Depuis quelques années, des mesures sont mises en place pour lutter contre les stéréotypes de sexe dans tous les domaines. Dans celui des sciences et des technologies en particulier. Pourtant, la part des jeunes filles dans les formations associées continue de diminuer. Caroline Laurent, elle, fait partie de celles qui viennent de rejoindre les rangs de l'Académie des technologies. Avec dans l'idée de plancher sur la question. Portrait de celle qui est aujourd'hui directrice des systèmes orbitaux et des applications au Centre national d'études spatiales (Cnes).
[EN VIDÉO] Journée internationale des droits des femmes : en science comme partout, elles changent le monde Le 8 mars est la journée internationale des droits des femmes. Celle-ci permet de faire un point de toutes les avancées qu'ont permis les luttes féministes. En l'occurrence, sur l'attribution des prix Nobel. Bien que la parité soit encore loin d'être respectée, de plus en plus de femmes sont reconnues et récompensées pour leurs prouesses.
L'Académie des technologies, c'est ce que l'on appelle une société savante. Un groupement de scientifiques et d'ingénieurs, d'experts issus de différents horizons. Son objectif : éclairer la société pour encourager un progrès raisonné, choisi et partagé. Alors qu'une Académie des sciences existe en France depuis le milieu du XVIIe siècle, l'Académie des technologies, elle, a vu le jour il y a à peine une vingtaine d'années. Depuis, elle élit régulièrement de nouveaux académiciens.
Cette année, presque autant de personnalités au féminin que d'experts hommes. Presque. Dix sur vingt-trois. Et parmi elles, une en particulier : Caroline Laurent. En particulier pour le sujet qui nous concerne aujourd'hui parce que cette question de la parité, c'est une question qui l'interpelle. Une question à laquelle elle souhaite aujourd'hui réfléchir un peu plus. Dans l'espoir de trouver enfin des réponses. « Au sein de l'Académie, si on me le demande, je donnerai mon avis sur les nanosatellites avec plaisir, nous assure-t-elle. Mais j'ai plus envie d'apporter ma pierre pour améliorer l'attractivité pour les femmes des carrières technologiques et scientifiques. »
Le saviez-vous ?
Entre 2013 et 2017, le nombre de femmes diplômées de la tech en France a baissé de 6 %. Le nombre de diplômées du numérique, lui, a reculé de 2 %. Alors même qu’en Europe, il a progressé respectivement de 2 % et de 23 % !
« D'autant que j'ai l'impression que c'est une problématique propre à la France, remarque-t-elle. Et que j'ai le sentiment que les choses n'évoluent plus. Au Cnes, par exemple, nous faisons tout pour séduire les jeunes femmes. Pourtant, leur pourcentage n'augmente pas. Il a même tendance à baisser. » Les chiffres semblent vouloir le confirmer. La part des filles dans les grandes écoles d'ingénieurs n'a pas progressé depuis dix ans. Pire, dès le lycée, les filles sont sous-représentées dans les enseignements scientifiques. En 2021, elles ne représentaient que 13 % des élèves ayant choisi la spécialité « sciences de l'ingénieur ».
Caroline Laurent, ingénieure générale de l’armement hors classe, directrice de la stratégie de la @DGA, est nommée directrice des systèmes orbitaux du @CNES à compter du 1er septembre 2019. pic.twitter.com/cdEsw6kBFy
— Direction générale de l'armement (@DGA) May 7, 2019
Le soutien de son entourage
Petite, Caroline Laurent, elle, voulait être médecin. « Jusqu'au lycée, même. Puis, c'est le goût des maths et de la physique qui m'a fait bifurquer. Mon intérêt pour l'espace aussi. Je ne me voyais pas simplement continuer à apprendre des choses par cœur comme on le faisait en biologie. » Et voilà comment elle a fini par intégrer le Centre national d'études spatiales (Cnes) en 2019. « Un peu comme un rêve qui devient réalité, pour moi », nous confie-t-elle. Depuis le début de cette année 2022, elle y occupe le poste à responsabilité de directrice des systèmes orbitaux et des applications. Avant cela, la diplômée de l'École polytechnique et de Sup-Aéro, ingénieure hors classe de l'armement, œuvrait à la Direction générale de l'armement (DGA) où elle avait fini directrice de la stratégie.
