appartiennent tous deux à un immense nuagenuage moléculaire qui s'étend sur plus de 1.500 années-lumière. L'ensemble de ce qui est désormais connu sous le nom de nuage moléculaire d'Orion (OMC), ou encore de complexe d'Orion, est intensivement étudié. On sait par exemple que Messier 42 (M42) est une pouponnière d'étoiles où le télescopetélescope HubbleHubble a débusqué plusieurs disques protoplanétairesdisques protoplanétaires. En 2006, les membres de la mission SpitzerSpitzer ont même annoncé qu'ils en avaient découvert environ 2.300 au sein du complexe d'Orion. 

    Récemment, une équipe de radioastronomes ayant utilisé le radiotélescoperadiotélescope de Green Bank, rendu célèbre par son rôle dans le programme Seti, a déposé sur arxiv un article présentant une stupéfiante découverte dans cette région. Au départ, il s'agissait de compléter à des longueurs d'ondelongueurs d'onde un peu plus grandes, des observations déjà faites au moyen du radiotélescope de 30 m de l'IRAM en Espagne. Elles concernaient une partie du complexe d'Orion entourant et contenant M42, plus précisément d'une région formée de longs filaments de poussières et de gazgaz condensés, dont la longueur est d'environ 10 années-lumière, et que l'on appelle OMC-2/3.

    Voilà à quoi ressemblent, en fausses couleurs, les filaments dans le complexe d’Orion observés avec le radiotélescope de <em>Green Bank</em>. Il semble qu’ils contiennent des cailloux au minimum de tailles millimétriques. © S. Schnee et al., B.Saxton (NRAO, AUI, NSF)

    Voilà à quoi ressemblent, en fausses couleurs, les filaments dans le complexe d’Orion observés avec le radiotélescope de Green Bank. Il semble qu’ils contiennent des cailloux au minimum de tailles millimétriques. © S. Schnee et al., B.Saxton (NRAO, AUI, NSF)

    Des cailloux de 1 mm à 1 cm dans la nébuleuse d’Orion

    Cette région est apparue beaucoup plus brillante que prévue dans la nouvelle bande spectrale millimétrique où ont été faites les mesures. Pour expliquer les observations, les chercheurs ont finalement été conduits à faire une hypothèse étonnante. Les grains de matièrematière à l'origine de ces émissionsémissions devaient être de 100 à 1.000 fois plus gros que les grains de poussière typiques trouvés dans les nuages moléculaires où naissent les étoiles et les systèmes planétaires. Ce qui signifie qu'OMC-2/3 contiendrait des petits cailloux dont les tailles sont comprises entre un millimètre et un centimètre.

    Les astrophysiciensastrophysiciens sont pour le moment partagés quant à l'origine de ces cailloux. Jusqu'à présent, on pensait que le passage des grains de poussière à des planétésimaux se déroulait dans les disques protoplanétaires. On ne comprend pas aussi bien les détails de cette transition qu'on le voudrait. Il y a par exemple le problème de la « barrière du mètre » qui peut être résolu par la théorie proposée par Pierre BargePierre Barge et Joël Sommeria en 1995 et semblant confirmée par les observations d'Alma. Si certains disques protoplanétaires débutent leur existence en contenant déjà des cailloux et qu'ils n'ont pas à se former par accrétionaccrétion de poussière, on peut donc imaginer que le début du processus de formation des planètes dans un disque protoplanétaire, lequel se serait formé par effondrementeffondrement gravitationnel dans une région d'OMC-2/3, serait plus facile.

    Deux scénarios possibles pour les cailloux d’Orion

    Il est possible que cette formation précoce de cailloux soit due à l'environnement particulier qu'est le complexe d'Orion et surtout à la présence des filaments où ces objets ont été détectés. Ils sont en effet plus froids, plus denses et avec des vitessesvitesses plus faibles que les autres nuages moléculaires en moyenne. Il se peut aussi que les cailloux fussent créés dans des disques protoplanétaires avant d'être éjectés dans le milieu interstellaire de OMC-2/3.

    Toutefois, la prudence reste de mise. « Bien que nos résultats suggèrent la présence de grains de poussière de taille inattendue, la mesure de la massemasse de poussière présente ne va pas de soi, de sorte qu'il pourrait y avoir d'autres explications pour la signature lumineuse que nous avons détectée dans les émissions du nuage moléculaire d'Orion » tempère Brian Mason, un des astronomes coauteur de la découverte. Il ajoute : « notre équipe continue d'étudier cette région fascinante. Comme elle contient l'une des plus fortes concentrations de protoétoiles connues dans les nuages moléculaires proches de nous, elle continuera à exciter la curiosité des astronomes ».