Une véritable « carrière d'homme » ? Pas tout à fait. « Je suis sûre que j'aurais mieux réussi si j'avais été un homme », nous lâche Caroline Laurent dès le début de notre entretien. « Il y a eu beaucoup plus de postes refusés que ceux que j'ai acceptés. Parce qu'ils risquaient de bousculer l'équilibre entre ma vie familiale et ma vie professionnelle. J'étais celle qui devait déposer les enfants à l'école à 8 heures 30 et être de retour le soir à 19 heures 30. Si j'avais été un homme, j'aurais été plus libre. »
Oui parce qu'il est utile de le préciser, Caroline Laurent est aussi l'heureuse maman de cinq enfants qui, aujourd'hui devenus grands, la soutiennent plus que jamais dans ses choix. « Lorsque j'ai reçu la proposition du Cnes, j'ai hésité. Ma famille, mon appartement, ma vie, tout était à Paris. Le poste, lui, était à Toulouse. Mes trois filles n'ont pas hésité, elles », nous raconte-t-elle. « Fais comme papa. Fais comme ils font, eux, les hommes », lui ont-elles dit. Alors, elle a foncé.
« J'ai toujours été très soutenue par mon entourage », se souvient-elle. Poussée même un peu. « J'étais partie pour m'inscrire à la fac. Mais mon prof de maths et mes parents m'ont encouragée à choisir la prépa. J'imagine qu'ils auraient fait de même si j'avais été un garçon. » Et plus tard, lorsque Caroline Laurent arrête de travailler pour suivre son mari aux États-Unis, ces mêmes parents n'ont pas sauté de joie. « À notre retour, ma mère, une infirmière un peu féministe, a tout fait pour que je retrouve une place dans la société. Elle a pris sa retraite pour s'occuper des devoirs des enfants et des allers-retours aux activités du mercredi. Elle l'a fait pour que j'aie le choix de ne pas dire non à une belle opportunité de carrière. »
Lycéens et lycéennes, rdv le 25 janvier à 18h30 pour découvrir le parcours inspirant de Caroline Laurent, Directrice des Systèmes Orbitaux @CNES : une carrière scientifique d’ingénieur dans l'administration, tournée vers l’aéronautique et l’espace... @Polytechniquepic.twitter.com/txVKzPUCWO
— Diversité/Actions Lycées - École polytechnique (@XDiversite) January 20, 2022
Des choix à faire
« J'ai longtemps cru que certains choix m'avaient été imposés. Aujourd'hui, je me dis qu'ils étaient peut-être bien tout simplement les miens. Des choix de femme. Mais des choix quand même. » Et c'est l'un des messages que Caroline Laurent souhaite aujourd'hui envoyer aux jeunes filles. « Il faut oser faire ce qui vous plaît. Ne pas vous limiter dans vos choix. Refuser un poste, c'est aussi faire un choix. Tout comme le fait de répondre à un besoin émotionnel, pas tout à fait rationnel. Ce que j'ai fait quand j'ai accepté ce poste au Cnes. »
Avec une mère aussi engagée, quelle voie ses trois filles ont-elles choisie, vous demandez-vous ? « Je n'ai fait aucune différence dans l'éducation de mes filles et de mes garçons. J'ai une fille polytechnicienne et deux de mes filles ont préféré entrer en école de commerce. » « J'avais l'impression que ce serait plus facile », lui a confié l'une d'elles. « Peut-être que les femmes sont moins poussées par le dépassement de soi, réfléchit alors Caroline Laurent à haute voix. Moi, je l'avais l'esprit de compétition. Déjà au lycée, grâce à mes bonnes notes en maths, j'avais intégré un établissement qui venait juste de s'ouvrir aux filles. Nous devions être cinq dans une classe de plus de trente. Mais j'avais envie de m'engager dans cette voie, alors peu m'importait de n'être entourée que de garçons. »
Malgré son attirance pour ce « côté élitiste », Caroline Laurent a eu besoin d'encouragements pour progresser. Pas seulement de ceux de sa famille. « J'ai été poussée par un mentor aussi. Il a beaucoup compté dans ma carrière. Il m'a proposé beaucoup de postes qui me permettaient d'évoluer. Surtout, il ne s'est jamais arrêtait pas à mes "non, je n'y arriverai pas". Il avait toujours de nouvelles propositions. Son attitude à mon égard m'a beaucoup portée. »
« Je suis sûre que les femmes ont quelque chose de différent à apporter. Une vision peut-être moins experte, mais plus globale. Une vision précieuse surtout dans ces domaines de l'aéronautique, des télécoms, des systèmes d’information, du spatial où les systèmes étudiés sont d'une infinie complexité », nous confie alors la directrice des systèmes orbitaux et des applications du Cnes. « Les équipes mixtes sont plus riches. Il y a réellement de la place pour les femmes dans ces mondes-là ! »
Même à celles qui n'ambitionnent pas de carrière dans un domaine de la technologie, Caroline Laurent le rappelle, « c'est un plus de comprendre le monde dans lequel on évolue. C'est pour ça qu'on fait des sciences. Pour comprendre comment tout ça fonctionne. Notre Planète et l'Univers. Comprendre ce qui est faisable. Et ce qui ne l'est pas. »
Barbara McClintock Barbara McClintock (1902-1992), américaine, est pionnière de la « cytogénétique », c'est-à-dire l'étude de la génétique au sein même de la cellule. Elle consacra sa carrière à l’étude des chromosomes de maïs, ce qui lui permit de découvrir les phénomènes de recombinaison au cours de la méiose, le lien entre les régions chromosomiques et les traits phénotypiques. La découverte de l’existence des transposons, ou « gènes sauteurs », lui valut le prix Nobel de médecine en 1983. © Jean-Pierre Rubinstein, Christiane Tuquet, Christiane Lichtlé, laboratoire Organismes photosynthétiques et environnement, ENS.
Jane Goodall Jane Goodall est une primatologue, éthologue et anthropologiste britannique. Elle a consacré sa vie à l’étude des chimpanzés et publié de nombreux travaux qui ont transformé la vision que les Hommes se font des primates et des animaux en général. Dans les années 1960, en étudiant les chimpanzés du parc national Gombe, en Tanzanie, elle découvre, notamment, qu'ils savent fabriquer un outil, en l'occurrence un attrape-fourmis. Grande militante du droit des animaux, elle est messagère des Nations unies pour la paix. © Nick Stepowyj, Flickr, licence CC 2.0 ; Martin Pettitt, Flickr, licence CC 2.0
Dian Fossey Grande primatologue spécialiste du comportement des gorilles, Dian Fossey (1932-1985), née en Californie fut la première à montrer un possible contact paisible entre un gorille sauvage et un humain. Elle fait partie des pionnières de l'étude in situ des primates, avec Jane Goodall (pour les chimpanzés) et Biruté Galdikas (pour les orangs-outans). Son combat contre le braconnage lui coûta probablement la vie en 1985, année où elle fut assassinée au Rwanda. © Marfis75, Flickr, licence CC BY 2.0 ; Mary-Lynn, Flickr, CC BY 2.0
Rosalind Elsie Franklin Née à Londres le 25 juillet 1920, Rosalind Elsie Franklin était une élève exemplaire. Femme et juive en cette première moitié du XXe siècle marquée par la guerre, elle intègre l’université de Cambridge en 1938 où elle étudie la chimie et la physique. Elle obtient son doctorat en 1945 pour ses travaux sur la porosité du charbon. Après la seconde guerre mondiale, Rosalind Franklin se rend en France, où elle a l’opportunité de se former à la cristallographie aux rayons X, aussi appelée diffractométrie aux rayons X, auprès de Jacques Mering, spécialiste en la matière, au Laboratoire central des services chimiques. Elle applique ensuite ses connaissances à l’étude du charbon, puis à l’étude de l’ADN, lorsque de retour à Londres en 1951, elle entre au King’s College. C’est là qu’elle réalise de superbes photographies de l’ADN aux rayons X, qui apporteront une contribution cruciale à la découverte de la structure à double hélice. Mais si les travaux de Rosalind Franklin sur la chimie du charbon sont reconnus, on lui retira cependant tout mérite à la découverte de la structure à double hélice de l’ADN. Ses recherches, publiées dans la prestigieuse revue Nature en 1953, vaudront un prix Nobel à ses collègues James Watson, Maurice Wilkins et Francis Crick en 1962, mais pas à Rosalind Franklin. La chimiste et biologiste moléculaire, dont le nom fut à peine mentionné dans la publication scientifique, décède d’un cancer de l’ovaire le 16 avril 1958 à l’âge de 37 ans, avant l’attribution du prix Nobel. © Jewish Chronicle Archive/Heritage-Images. Caroline Davis, Flickr, CC BY 2.0
Marie-Anne Pierrette Paulze Lavoisier Marie-Anne Pierrette Paulze Lavoisier (1758-1836) fut la femme du célèbre chimiste Antoine-Laurent de Lavoisier, mais aussi sa précieuse collaboratrice. Elle prit notamment de nombreuses notes et dessins de leurs expériences, ce qui leur permit de diffuser leurs découvertes, qui ne furent autres que les préceptes de la chimie moderne. © CC
Henrietta Leavitt Entrée en 1895 au Harvard College Observatory, l’astronome américaine Henrietta Swan Leavitt (fille d’un ministre, née le 4 juillet 1868 à Lancaster, dans le Massachusetts), devenue sourde après une maladie, se fait remarquer au sein de l’équipe de Charles Pickering. Les femmes sont alors interdites de télescopes et c’est au service de photométrie qu’elle montre ses qualités, un service entièrement féminin – on appelle ces femmes des calculatrices. Travaillant sur les étoiles variables (dont la luminosité varie plus ou moins régulièrement), Henrietta Leavitt en découvrira des milliers. Entre 1908 et 1912, elle découvre dans les deux nuages de Magellan (des structures éloignées et séparées de notre Galaxie) que certaines variables sont très régulières – ce sont les céphéides – et que plus elles sont lumineuses (en moyenne puisqu’il s’agit de variables) et plus leur période est longue (plus leur rythme est lent). Elle comprend qu’il suffirait d’évaluer la luminosité réelle (« absolue ») d’une ou plusieurs céphéides proches dont on aurait pu mesurer la distance pour obtenir une relation période-luminosité faisant des céphéides des « chandelles standards ». En mesurant sa période, on aurait sa luminosité absolue et donc sa distance. Elle n’obtient pas l’autorisation d’effectuer cette calibration. C’est un astronome hollandais, Ejnar Hertzprung, qui la réalisera. Grâce à cette relation période-luminosité, les astronomes mesureront les distances des amas globulaires, déterminant la forme de notre galaxie et Edwin Hubble estimera la distance – énorme – de la nébuleuse d’Andromède, établissant la notion de galaxie. En 1924, un membre de l’académie des sciences de Suède propose Henrietta Leavitt pour le prix Nobel de physique, avant d’apprendre que la discrète astronome était décédée d’un cancer en 1921. Son nom a été donné à un astéroïde (le numéro 5383) et à un cratère de la Lune, situé sur la face cachée. © Domaine public
Caroline Herschel Née le 16 mars 1750 à Hanovre, Caroline Herschel s’installe en Angleterre avec son frère William, son aîné de douze ans. Ce dernier, astronome amateur, à qui l'on doit de nombreuses découvertes fut le premier à débusquer Uranus. Cette découverte qui le rendra célèbre, fera de lui un astronome professionnel au service du roi George III. Caroline assiste de plus en plus souvent son frère et cette musicienne (qui fut enseignante et chanteuse), au fil des années, découvre sept comètes. Elle a notamment repéré, en 1795, celle dite de Encke, observée une première fois, en 1786, par le Français Pierre Méchain. Devant l’importance de ses contributions, le roi la nomme aux côtés de son frère et Caroline Herschel devient ainsi la première femme astronome professionnelle de l’Histoire. Elle effectuera de nombreuses observations et recevra plusieurs récompenses, dont la médaille d’or de la Royal Astronomical Society. © Domaine public
Émilie du Châtelet Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil naît aristocrate, le 17 décembre 1706, à l’aube d’un siècle des Lumières dont elle sera l’une des figures de proue. Douée pour tout, fille d’un homme à l’esprit ouvert qui lui offre une éducation exceptionnelle pour une femme de cette époque, elle danse, joue du clavecin, apprend le latin, le grec et l’allemand, s’intéresse aux beaux habits, à l’opéra et à la philosophie naturelle, c’est-à-dire aux sciences. Elle épouse le marquis Florent Claude du Châtelet, semble-t-il ébloui par son intelligence, et tous deux s’engagent dans une relation souple qui laissera la marquise du Châtelet libre de fréquenter les grands hommes de son époque, comme Bernoulli, Euler, Buffon et Réaumur. Certains deviendront ses amants, notamment Maupertuis et Voltaire, qu’elle accueille quand il est en disgrâce. Elle se passionne pour la physique et analyse les travaux théoriques de Leibniz sur l’énergie cinétique, qu’elle illustre à l’aide d’expériences. Émilie du Châtelet rédige un traité de physique, publié par l’Académie des sciences, une première pour une femme. Elle s’intéresse aux travaux de Newton et entame une traduction de ses Principia mathématica, devenus Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Paru en 1756, cet ouvrage sera la seule traduction en français… et c’est encore vrai aujourd'hui. À 43 ans, Émilie du Châtelet meurt quatre jours après l’accouchement difficile d’une fille qui ne survivra pas. © Domaine public
Lise Meitner Née en Autriche le 7 novembre 1878 dans une famille aisée, Lise Meitner entre à l’Université de Vienne en 1901, qui venait juste d’ouvrir ses portes aux femmes. Elle choisit la physique et se fait vite remarquer, notamment de Ludwig Boltzmann, puis, à l’université de Berlin, par Max Planck et par Otto Hahn, lequel restera son ami pour la vie. Elle étudie la radioactivité puis s’intéresse à la structure du noyau atomique. Un long moment, Lise Metner travaille sans être payée. L’université n’est pas ouverte aux femmes mais elle a l’autorisation – exceptionnelle – de Max Planck. Lise Meitner continuera de travailler gratuitement comme assistante d'Otto Hahn à la Société Kaiser Wilhelm pour l'avancement des sciences (KWG), une société savante indépendante. Elle étudie la physique nucléaire et travaille à la mise au point d’un accélérateur de particules. Lise Meitner parvint à expliquer l’instabilité des éléments plus lourds que l’uranium. Elle et Otto Hahn découvrent le protactinium en 1918 (élément repéré en 1913). Entre-temps, Lise Meitner a travaillé comme infirmière en tant que technicienne en radiologie pour l’armée autrichienne, ce qui n’est pas sans rappeler Marie Curie. Lise Meiner s’intéresse à la possibilité d’agir sur le noyau et participe à la course visant à réaliser un élément plus lourd que l’uranium en faisant absorber des neutrons par son noyau. Ses travaux s’inscrivent dans le mouvement qui conduira à la fission nucléaire. Mais Lise Meitner, juive, doit fuir l’Allemagne en 1938 et se réfugie en Suède, où elle continuera à correspondre, souvent secrètement, avec Otto Hahn. Trois fois pressentie pour le prix Nobel, elle n’obtint jamais cette récompense, même si, en 1944, le prix Nobel de chimie fut attribué à Otto Hahn pour des travaux auxquels elle avait largement contribué. Lise Meitner — récompensée par ailleurs de nombreuses fois et reconnue par ses pairs — reste l’un des plus célèbres ratés du comité Nobel. © Domaine public
Lady Ada Lovelace Fille d’un poète britannique (lord Byron) et d’une amatrice de mathématiques (Anne Isabella Milbanke), Augusta Ada King naît le 10 décembre 1815 à Londres, témoigne, comme sa mère, d’un grand intérêt pour les mathématiques. Devenue l'épouse du comte de Lovelace, elle rencontre Charles Babbage, inventeur de la « machine à différences », une calculatrice mécanique. Le mathématicien travaille alors sur la « machine analytique », système mécanique capable de réaliser une série de calculs établis à l’avance et inscrits sur des cartes perforées, considérées comme le précurseur des ordinateurs. La machine ne fut jamais construite entièrement, mais elle était fonctionnelle, comme l’a démontré une réalisation effectuée en 1991. La collaboration de Lady Ada Lovelace n’est pas connue précisément, mais on considère qu’elle a réalisé les premières ébauches d’une écriture formelle des instructions à employer avec cette machine analytique afin de réaliser des calculs donnés. En clair, elle a travaillé sur ce que l’on appelle aujourd’hui un langage informatique. En 1978, le nom Ada fut donné, en son hommage, à l’un de ces langages informatiques élaborés aux États-Unis entre 1977 et 1983 chez CII-Honeywell Bull, sous la direction de Jean Ichbiah. © Jurvetson, Flickr, CC 2.0 Generic.
Hypatie d'Alexandrie : des travaux en philosophie et mathématiques Philosophe et mathématicienne grecque, Hypatie naît vers 370 après Jésus-Christ à Alexandrie, sous domination romaine. Son père, Théon d’Alexandrie, est le dernier directeur de la Grande Bibliothèque. Elle étudie les sciences, en particulier l’astronomie et les mathématiques. On connaît peu de choses de sa vie et de son œuvre, si ce n’est quelques lettres et des écrits ultérieurs. Hypatie aurait enseigné la philosophie dans la lignée de l’école platonicienne et aurait commenté des ouvrages de mathématiques. Sa notoriété semblait importante et peut-être cette renommée a-t-elle été mal vue par les autorités chrétiennes de l’époque. D’après des récits, notamment de Socrate le Scolastique (historien du christianisme, à cheval entre les IVe et Ve siècles après Jésus-Christ), elle fut massacrée par une foule de chrétiens en mars de l’année 415. De nombreux ouvrages lui ont été consacrés et un film, Agora, a raconté son histoire, en 2009. © Alejandro Amenabar, DP
Sophie Germain, son théorème et les nombres premiers Sophie Germain est une mathématicienne française née le 1er avril 1776 à Paris. Elle se passionne dès l’enfance pour les mathématiques, au point d’y consacrer sa vie dans une société où ce genre d’activité est, dans le domaine professionnel, réservé aux hommes. Elle est si déterminée qu’elle prend un nom d’homme, Antoine Auguste Le Blanc, pour demander par écrit les cours de l’école Polytechnique, qu’elle obtient et qu’elle dévore. Toujours sous son nom d’emprunt, Sophie Germain communique ses remarques au grand mathématicien et astronome Joseph-Louis Lagrange, qui finit par rencontrer ce brillant « monsieur Le Blanc ». Il la soutiendra dans ses travaux. Sophie Germain s’attaque au Grand (ou Dernier) théorème de Fermat, selon lequel, avec x, y, z et n entiers, l’égalité x^n + y^n = z^n ne peut être vérifiée, quels que soient x, y et z, que pour n = 2. Ce théorème ne sera démontré que par Andrew Wiles en 1995. Elle correspond avec Carl Friedrich Gauss, encore une fois sous le nom de monsieur Le Blanc. Elle se trahit cependant en demandant à un général de Napoléon de protéger ce grand mathématicien prussien dont le pays va être envahi par les troupes françaises. Elle décrit une classe particulière de nombres, devenus les nombres premiers de Sophie Germain. Un nombre est de ce type si son double plus 1 est premier aussi. Elle parvient ainsi à un théorème, connu sous le nom de théorème de Sophie Germain, stipulant que, pour que l’égalité du Grand théorème de Fermat soit vérifiée, il faut que x, y ou z soit divisible par le carré de n. La mathématicienne a donné son nom à d’autres théorèmes et s’est penchée ensuite sur les surfaces courbes, ce qui l’a amenée à proposer une théorie de la vibration en opposition totale avec l’explication de Poisson, autre mathématicien contemporain. © Jamesweb, Flickr, CC by 2.0
Marie Curie La future Marie Curie naît Maria Sklodowska le 7 novembre 1867 dans un vieux quartier de Varsovie. Son père est professeur de mathématiques et de physique et sa mère institutrice. La découverte de la philosophie d’Auguste Comte, le fondateur du positivisme et de la sociologie, renforcera sa passion pour la physique et les mathématiques. Sa famille étant devenue désargentée, et l’accès aux études scientifiques étant peu commun pour une femme à cette époque, sa décision de poursuivre une carrière scientifique va la confronter à de multiples difficultés. Marie quitte la Pologne pour la France en 1891 où elle étudiera les mathématiques en suivant les cours de deux mathématiciens de renom, Paul Painlevé et Paul Appell, ainsi que des physiciens Léon Brillouin et Gabriel Lippmann. Ce dernier, très impressionné par les qualités de Marie, obtient pour elle la commande d’une étude sur l’aimantation de différents types d’acier. Mais la chercheuse, qui a aussi obtenu une licence de mathématique, manque de connaissances sur le magnétisme de la matière et cela va la conduire à se renseigner auprès d’un des plus grands spécialistes de l’époque : Pierre Curie. Elle hésitera à accepter la demande en mariage de Pierre Curie, pensant un temps avoir un poste à l’Université en Pologne où elle était retournée. Elle reviendra sur sa décision et le couple se mariera le 26 juillet 1895, à Sceaux. De cette union naîtra en 1897 Irène Curie qui, tout comme sa mère, décrochera un prix Nobel de chimie. La même année, elle entreprend des recherches sur un nouveau phénomène que venait de mettre en évidence Henri Becquerel, ayant choisi ce sujet pour sa thèse de doctorat. Ce nouveau phénomène sera baptisé par Marie du nom de radioactivité. Rejointe en 1898 par Pierre Curie qui abandonne ses recherches sur la piézo-électricité, ils annonceront la même année qu’ils ont réussi à extraire des tonnes de ce minerai deux nouveaux éléments radioactifs, le radium et le polonium. Cette découverte leur vaudra l’attribution du prix Nobel de 1903 avec Becquerel. Pierre Curie meurt d’un accident de rue en 1906. Marie Curie remplacera Pierre à son poste de professeur à la Sorbonne, une grande première pour l’époque. En 1909, elle est nommée professeur titulaire dans sa chaire de physique générale, puis de physique générale et radioactivité. En 1911, elle décrochera le prix Nobel de chimie et sera la seule femme présente au mythique congrès Solvay de cette même année. Là-bas, elle discutera avec Ernst Rutherford et une jeune étoile montante de la physique théorique, Albert Einstein, avec qui elle restera liée. Pendant la Première Guerre mondiale, Marie Curie va beaucoup s’impliquer pour que la nouvelle technique de la radiographie soit disponible sur le front, afin d’aider les chirurgiens à localiser, puis extraire les fragments métalliques dans le corps des blessés. Sa fille, Irène, âgée seulement de 18 ans, l’assistera. Après la guerre, son exemple constituera une aide précieuse dans les différentes luttes pour la cause des femmes, en particulier bien sûr dans le domaine des sciences. Elle deviendra une figure médiatique aux États-Unis, où elle fera campagne pour récolter des fonds pour la recherche scientifique autour du radium. Malheureusement, les longues heures d’expositions à des substances radioactives avant qu’on n’en connaisse vraiment la dangerosité vont conduire à détériorer sa santé. Elle développe une leucémie. Elle se rend au sanatorium de Sancellemoz en Haute-Savoie en 1934 où elle décède le 4 juillet. © Jurii, licence CC 3.0
Chien-Shiung Wu Chien-Shiung Wu (13 mai 1912 à Shanghai-16 février 1997 à New York) est une physicienne sino-américaine. Spécialiste de physique nucléaire, elle a travaillé à l'enrichissement de l'uranium dans le cadre du projet Manhattan, puis démontré expérimentalement en 1956 la non-conservation de la parité proposée sur des bases théoriques quelques mois auparavant par Lee et Yang. Ces deux chercheurs recevront le prix Nobel de physique mais pas elle. Il est possible qu’elle ait souffert à ce propos d’un certain sexisme dans la communauté scientifique. Elle-même dira d’ailleurs plus tard : « Il est honteux qu'il y ait si peu de femmes dans les sciences… En Chine, il y a beaucoup, beaucoup de femmes en physique. Il existe un préjugé aux États-Unis selon lequel les femmes scientifiques sont toutes célibataires et sans élégance. C'est la faute des hommes. Dans la société chinoise, une femme est appréciée pour ce qu'elle est, et les hommes l'encouragent à se réaliser… mais elle conserve l'éternel féminin ». Il faut dire que Madame Wu, comme on l’appelait, était la fille de Wu Zhongyi, un défenseur de la parité des sexes ayant fondé l'École supérieure professionnelle de femmes de Mingde. Arrivée à l’université de Berkeley en 1936, elle décrocha en 1940 un doctorat en physique sous la direction du prix Nobel Ernest O. Lawrence, l’inventeur du cyclotron. Madame Wu fut le premier instructeur femme au Département de physique de l'université de Princeton, la première femme titulaire d'un doctorat honoris causa de Princeton, la première femme président de l'American Physical Society (élue en 1975). Elle fut la première lauréate du prix Wolf en physique en 1978, que certains considèrent comme l’équivalent du prix Nobel. © Domaine public
Emmy Nœther Mathématicienne allemande née le 23 mars 1882. Douée pour les langues, fille d’un mathématicien, la jeune Emmy Nœther ne veut pas devenir professeur de français ou d’anglais et s’inscrit à l'université bavaroise d'Erlangen, plutôt fermée aux femmes. Elle parvient à suivre les cours et est brillamment reçue à l’examen final. Elle devient professeur de mathématique et passe une thèse dans ce domaine. Parmi les scientifiques dont elle croisera la route, figurent Karl Schwarzschild et David Hilbert. Ses cours à l’université d'Erlangen puis de Nottingen deviennent célèbres et attirent de nombreux étudiants. La mathématicienne y décrit ses travaux et engage des discussions avec son public. De nombreuses contributions de Noether sont ainsi transmises non par des publications mais par ses présentations orales. La mathématicienne aura ainsi une grande influence sur la génération suivante. En 1933, après la prise du pouvoir par les nazis, il lui est interdit d’enseigner et elle s’expatrie aux États-Unis, où elle travaille au Bryn Mawr College, en Pennsylvanie. Ses travaux, nombreux, puissants et variés, concernent l’algèbre, notamment la théorie des groupes, celles des anneaux et l’algèbre non commutative. Ils enrichiront aussi la topographie et même la physique théorique. Dans ce dernier domaine, le théorème de Nœther montre l’équivalence entre les lois de conservation et l’invariance des lois physiques qui découlent du principe de symétrie. © Domaine public, Jamesweb, Flickr, licence Creative Commons 2.0
Irène Joliot-Curie et la radioactivité artificielle Irène Joliot-Curie (12 septembre 1897 à Paris - 17 mars 1956 à Paris) est une chimiste, physicienne et femme politique française lauréate du prix Nobel de chimie, tout comme sa mère, Marie Curie. Elle était devenue son assistante à l'Institut du radium de Paris depuis 1918 lorsque, chargée de former des ingénieurs en chimie nucléaire, elle rencontra son futur époux Frédéric Joliot. De leur union en 1926 naîtrons deux enfants, Hélène Langevin-Joliot née en 1927 et Pierre Joliot-Curie né en 1932. Avec son mari, Irène découvrira la radioactivité artificielle en 1934, peu de temps avant le décès de Marie Curie. Frédéric et Irène recevront le prix Nobel de chimie pour cette découverte l’année suivante. La mise en évidence et l’étude de ce phénomène qui consiste à transformer un élément stable en élément radioactif, en conjonction avec les recherches sur l'action des neutrons sur les éléments lourds, sont un pas important vers la découverte de la fission nucléaire. En 1937, elle devient maître de conférences, en remplacement de son mari nommé au Collège de France, puis professeur sans chaire à la Faculté des sciences de Paris. En 1946, elle devient directrice de l'Institut du radium et elle participe à la création du Commissariat à l'énergie atomique, où elle occupe la fonction de commissaire durant six ans. Elle obtient la chaire de physique générale et radioactivité précédemment occupée par sa mère. Irène Joliot-Curie meurt le 17 mars 1956 à Paris d'une leucémie résultant d'une surexposition aux rayonnements radioactifs au cours de son travail, probablement aussi lorsqu’elle assistait sa mère sur le front de la Première Guerre mondiale pour faire des radiographies des blessés afin d’aider les chirurgiens. © DP